Après La Fille du 14 juillet en 2013 et La Loi de la Jungle en 2016, Antonin Peretjatko revient au long métrage avec cette fine comédie conjuguant vaudeville et burlesque sur fond de satire sociale macroniste. Pépite.
Paul Château-Têtard, auquel Philippe Katerine donne toute sa grâce, est un Tanguy de 45 ans. Il est l’unique héritier d’une famille bourgeoise du XVIe arrondissement de Paris, ayant fait fortune grâce à d’ingénieux systèmes mécaniques d’ascenseurs qui finiront chez de différents dictateurs de tous bords. Le hasard le conduit à Ava (ladite pièce rapportée), incarnée par Anaïs Demoustier pétillante et aérienne, qui débute en tant que guichetière à la RATP. En voulant prendre le métro pour la première fois de sa vie, Paul trouve sa voie, celle de l’amour.
Mais cette union n’est pas du tout du goût de sa veuve « maman » interprétée par Josiane Balasko génialement méchante en « Reine Mère ». Lorsqu’elle ne malmène pas son chauffeur Raoul (Sergi Lopez) ou sa bonne Conchita (Jocelyne Augier), Adélaïde Château-Têtard surveille sa bru, persuadée que celle-ci se joue des Château-Têtard. Elle va même jusqu’à engager le détective privé Dalac (Philippe Duquesne), qui délègue l’affaire à Jérôme (William Lebghil) novice dans le métier. Vont ainsi s’enchaîner une heure et vingt minutes de situations plus loufoques les unes que les autres ; du chien fumant la pipe à la femme sortante nue d’un étui de contrebasse en passant par la robotisation d’une tétraplégique.
Tirs à balles burlesques
Véritable film puzzle, tant dans ses intrigues que dans sa construction, La Pièce rapportée dresse le portrait au vitriol d’une famille de riches — surtout de clichés — qui, par exemple, lors d’une chasse à courre tire sur des Gilets Jaunes. Le même sentiment dérangeant nous traverse lorsqu’Ava, à l’arrière de la Rolls familiale, fait face au ciel bleu de Paris, sans même voir les tentes des sans-abris alignées sur des kilomètres en bord de route.
Les histoires d’amour viennent apporter un peu de légèreté à cet ordre établi que s’amuse à détricoter Antonin Peretjatko, à l’image d’Adélaïde qui, à longueur de journée, récupère la laine des pulls Jacquard de son mari. Et si les flashbacks quelque peu maladroits ouvrent le film, les mensonges, les coups bas et le goût du détail le rythment avec brio. Les séquences sont liées par la voix off (qui tantôt nuance, tantôt juge) intelligemment écrite, qui incarne l’ironie déguisée de ce film. Chaque plan offre une possibilité au genre burlesque de s’exprimer, en empruntant à Keaton et à Chaplin le souffle du gag.
Adaptée de l’œuvre de Noëlle Renaude « Il faut un héritier », La Pièce rapportée est une comédie nécessaire. Elle nous réconcilie avec ce genre cinématographique souvent piétiné depuis quelques années par le cinéma français, à coup de scénario téléphoné. Antonin Peretjatko a la magie de nous transporter dans son Absurdie aux couleurs acidulées et à la créativité sans faille. Ancrée dans notre réalité et résolument plus accessible que ces deux précédents films, La Pièce rapportée est une piquante douceur qu’il vous faut absolument goûter.