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Rencontre avec Vincent Maël Cardona : « Je crois que c’est difficile d’imaginer une génération plus marquée par le “No future” que celle d’aujourd’hui »

© Paname Distribution

Pour la sortie de son premier long-métrage, Les Magnétiques, sélectionné à La Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2021, nous avons échangé avec le réalisateur, Vincent Maël Cardona. Rencontre.

Assis derrière un bureau, un cahier ouvert devant lui, le cinéaste Vincent Maël Cardona nous a accordé un peu de temps pour parler de son brillant et punk premier long-métrage. À travers Les Magnétiques, on a discuté des années 1980, du rapport au temps, de la puissance des images, du travail du son ou encore de la peinture de Brueghel…

Le scénario des Magnétiques a été écrit à douze mains, comment ça s’est passé ? Comment on écrit à six ?

Oui, on est trois garçons et trois filles. Je leur ai demandé de m’aider à écrire le scénario de mon premier film. Au départ, c’est parti du sentiment que le monde de mon enfance, les années 1980, était très différent du monde dans lequel on était. On a commencé à écrire le scénario il y a dix ans, mais ça n’a pas changé, ça c’est confirmé avec le temps. Il y avait un éloignement, c’est normal, on vieillit, les époques passent.

Mais là, il y avait un petit truc en plus qui était de l’ordre de la rupture qui s’était produite quelque part sur le chemin. C’est très abstrait, mais c’était mon émotion : une cassure entre le monde qui nous avait vu grandir, la fin des années 1970 et début 1980 et le monde d’aujourd’hui. Comme s’il n’y avait pas une continuité d’évolution. C’était ça l’intuition et ensuite quand on s’est renseigné, on est rentré dans la matière de cette époque qui n’est pas la nôtre. On ne reconstitue pas un existant dans le film, on n’est pas en train de reconstituer l’époque de notre jeunesse. C’est le monde dans lequel on a baigné tout petit. On a un ancrage, mais il n’y a pas vraiment de nostalgie. On l’a écrit à plusieurs parce que j’avais le sentiment que c’était un problème générationnel. Je dis un problème, car avant de m’intéresser au cinéma, ce qui est venu assez tardivement, je viens du texte, de la poésie, du théâtre. Je viens d’un petit village en Bretagne où je n’avais pas d’écran, je ne voyais pas de films, je n’allais pas au cinéma, c’est venu avec les études, mais assez tard.

C’est l’idée que ma génération qui avait 20 ans en l’an 2000, on était comme à mi-chemin entre la génération du film qui a 20 ans en 1980 et la génération qui a 20 ans aujourd’hui. Un pied dans le monde analogique qui nous avait structuré sans que ce soit complètement notre époque parce qu’on avait pleinement un pied dans le monde numérique sans que ce soit notre rapport au monde. C’était ça l’intention première, un sentiment qu’on parle de choses différentes et qu’il y a un éloignement, et nous, on est au milieu. Je voulais le partager avec d’autres gens qui avaient la même sensibilité.

Ce sont des personnes avec qui tu avais déjà travaillé à l’écriture ?

Oui pour certaines, dans le cadre de l’école. Chloë Larouchi et Rose Philippon étaient scénaristes dans ma promotion à la Fémis. Catherine Paillet, je n’avais pas travaillé avec elle, Romain Compingt, non plus et Maël Le Garrec, c’est un vieil ami. J’ai constitué une petite équipe de scénaristes, de personnes dont j’admirais le travail, mais qui étaient aussi des ami.e.s.

Ensuite, en se documentant, on a découvert que c’était une période assez folle. Une période de transition qui résonnait énormément avec la période actuelle. Comme un lien secret. On s’est intéressés à la constitution d’une scène underground autour d’un certain rapport au monde qui va s’exprimer dans la musique, les arts de manière générale et là, on a un affect qui fait écho à ceux qui ont 20 ans aujourd’hui. Ce moment-là, c’est le «  No future  », c’est là que s’invente cette idée, le côté punk. Je crois que c’est difficile d’imaginer une génération plus marquée par le «  No future » que celle d’aujourd’hui puisque pour elle cette notion s’incarne par des questions aussi urgentes, dramatiques et évidentes que la lutte contre l’extinction de l’espèce humaine.

Ce qu’on a voulu raconter là-dedans, dans cette circularité, c’était comment à travers une histoire qui est celle de Philippe Bichon, comment on pouvait encore y croire. Au niveau de la grande histoire, un futur qui prend la forme d’une impasse, d’un mur. Au niveau de l’intime de l’expérience individuelle de nos personnages, c’est quelqu’un qui rencontre ce que Cesare Pavese appelait le Métier de vivre, la découverte de l’absurdité de l’existence, du non-sens, souvent liée à des expériences de deuil. Comment on se relève ? Comment on y croit encore ? Le film est une tentative de prendre à bras-le-corps ce problème, cette question d’hier et d’aujourd’hui. 

C’est ça que je voulais raconter, j’ai fait des études de philo et le cinéma est une continuité de préoccupations et d’un travail que je fournissais en philosophie puisque le cinéma donne une forme sensible à un problème. La matière première de la philosophie, c’est le problème et le cinéma est une manière de continuer autrement un travail de formulation de problèmes, par l’expérience sensorielle qu’est le film. Une pensée émotionnelle qui passe par le corps. Je propose un cinéma qui est très théorique dans son élaboration et dans ce qu’il est comme film, très sensible. C’est fondamental pour moi.

D’où les années pour réaliser ce premier long ou d’autres paramètres sont rentrés en compte ?

C’est possible. J’ai une élaboration un peu compliquée donc ça met toujours un peu de temps. J’ai besoin de ce temps-là, je ne pourrais pas faire un film tous les ans. Mais là, c’est plutôt un truc un peu banal d’alignement de planètes. Le financement d’un film, c’est trouver un courant porteur à un moment donné, c’est beaucoup lié à la notion de chance. D’ailleurs, on a commencé à écrire le film pendant deux ans jusqu’en 2012/2013 et quand on l’a repris c’était en 2017 et on a eu l’avance sur recettes en 2018 donc mis bout à bout le travail d’écriture c’est trois ans et demi. C’est honnête. 

© Vincent Maël Cardona //  Paname Distribution

J’ai un peu l’impression d’être face à une génération de cinéastes qui met quand même un certain temps à pouvoir réaliser son premier long-métrage, tu penses que c’est générationnel ?

C’est un parcours du combattant. Tout le temps. Quand j’ai eu le concours de la Fémis et que je suis rentré en réalisation, je pensais que c’était bon. Et en fait non. Quand j’ai fait le film et que j’ai trouvé l’argent, pareil, mais il faut qu’il existe, il faut se battre tout le temps. C’est une chance formidable qu’il y ait autant de films qui réussissent à se faire malgré tout. On a du mal à en faire, mais on a jamais produit autant de films. Ça complique d’autant plus la visibilité de chacun.

Dans Les Magnétiques, j’avais été très surprise par le cheminement de narration. C’est une histoire assez simple et pourtant on est tout le temps surpris par des détails qui nous emmènent là où on ne s’y attend pas…

C’est vrai que d’écrire à plusieurs ça parait une bizarrerie en long-métrage, mais ça se pratique pour les séries. Il y a plein de méthodologie d’écriture à plusieurs et ça a fait ses preuves. C’est plus facile parce qu’il y a plus d’idées, c’est plus rapide parce qu’on se répartit le travail, et ça pose aucun problème d’hétérogénéité du texte. C’est vrai que pour moi, c’était important de partager cette expérience générationnelle. Il y a un travail de l’ensemble des écritures, le scénario, mais aussi ce qu’on fabrique au tournage et au montage. La particularité du film qui va dans le sens de ta question, c’est que c’est quelqu’un qui parle à la radio. C’est une narration particulière, quelqu’un qui dépose quelque chose, qui se reconnecte avec sa voix qu’il a enfin trouvée. C’est toute la trajectoire du film qui nous raconte une histoire. C’est une narration dont on a dû trouver le rythme entre être pleinement dans l’action et être un peu en décalage. C’est ce qui peut donner ce sentiment de voyage dans l’histoire.

Et la forte présence de la musique apporte ça aussi, rythme le film…

Oui, c’est une dimension très importante. Notamment, sur les transitions de séquences, comment elles s’enchaînent dans une forme de fluidité qui est beaucoup liée au travail sonore et pas que musical. Mais c’est évidemment fondamental, parce que le rapport à l’époque passe par la musique préexistante. Comment elle a su capter, conserver dans sa texture dans son son, un témoignage d’un rapport au monde qui passe par un canal très pur. C’était indispensable de pouvoir faire entendre ce son-là, mais aussi parce que le personnage principal a une distance comme un décalage qui passe par une sorte d’acuité sonore particulière qu’on restitue dans le film. 
On a un peu la vision du monde de Philippe Bichon qui a une vision du monde sur-sensitive à beaucoup d’éléments sonores. C’est son génie, sa singularité et en même temps, c’est son poids, sa carapace qui le protège et l’empêche d’être lui-même. C’est la trajectoire du film : comment en passant par des langages qu’il invente, il va pouvoir s’exprimer, il va réussir à s’en libérer. Ça va lui coûter cher, mais il va se retrouver à nu et malgré tout trouver dans sa propre voix, la voix-off qui est un fil conducteur. C’est aussi son filet de voix à lui, après un cri qui arrive bien trop tard, une ligne de vie pour peut-être sortir ou pas du labyrinthe, mais au moins y croire.

© Paname Distribution

La musique des années 1980 apparait comme un moyen pour la jeunesse de s’évader et en même temps les personnages n’ont pas l’air d’avoir envie de partir de chez eux. Quand Philippe part, c’est parce qu’on lui impose le service militaire et c’est grâce à ça que lui va s’évader non ? L’anti-trajectoire des romans d’apprentissage…

J’ai un rapport assez paradoxal à cette idée de la fuite de la Province, que l’émancipation est liée au départ. Évidemment, c’est une dimension très profonde, très française d’ailleurs, de la réalisation de soi dans le fait de quitter sa campagne. Le film a l’air de raconter ça, mais si on regarde de plus près, je pense qu’il problématise ce rapport-là. J’essaie de poser la Province à un niveau qui est, un niveau intemporel, imaginaire et symbolique. Cette ville n’existe pas, elle n’est pas ancrée quelque part, elle parle à tout le monde. Même dans l’imagerie de ce que c’est la Province. Et le film insiste sur l’idée qu’avant tout, c’est un rapport au monde, le sentiment d’être loin de ne pas être là où ça se passe est qu’il y a des endroits où a priori ça se passe. 

Dans le film, c’est Berlin qui va jouer ce rôle. C’est le centre mythique de l’époque. Un lieu incroyable, l’idée était de mettre en lumière ce moment géographique, historique de notre histoire européenne, cette petite île qu’est Berlin-Ouest, l’histoire de la propagande par les ondes, les radios de l’occupation militaire des puissances occidentales. Du rapport mythique et historiquement avéré sur ces soirées dans les églises, etc. 

Effectivement, il y a tous ces aspects-là, Philippe se réalise. Il est dans le saint des saints, la radio, c’est là où il explose, mais en même temps, ce n’est pas là où vraiment, il se libère. Pour moi, c’est une idée fausse, une idée qui a structuré le monde d’avant. Et je pense qu’on est un malade de cette idée-là qu’il y a des lieux où ça se passe et d’autres où ça ne se passe pas. 


Philippe, il y a cette fin où il part. Alors c’est compliqué, c’est ambigu. Pour moi à la fin, on utilise ce départ de la Province, car pour lui, il faut qu’il se mette en avant. D’ailleurs, il va sûrement revenir, ce n’est pas un abandon radical, mais il faut se mettre en mouvement. On peut sentir quand même qu’il y a ce truc de :  « Je pars de ma province, je vais à Paris pour me réaliser pour devenir, je ne sais pas, un grand DJ.  » On voit le générique de fin qu’on connaît, la mobylette, le train, le départ. Mais je crois qu’il y a un petit endroit où le film indique par sa mise en scène que ce n’est pas exactement ça. C’est quand il interrompt cette musique de fin qui appelle le générique avec un objet bizarre, qui est un Walkman sans casque, et il retourne la cassette. Il dit autre chose de ce moment-là, qui pour moi s’adresse à aujourd’hui. Là, on entend Gilles Bertin qui parle de repenser notre rapport au temps, à la linéarité, au progrès et au fait que demain sera mieux qu’hier et qu’on va progressivement se rendre compte de l’aporie de ce rapport au temps, qu’il va falloir revenir à une circularité. Revenir comme il le dit à la gloire de l’instant, du présent même si on n’y croit pas, dans ces perspectives du futur. C’est parce qu’on attend rien de demain qu’on va pouvoir vivre aujourd’hui, c’est ça le trésor de cette période, de ce que nous ont confié pour moi cette avant-garde, cette jeunesse, ces grands artistes de cette scène underground, c’est ce qu’ils ont découvert. Il y a une phrase de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet qui résume bien cette idée : «  Un autre monde a été, est et sera.  » C’est cette idée que ça a toujours été là, c’est là et ça nous appartient de la faire fleurir.

Et quand le personnage du frère, Jérome, lit ‘extrait de l’ Ancien Testament au début du film, ce passage du déluge, de l’Arche de Noé qui est un prémisse de l’Apocalypse par son idée de renouveau, c’était justement pour amener l’idée de cette époque de changement ?

Pour moi le rapport à cet endroit de la Genèse, il est à plusieurs niveaux. C’est la naissance d’un rapport problématique à l’image qui est en lien avec toute l’histoire de l’iconologie. C’est donc la vision du père qui donne lieu à toute l’école des iconoclastes et au danger de la représentation, mais au-delà de ça… Il y a beaucoup de choses… D’abord, c’est drôle, c’est une parade sonore pour refuser la confrontation physique avec le père, c’est d’abord un moyen que Jérôme trouve qui est plutôt astucieux, je trouve. Il y a une forme de panache et de tête à claques dans ce truc qui est de dire : toi, tu me tapes, moi, je vais te faire chier et je vais être encore plus fort que toi, car je ne vais pas te toucher, je vais juste faire du bruit. Après, c’est vrai que le texte est tout sauf anodin, car ça rejoint ce que je racontais laborieusement sur le rapport au temps et retrouver une circularité. Je pense que notre espèce a vécu une circularité dans l’ère pré néolithique, avant de se sédentariser. On hérite de la terre de nos enfants et ça il y a eu une rupture qui est la période de la conquête et qui va déclencher ce qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de l’Anthropocène, le rapport de crise avec notre terreau. Si on rencontre aujourd’hui la nécessité d’en finir avec cette période, le point de départ est lié au déluge. Comme le film est très marqué par la temporalité, c’était un indice au début du film de parler de l’origine de la sédentarisation. Dans toutes les civilisations, il y a des grands mythes fondateurs qui ont à voir avec des notions de déluge, de tempête et qui rappellent la période historique de la fin de l’ère glacière qui est le moment où la terre se réchauffe et où des périodes d’inondation vont donner lieu aux forêts, aux habitats. C’est plus du tout les grandes steppes avec les transhumances de grands troupeaux sauvages… On est très loin du film, mais comme tu posais la question (rires).

© Celine Nieszawer

Pour revenir sur le personnage de Philippe, c’est un personnage masculin assez étrange, qui a en lui une profonde gentillesse, et il y a cette phrase qu’il sort sur la masculinité en opposition avec son père et son frère...

«  C’est con les mecs Alpha  ». C’est presque un anachronisme, un pont entre cette époque et aujourd’hui. Je crois que la problématisation de la masculinité, elle est affirmée de manière très forte avec cette époque et ce qu’on appelait Les jeunes gens modernes et qui est notamment marqué par une rupture à l’endroit de la masculinité traditionnelle, qui s’exprimait par opposition à la féminité. Les jeunes gens modernes rompent avec cette idée-là en affirmant joyeusement que c’est un tout petit peu plus compliqué. C’est quelque chose qu’on entend, qu’on voit. Marie et les garçons par exemple, c’est un groupe de l’époque, c’est assez dur de se procurer leur musique, c’est dans leur attitude, leur manière d’être. Philippe, on le prend, on le met dans la rue, c’est un jeune homme d’aujourd’hui et pourtant, c’est complètement un homme de cette époque. C’est le berceau de notre époque. 

Chaque plan du film est très pictural. Peux-tu me parler du travail de l’image ? 

J’ai un rapport mystique à l’image, je crois en son pouvoir propre. J’ai donné des cours d’iconologie, c’est quelque chose qui me passionne beaucoup. Je ne suis pas sûr de savoir ce que c’est une image, c’est beaucoup plus compliqué que ce qu’on croit et une image de cinéma, c’est encore plus compliqué. On croit souvent que c’est assez simple, mais une image, c’est l’image de l’image, c’est une représentation mentale, elle n’existe pas sans qu’on ne la regarde et quand on la regarde on produit nous-même une image par langage. Qu’est-ce qu’une image quand on enlève le langage ? Ce sont de vieilles questions du cinéma, posé par Stan Brakhage et d’autres cinéastes : quelle est la couleur de l’herbe avant de connaître le mot vert ? Elle a une puissance propre donc j’ai une attention particulière aux images. Dans l’idéal, j’aimerais faire un cinéma qui s’inspire de la peinture de Brueghel. Ce sont des images simples et populaires. C’est un peintre des petites gens, de la vie ordinaire des chasseurs qui rentrent avec un maigre butin, des enfants qui jouent sur le lac gelé, des scènes de repas collectif et toujours dans sa peinture il y a quelque chose qui est bien fait, de l’ordre de l’artisanat, qui est maîtrise avec une dimension symbolique. Une image dans laquelle on peut rentrer, qui est codé, qui a son lange propre. Les Magnétiques, c’est un premier jalon modeste, une tentative d’essayer d’aller vers ce cinéma populaire symbolique. La route est longue. 

Nous ce qu’on a essayé de faire simplement, c’était de reproduire la texture de nos souvenirs d’enfance. Les souvenirs d’avant le langage. C’est quelque chose de très ancré, charnel, organique, sensible et en même temps reconstruit, fantôme avec une torsion onirique du réel. On a voulu proposer un monde imaginaire ancré et onirique. C’est pour ça que beaucoup des décors, du travail sur l’image part du réel, de choses qui existent. La maison a, à la fois une dimension d’une vraie maison âpre, ordinaire et en même temps, il y a ces couleurs, ce couloir, l’étage qui est presque un peu plus flottant, fabuleux. Elle a ses deux dimensions. C’est ce qu’on a essayé de faire avec Brice Pancot, qui est un copain d’école. On a pu élaborer les dispositifs d’image pendant longtemps. La chance que j’ai, c’est que c’est mon premier film et lui, il a dix ans d’expérience. C’est un chef opérateur qui est déjà bien en place dans son métier quand j’attaque mon premier long. C’est valable pour tous les techniciens avec qui j’ai travaillé sur le film. 

Pour le son c’est pareil, il y a une texture particulière ? Je trouve ça plus rare de très bien travailler le son comparé à l’image dans le cinéma contemporain …

Oui pour une raison factuelle et de production. Le son, c’est souvent un peu le parent pauvre, il arrive après le montage image. C’est-à-dire qu’en général, on trouve le film au montage image et après, on va faire le son. On nettoie pour que le son soit nickel. Là, ce n’était pas possible. Le film avait tellement d’enjeux sonores forts comme concrètement ce que Philippe fabriquait dans ses moments de virtuosité technique que là, on a dû commencer par le son. Avec Pierre Barriaud et Samuel Aïchoun, on a inversé le processus, on a commencé par penser le son du film et ensuite, on est allé tourner des images. Le son a déterminé le découpage sur bon nombre de séquences et notamment celles du début pour le jingle ou de la déclaration à Berlin. On a tourné et monté sur une piste sonore et sur une chorégraphie dictée par des enjeux de sons. Thimothée a dû répéter et apprendre comme de la danse. C’est travailler comme tel. En plus du fait que Thimothée soit un acteur incroyable et rare dans ce qu’il peut faire, il a une formation de son. Donc ça l’amusait, ça l’intéressait.

Justement en parlant du casting, comment as-tu trouvé ces acteurs.rices très particulier.ères : Thimotée Robart, fascinant dans Vif-Argent de Stéphane Batut et Marie Colomb qui avait joué un rôle très différent dans Merrick de Benjamin Diouris ?

On a eu la possibilité de faire un casting de révélations. De prendre le temps d’ouvrir les portes et d’aller partout : rue, écoles, agences, etc. Pour moi, c’était important que ce soient des visages qui ne soient pas trop connus pour pas que ça ne fasse pas de barrière à la plongée dans ce monde imaginaire qu’on construisait. Mais peut être encore plus fondamentalement, c’était de surtout ne pas avoir d’autres contraintes que celles qu’on avait. Pas de critères extérieurs de rentabilité… Je cherchais des gens pour incarner les personnages et ensuite des personnes où il y avait une alchimie, du désir, du réel de magnétisme entre eux : les frères, les frères et Marianne. Justement, dans le projet, il fallait des corps qui soient compatibles avec les années 1980. Sauf que ce qu’on voulait, comme pour les accessoires, les costumes ce n’est pas exactement des physiques années 1980, mais plutôt des physiques atemporels, flottants qui pouvaient fonctionner en 1980. On ne voulait pas tomber dans le pastiche et dans la facilité. Ce sont des visages et des corps qui ont de potentiels imaginaires chacun de ces comédiens, je les vois eux et ils appellent d’autres visages, des ressemblances, d’autres images et ils ont été d’un courage et d’une ténacité merveilleuse. 

© Paname Distribution
J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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