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« Le Grand Vide » – Du rire à l’asphyxie

Le Grande vide
© éditions 2024

Première bande-dessinée long-format de Léa Murawiec, Le Grand Vide aborde la question de la notoriété dans un univers dystopique à l’aspect vertigineux.

Le Grand Vide, c’est ce lieu vers lequel Manel a pour projet de se rendre avec son ami Ali. À contre-courant de ses contemporains qui ne prêtent aucun intérêt à ce lieu (voire le craignent). Par refus des convenances et surtout par curiosité  ; elle prépare son voyage. Mais à quoi bon organiser une expédition vers un lieu dont elle ne pourra au final pas rendre compte  ?

Lorsqu’elle apprend l’existence d’une autre Manel Naher, son projet est mis à mal. Cette homonyme célèbre met sérieusement sa vie en péril dans un monde au sein duquel le «  taux de présence  » est central. Pour continuer d’exister, les habitants de cette ville ultra-dense doivent tout faire pour que quelqu’un, quelque part, continue de penser à eux. Face au visage de la mort, Manel pourrait bien tenter de se plier au jeu de la notoriété, finalement.

Maîtriser les codes pour mieux les détourner

Avec Le Grand Vide, l’autrice-illustratrice joue avec les codes de la bande-dessinée et du manga pour offrir au lecteur une histoire toujours sur un fil entre tragique et humoristique. À la mégalopole tentaculaire déprimante où se déroule l’action s’oppose Manel, un personnage paumé et bientôt à la déroute mais qui donne à cette histoire un capital humoristique insoupçonné.

La fluidité du dessin, rendant les personnages de ce récit quasiment élastiques, s’adjoint à un jeu sur les expressions (les masques se succèdent comme dans un théâtre de Nô) et à un travail sur la profondeur pour faire du Grand Vide une histoire tragi-comique captivante qui aspire pleinement le.a lecteur.ice. Impossible de s’ennuyer dans cette BD qui visuellement comme scénaristiquement apparaît comme une course effrénée. Tout comme Manel, le lecteur passe du rire à l’asphyxie d’une planche à une autre.

Un trait vif et inventif

Chaque planche laisse entrapercevoir le travail de recherche qu’elle a nécessité. Le Grand Vide déborde d’idées graphiques innovantes et parfaitement exécutées. Sous le trait de Léa Murawiec, une mégalopole imaginaire naît. La ville est omniprésente, étouffante. Le dessin à l’encre de chine engloutit celui ou celle qui le regarde, lui fait ressentir le vertige, le tout sur papier.

Les illustrations pleines pages sont foisonnantes de détails et le dessin de Léa Murawiec parle de lui-même sans qu’il y ait besoin d’y joindre dialogues ou voix off. Ces planches succèdent à des passages plus scénarisés où l’humour survient, les visages y sont tout justes esquissés, les expressions amplement exagérées, comme dans un manga. L’un et l’autre se nourrissent pour former un tout : Un Grand Vide qui fascine autant qu’il marque les esprits.

Le Grande Vide de Léa Murawiec, éditions 2024, 25 euros.

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