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Rencontre avec Léa Seydoux – « Tromperie » : Une tendresse qui emporte tout

© Why Not Productions

Dans Tromperie, dernier long métrage d’Arnaud Desplechin, Léa Seydoux incarne l’amante anglaise d’un écrivain ivre des mots de celles qui partagent – momentanément – sa vie. À l’occasion de la sortie du film, le 29 décembre, nous avons pu échanger avec une actrice aussi timide et sensible que son personnage.

Le personnage de l’amante que vous incarnez semble touché d’une grande timidité. Et pourtant elle accepte de partager le récit de sa vie quotidienne avec l’écrivain. Comment avez-vous envisagé cet écart  ?

Il y a la timidité du personnage, certes. Mais quand on joue un personnage, on joue beaucoup avec ce qu’on est. Cette timidité du personnage, c’est la mienne. Quand on joue un rôle, il y a un double trajet  : celui que l’on fait vers le rôle et celui que le rôle fait vers l’acteur. À l’intersection de ces deux trajets, j’essaie de donner corps à une expérience qui est aussi la mienne. L’amante est timide, comme je peux l’être.

Pour vous, l’amante n’est pas seulement l’objet de l’écrivain, elle est aussi sujet  ?

L’amante laisse l’écrivain entrevoir une forme de détresse, sa solitude. Cet homme vient combler un certain vide qu’elle peut ressentir dans sa vie de couple. C’est une femme qui est enfermée dans sa condition. Une femme bourgeoise, qui ne travaille pas.

Mais, tout d’un coup, cette relation avec un écrivain reconnu et admiré lui permet de récupérer un morceau d’elle-même. En quelque sorte, c’est parce qu’elle se rencontre elle-même dans cette relation, que l’amour est possible. Finalement, une formule assez juste pour qualifier la relation qu’elle a avec Philip serait celle d’André Breton  : «  L’ amour, c’est quand on rencontre quelqu’un qui vous donne de vos nouvelles  ». L’amour lui permet en quelque sorte d’accéder à elle-même.

Il s’agit d’une adaptation d’un roman, le texte est donc omniprésent mais on vous sent toujours au seuil d’une émotion bouleversante

Le cinéma est fait pour être incarné. Ce n’est pas l’art de la littérature. C’est l’art de l’image, de l’incarnation par le corps. Il s’agit de donner chair à des personnages. J’essaie d’avoir une grande empathie pour ce qui est raconté.

Il y a donc quelque chose de très intime dans votre approche du rôle  ?

Il faut toujours s’approprier un rôle. Ce que je trouve intéressant c’est aussi quand les acteurs parlent d’eux à travers les films. Qu’ils y mettent eux-mêmes quelque chose d’intime, en effet. C’est très intime le cinéma. Il y a une belle et noble impudeur au cinéma pour les acteurs. Une impudeur sublimée par la fiction.

J’essaie que le personnage soit accessible et tangible. C’est très agréable quand on incarne des rôles pour lesquels on se dit qu’on est la bonne personne, des rôles qui résonnent en soi. C’est rare.

Léa Seydoux
© Why Not Productions

Il y a un désir très tendre qui traverse le film. Comment avez-vous réussi à créer cette dynamique dans le duo que vous formez avec Denis Podalydès  ?

Je ne sais pas s’il s’agit vraiment de désir. Il s’agit de la solitude à laquelle l’amante est confrontée mais aussi, d’une certaine façon, à laquelle l’écrivain lui-même est confronté. Je pense à la solitude face à la page blanche.

Et de la rencontre entre ces deux solitudes naît une tendresse qui est aussi une consolation. Elle qui est, dans la tristesse de sa condition, mariée à un homme qu’elle ne peut pas quitter car elle ne travaille pas, trouve enfin dans cette relation quelque chose qui lui appartient. C’est son jardin secret.

Malgré cette solitude, il y a une grande joie qui transparait à l’écran.

Oui, il y a beaucoup de joie. Parce qu’il y a une émulation entre ces deux personnages – et donc entre Denis et moi. L’amante sent qu’elle l’inspire et c’est galvanisant pour elle. Tout d’un coup elle a un but et un rôle. J’ai pris beaucoup de plaisir à jouer avec Denis.

Le film se termine par une rupture, mais une rupture sereine puisqu’à ce moment votre personnage n’a plus de doutes sur le statut de la relation qu’elle a eue avec Philip. Comment avez-vous perçu cette fin  ?

On ne sait jamais vraiment si on a été aimé.e ou si c’est un malentendu. Cette amante s’est peut-être sentie un peu piégée d’avoir été l’objet d’étude de cet écrivain. Mais à la fin, c’est la tendresse qui emporte tout. Pour moi, c’est le sujet du film. C’est pourquoi j’ai été émue par le personnage dès la lecture du scénario.

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