CINÉMA

« West Side Story » – La nouvelle Amérique ?

West Side Story © Walt Disney
West Side Story © Walt Disney

Soixante ans après la sortie du mythique West Side Story, Steven Spielberg en propose un remake, porté par le couple Ansel Elgort et Rachel Zegler. Un remake sympathique et politique.

Mais que diable allait-il faire dans cette galère ? Lorsque Steven Spielberg annonçait vouloir faire un remake de West Side Story, la question flottait dans l’air à Hollywood. Avec ses 10 Oscars, West Side Story semblait pourtant avoir fait ses preuves et convaincu à la fois la critique et le public à sa sortie en 1961. Revisiter un classique qui a marqué aussi profondément la culture populaire représente un challenge colossal, même pour l’un des réalisateurs les plus prolifiques de sa génération. Pourquoi se lancer dans cette quête impossible ?

West Side Story : de remake en remake


West Side Story est l’adaptation de Roméo et Juliette, la pièce classique de William Shakespeare, mise en scène sur les planches de Broadway en 1957, puis adaptée au cinéma avec le film de Robert Wise en 1961. Steven Spielberg cherchait-il à s’inscrire dans le lignage déjà bien long d’adaptations de la pièce ? Pour un réalisateur plus habitué aux blockbusters qu’aux comédies musicales, la tâche semblait pourtant fastidieuse. Pour Broadway, West Side Story est un mythe parmi les mythes, l’héritage sacré de Bernstein et Sondheim. Et pour cause : soixante ans pile après sa création, la pièce est encore jouée régulièrement à guichet fermé sur les planches mythiques de l’avenue new-yorkaise. 

Mais le West Side Story de Spielberg est un film résolument moderne, ancré dans son époque jusqu’au coeur. Le réalisateur semble partir d’un postulat pour le moins unique : et si l’original avait pu faire mieux ? S’il était possible de réécrire un film en apprenant de tous les changements sociaux, de toutes les polémiques, corrigeant chaque imperfection pour n’en conserver que l’essentiel : le cinéma. 

Le réalisateur s’est d’ailleurs exprimé de nombreuses fois sur le sujet lors de la tournée presse du film, précisant que «  nous aurions dû faire mieux à l’époque  ». Par cela, il entend évidemment que c’est la société toute entière qui aurait dû, et aurait sans aucun doute pu faire mieux. Steven Spielberg se tourne ici vers les générations futures, en se démenant pour leur apporter une pépite du passé, corrigée, améliorée, un film qui fait mieux. Sur ce point, le projet West Side Story 2021 est un succès. Le casting et les costumes sont fidèles à la culture portoricaine. Un grand pas en avant par rapport à son aîné, qui avait préféré caster des acteurs blancs mais «  bankables  » pour séduire le public. Une pratique très commune à l’époque qui n’a plus sa place dans le cinéma d’aujourd’hui. 

Un remake visuellement spectaculaire

Au-delà du respect porté aux cultures représentées dans le film, le West Side Story de Steven Spielberg tient surtout sa promesse sur le divertissement. Le réalisateur pousse à l’extrême les couleurs, les numéros de danse, et bien entendu les numéros musicaux. Pas de doute, le résultat est là. Le film est divertissant, mais laisse un goût un peu amer en bouche. Si l’on retrouve avec plaisir les musiques mythiques du premier opus, certains aspects du film ne parviennent pas à satisfaire. Tout d’abord, les deux acteurs principaux, qui paraissent tout droit sortis des pages d’un magasine pour adolescents. Ils sont lisses, trop lisses. La mise en scène impressionne, mais c’est finalement là que s’arrête les apports du réalisateur. 

Comme son aîné, West Side Story peint le portrait d’une société intolérante et violente, pour laquelle la différence est forcément effrayante. Un portrait politique, donc, que Steven Spielberg propose dans une société en pleine prise de conscience collective. Peut-être est-ce là tout l’intérêt de son projet, proposer à un public plus jeune une oeuvre engagée, symbole de ce changement en même temps que de tous ceux qu’il reste à faire.

Avec l’imagination sans borne dont il a toujours fait preuve dans ses films, pourquoi vouloir offrir une copie revitalisée d’un film déjà fait ? Le concept est intéressant, mais ne propose finalement rien qui enthousiasme au point d’en redemander. On se surprend à espérer que l’ère des remakes en série touchera bientôt à sa fin, pour laisser éclater à l’écran des idées originales qui continueront d’écrire la légende du cinéma, au lieu de se contenter de la re-raconter en 4k.

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