CINÉMA

(Re)Voir – « Amadeus » : L’homme face au Génie

Amadeus © Warner Bros
Amadeus © Warner Bros

Diffusé sur Ciné + Club ce mardi 21 décembre, Amadeus est un chef d’œuvre brillant, fiévreux, à redécouvrir encore et encore.

Il fallait du talent pour rendre hommage à Mozart. À l’homme, à sa vie tumultueuse, mais aussi, et surtout, à sa musique. Il fallait du génie pour capturer en images la fièvre folle de la création. Il fallait au moins l’un des réalisateurs les plus respectés de son temps, Miloš Forman. Alexandre Puchkine aurait-il pu imaginer, en écrivant Mozart et Salieri en 1830, que sa pièce serait adaptée à l’écran plus de 100 ans plus tard ? La réponse est sans doute non, et pourtant… Son texte disposait déjà de tous les éléments nécessaires à une intrigue solide et passionnante, qui allait inspirer le sublime Amadeus.

Amadeus, un duel fascinant

L’objet même du film est bouleversant. Pour raconter le mythe de celui qui allait devenir le compositeur le plus connu de l’Histoire, Miloš Forman redonne vie à son rival de toujours : Antonio Salieri. Salieri est l’homme devant le génie, petit comme un enfant dans l’ombre du grand Mozart. Compositeur classique, mais talentueux, que tout prédisposait à la postérité, cet Italien exilé à la cour de Joseph II allait pourtant tomber dans l’oubli. C’est là le drame de sa vie. D’avoir vu naître un génie qu’il ne pourrait jamais égaler.

Tout le film repose sur ce déchirement intérieur qui opère chez Salieri. Lui qui admire tant Mozart, qui désire tant être lui, le déteste pourtant du plus profond de son âme. Au point de vouloir sa mort. Que faire ? Il ne peut pas se tenir à l’écart, mais craint presque d’approcher le génie de trop près. Sa fascination nourrit sa haine, la violence l’habite. Chaque note pensée par Mozart le porte au bord du gouffre, entre extase et torture. Le châtiment sublime d’un homme témoin du génie d’un autre.

Face à Salieri, Miloš Forman dessine un Mozart frivole, brillant et dévoré par ses excès. Sa musique l’habite et rythme chacun de ses souffles. Il ne vit que par elle, ne survit que pour elle. Comme une infernale course contre la montre, il gratte sa plume sur le papier, pour sortir enfin de sa tête toutes ces notes qui se précipitent, construisant déjà dans son esprit une symphonie parfaite.

La musique comme personnage principal

La musique de Mozart rythme chacun des plans imaginé par le réalisateur. La mise en scène est brusque et dramatique. L’arrivée de Mozart à l’écran déclenche un sursaut soudain, comme si la caméra était prise de la même fièvre créative, du même délire fou que Mozart et Salieri. Et de ce délire naît la musique. Magnifique, poignante, elle transcende l’image pour atteindre un au-delà. Le metteur en scène atteint la perfection, le mariage parfait entre l’image cinématographique et la musique classique. Un travail impressionnant, méticuleux, et passionné.

Le réalisateur emporte dans un tourbillon ardent, où la danse est menée par ses deux acteurs principaux, exceptionnels. F. Murray Abraham (Salieri) et Tom Hulce (Mozart) sont tout simplement bouleversants, et tous deux furent nommés aux Oscars en 1985. C’est finalement F. Murray Abraham qui remporta la statuette, en plus des sept autres reçus par le film cette année-là.

Cette danse entre les deux hommes laisse bientôt la place à un troisième invité. C’est le fantôme de la mort qui plane sur Vienne. Car Amadeus est bien le film d’un déclin. Après la naissance du génie, vient sa perte, et celle de celui qui l’a tant admiré. Un drame si profondément grandiose, si tragique, que seul le réalisateur de Vol au dessus d’un nid de coucous aurait pu adapter à l’écran. Il fallait du talent, et celui de Miloš Forman explose sous nos yeux dans ce film devenu, à raison, un classique.

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