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Festival Format Court – Palmarès, Coups de coeur et focus la Fémis

© Marie Larrivé / Format Court 2021

Après une deuxième édition en ligne en 2020, le festival Format Court était de retour au Studio des Ursulines du 23 au 28 novembre. Par sa compétition et ses focus, le festival qui met à l’honneur les courts métrages nous a une nouvelle fois charmés par sa programmation.

Lors de la cérémonie de clôture ce dimanche 28 novembre, les trois jurys – professionnel, presse et jeunes – et le public ont remis leur prix aux lauréats. Un nouveau prix, Alice Guy, initié par la journaliste Véronique Le Bris a récompensé une des réalisatrices en compétition. Une fois de plus, le festival créé par Katia Bayer met en lumière la diversité formelle et des points de vue artistiques puissants qui guident ce palmarès.

Palmarès

Jury professionnel

Grand prix : Nuits sans sommeil de Jérémy Van Der Haegen

Le loup rôde dans la campagne. Dans la maison vit une famille : un petit garçon, Oscar, qui aime les robes, une adolescente à l’âge des premiers émois, une mère sous Xanax et un père dépassé. Jérémy Van Der Haegen saisit des tableaux familiaux empruntant différents sentiers du documentaire naturaliste glissant vers une ambiance de conte. Ces scènes de vie quotidienne semblent couver des pulsions dissimulés sous les cadres et les chairs. La mise en scène joue avec le malaise et l’inconfort de cette banalité dysfonctionnelle tandis qu’Oscar danse en kimono vert dans un souffle de libération. Un cinéaste à suivre de très près.

Diane Lestage

© Tact Production/ Neon Rouge Production

Prix d’interprétation : Ariane Naziri dans Pedar de Mandana Ferdos

Ariane Naziri interprète un témoignage. Son visage s’impose à l’image, une larme sur la joue, une cigarette allumée, il se dégage de cette femme l’indépendance durement acquise. Elle a quitté son pays, l’Iran, pour faire ses études à Paris. En quelques minutes, elle discute au téléphone avec sa soeur et son père, Pedar en persan. A distance, elle paye l’emprise et le prix de cette liberté.

Diane Lestage

© Les Salines Films

Prix d’interprétation : Ayman Rachdane dans Le Départ de Saïd Hamich. Mention spéciale à l’ensemble des acteurs et actrices du film

2004, au Maroc. Adil, 11 ans, profite de son été avec ses camarades, à trainer, à attendre la course aux Jeux Olympiques d’ Hicham El Guerrouj. Quand son père et son frère viennent lui rendre visite, c’est avec un dessein bien précis, un départ pour La France. Mille émotions traversent le regard du jeune Ayman Rachdan, presque de chaque plan. Pourquoi laisser sa mère, son pays et ses copains et s’en aller vers l’inconnu. L’idée de la future séparation s’insère progressivement dans les scène des vie estivales.

Diane Lestage

© Barney Production/ Mont Fleuri Production

Prix du scénario : Sidéral de Carlos Segundo

Un jour férié au Brésil. Dans quelques heures, la première fusée du pays sera envoyée dans l’espace. A des années-lumière de là, à Natal, une famille dont le père est mécanicien et la mère femme de ménage poursuit son train-train quotidien. Bien que fascinée par l’évènement, elle sait que ses habitudes n’en seront pas modifiées. La fusée reste simplement un support d’imagination pour s’évader vers l’inconnu. Avec l’espoir qu’il devienne réalité. Sélectionné au Festival de Cannes, Sideral possède un discours poétique atypique, qui frôle l’absurde. Les plans fixes, voire figés, en noir et blanc, confèrent au court-métrage une atmosphère calme et paisible, trompant le spectateur sur les apparences. Carlos Segundo dépeint avec justesse l’atmosphère de vie de certains habitants de cette ville du Nordeste aux mille visages. Un quasi-OVNI dans le paysage cinématographique.

Yoann Bourgin

© Les Valseurs

Prix de l’image : Guillaume Delsert et Raphaëlle Petit-Gille pour Hadrien et Nathalie de Philibert Gau

Tourné entièrement en split-screen (écran partagé), Hadrien rentre de voyages et retourne près de ses amis. Dans cette maison qu’ils partagent, il retrouve un sentiment ancien, un vieil émoi pour Nathalie. Mais le temps a passé. Philibert Gau à travers ce montage joue avec les images, donnant à voir deux points de vue d’un même instant tandis qu’une mélancolie s’empare de chaque plan, sur le visage de chacun des deux acteurs.rices.

Diane Lestage

© SMAC Production

Prix de la création sonore : Lucas Verreman et Antoine Boucherikha pour Hold me tight de Léo Robert-Tourneur

Dans ce court film d’animation, Léo Robert-Tourneur crée un univers visuel et sonore singulier. Deux personnages se rencontrent dans une forêt luxuriante. Leur rencontre bestiale et sexuelle les attirent l’un à l’autre faisant jaillir la couleur de cette amour orgasmique éphémère. Hypnotique et artistique.

Diane Lestage

© LaClairière Production Ouest

Jury Presse

Prix de la presse : Maalbeek de Ismaël Joffroy Chandoutis

Sabine était dans la rame de métro le 22 mars 2016 à la station Maalbeek de Bruxelles. Rescapée de l’attentat, elle n’en a aucun souvenir. Maalbeek est un voyage dans les images confrontées à l’amnésie de la protagoniste. Ismaël Joffroy Chandoutis compose un travail cinématographique puissant où prises de vu réelles se mêlent à de l’animation fragmentée, elle-même confrontée aux images réelles médiatiques. La voix-off de Sabine tente de recomposer, de rechercher sa mémoire perdue à travers cette quête iconographique. Une expérience visuelle et émotionnelle unique et nécessaire.

Diane Lestage

© Films Grand Huit, Films à Vif

Mention spéciale : Bestia de Hugo Covarrubias

Bestia est une oeuvre singulière. Créée en stop motion et « basée sur des faits réels », le film narre le quotidien d’une agent de la police secrète chilienne pendant la dictature militaire. De sa routine du petit-déjeuner, des cigarettes allumées, aux instants partagés avec son chien, Hugo Covarrubias nous fait rentrer dans les cauchemars et peurs de son personnage, nous perdant visuellement dans les limbes entre réalité et fiction. Une représentation du Chili par une création artistique habile.

Diane Lestage

©TREBOL 3, Tevo DIAZ

Jury Jeunes

Prix du jury jeune : Sprötch de Xavier Seron

Tom tente d’écrire un roman quand son compagnon Flo doit partir au Maroc pour le travail. Resté seul avec leur fils, la liste de choses à faire ne le préoccupe pas vraiment. Mais dans la précipitation, en sortant la voiture du garage, un grand « Sprötch », Tom a écrasé quelque chose…ou plutôt quelqu’un. Dans une superbe photographie monochrome, Xavier Seron livre une comédie noire complètement absurde et cynique.

Diane Lestage

©Angie Productions, Hélicotronc

Mention spéciale : Sidéral de Carlos Segundo

© Les Valseurs

Prix Alice Guy (commun aux trois jurys), décerné à la meilleure réalisatrice

Dustin de Naïla Guiguet

Un prix amplement mérité et symbolique pour Naïla Guiguet dont le film, distribué par Ufo Distribution a pu sortir en salles en préambule du long-métrage Spectre  : Sanity, Madness and The Family de Para One. Le temps d’une soirée, Dustin, jeune transgenre va vivre le désenchantement amoureux, le détachement de son petit-ami. Au rythme de la techno d’une soirée Possession, dans les mélanges de paradis artificiels, la recherche de tendresse s’immisce peu à peu dans la fête. Une plongée nocturne libre et queer où Dustin brûle l’écran de sa présence et de ses émotions à fleur de peau.

Diane Lestage

© UFO distribution

Prix du public

Frère et soeur de Coralie Lavergne

Frère et soeur c’est l’histoire d’une soeur qui retrouve son frère après plusieurs années. Interprété par le charismatique Sandor Funtek, lui n’a pas bougé, il vit toujours au même endroit près « des roches qui l’ont vu naître » en père célibataire. C’est une tentative de renouer un lien, de recréer une cellule familiale dans un schéma dysfonctionnel. La sublime photographie est baignée dans la chaleur du sud où le soleil s’immisce dans chaque plan. La beauté réside dans cette simplicité.

Diane Lestage

© The Red Ceiling

Nos coups de coeur non primés

Pacfìco Oscuro de Camila Beltrán

Dans une ville portuaire de Colombie, des femmes chantent le soir pour entretenir un art déjà perdu. Liminaire et moite, errant le jour et dansant la nuit, PacÌfico Oscuro profite de son rythme pour transmettre une émotion presque documentaire. Le travail de l’image (flou cinétique, dégradation volontaire de la qualité de l’image) n’est pas dénuée d’une certaine épure. L’altération des plans rappelle le travail de Godard et Miéville. PacÌfico Oscuro est une ode à la sublimation de l’imperfection technique au profit de l’expérience esthétique. Recherche sans but, exploration qui s’ignore, PacÌfico Oscuro est un long cri languissant sur la rupture entre les humains du présent et du passé.

Pierre-Théo Guernalec

© Films Grand Huit

L’Homme silencieux de Nyima Cartier

L’Homme silencieux raconte un effacement qui ne veut pas disparaitre. Vincent n’est qu’un petit point dans le champ mais il accapare l’attention de Pierre depuis son bureau. Le point fort du court-métrage réside dans son parti pris  : épouser le point de vue de Pierre. Mis en scène par des grands plans d’ensembles et des zooms, Nyima Cartier convoque la part de voyeurisme inhérente au cinéma. Le refus total de filmer à hauteur d’homme permet de mettre en perspective et d’interroger l’empathie de Pierre qui préfère rester dans sa tour d’ivoire. L’Homme silencieux garde une composante sociale. Cet ex-employé qu’on chasse pour le confort du regard provoque la pitié chez ses collègues uniquement parce qu’il dérange.

Pierre-Théo Guernalec

© Mabel Films

Focus Fémis

Le samedi 27 Novembre le festival a consacré un focus sur la Fémis, fondée en 1986. Cinq courts métrages nous sont proposés portés par cinq femmes cinéastes. Les films sont réalisés de 1988 à 2019. 

Par amour de Solveig Anspach

Par amour est un documentaire, en noir et blanc, une voix en fond : celle de Maria. Elle raconte son histoire, celle d’une femme qui a tué son jeune fiancé boucher par amour. Les différents plans mettent en avant le marché. Ces plans en noir et blanc sont entrecoupés de plans en couleur de la nature, des fleurs, une forêt. Le court métrage datant de 1989 semble tout à fait actuel tant il dénonce la violence psychologique et physique d’un homme sur une femme. La voix monotone de Maria raconte ce drame et explique pourquoi elle était prête à tuer à la fois l’amour de sa vie et elle-même par douleur. 

© La Fémis

Sans seul de Nina Maïni 

Ce court métrage force le spectateur à tendre son oreille. En fait c’est un film qui met en évidence des bruitages. L’histoire est celle de l’envers du décor d’un film, deux hommes qui enregistrent le son. Le spectateur les regarde enregistrer le bruit d’un gonflement de ballon, des pas dans le sable. Puis, ils partent en voiture à la poursuite du cri des mouettes. Ces plans sans dialogues qui demandent une grande attention au son du décor, filment une querelle sous-jacente ; entre deux hommes qui vont sûrement devoir s’éloigner. 

© La Fémis

Dis moi oui dis moi non de Noémie Lvovsky

Ce court métrage filme Emmanuelle Devos et Valérie Bruni Tedeschi, deux adolescentes qui font la fête dans une maison. La soirée met en évidence des discussions, des quiproquos, des secrets que s’échangent des amants. Le court métrage se centre sur des duos, celui de deux meilleures amies et, après, des couples ; au téléphone ou en chuchotant à proximité. L’ambiance est intime. Le spectateur suit Cécile (Valérie Bruni Tedeschi), elle est perdue entre tous ses sentiments. Elle dit oui, puis elle dit non. 

© La Fémis

Fragments de drames de Laura Garcia 

Le court métrage est tourné à la pellicule argentique. Il raconte l’histoire d’un pianiste en deuil, Émilien (Grégoire Tachnakian), ayant perdu la femme de sa vie. Le spectateur ressent sa douleur, ses espoirs de voir un jour revenir sa femme. Ses allers-retours entre le cimetière et la pharmacie ne font qu’accentuer l’hypocondrie du protagoniste. Ses moments de solitude en jouant du piano font apparaître sa femme. Le spectateur l’accompagne alors jusqu’à la tombe de sa défunte. 

© La Fémis

Clean with me (after dark) de Gabrielle Stemmer

C’est un film expérimental qui superpose différentes vidéos YouTube, des influenceuses femmes au foyer qui filment leur quotidien ; c’est à dire faire le ménage chez elles et s’occuper de leurs enfants. Le spectateur devant cet écran d’ordinateur rentre dans l’intimité de ces femmes et supporte la charge mentale de leur journée. La réalisation tout à fait moderne est en contraste avec le message : celui de dénoncer le conservatisme que représente le patriarcat au cœur de ces différentes familles américaines. 

© La Fémis

Emma Banyuls

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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