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« La jeune femme et la mer » – Honorer la nature

La jeune femme et la mer
Catherine Meurisse © éditions Dargaud

Revenue d’une résidence d’artistes au Japon, la dessinatrice Catherine Meurisse signe avec La Jeune femme et la mer un conte onirique et plein de grâce dans lequel se mêlent folklore japonais et omniprésence d’une nature qui dépasse et engloutit les hommes.

Après son très remarqué La légèreté dans lequel elle évoquait le traumatisme des attentats de Charlie Hebdo, Catherine Meurisse compose un nouvel album moins personnel mais dans lequel elle se met également en scène.

Invitée à passer quelques semaines au Japon dans le cadre d’une résidence d’artiste, la narratrice débarque la fleur au fusil au pays du soleil levant dont elle ne connaît rien. « Je sais dire bonjour  : konochiwa  » explique son personnage, tout sourire, à l’hôtesse de la résidence chargée de l’accueillir. «  Que recherchez-vous ici  ?  » lui demande cette dernière. «   Je veux voir la nature » , répond l’avatar de Catherine Meurisse. «   Avaler les paysages du Japon et se défaire de nos représentations mentales, tout en Occident. » Elle ne sera pas déçue du voyage. Le lecteur non plus.

Conte d’apprentissage

Dans ce conte aux accents oniriques, Catherine Meurisse fait la part belle aux personnages attachants inspirés du folklore japonais. Alors qu’elle se promène dans les forêts japonaises pour observer et peindre les paysages, elle croise la route d’un «  Tanuki  », ces petits êtres mi-raton laveur, mi-hamster géant («  aux roubignoles géantes  ») mis en scène dans Pompoko. L’animal se moque de la poésie et des haïkus, omniprésents dans la vie des habitants, offre à la dessinatrice un pinceau fait avec son pelage. «  Ça n’est pas un talisman, il faut t’en servir  », argue-t-il avec un ton sarcastique.

Sur le même chemin, Meurisse rencontre un japonais. Il est peintre et poète, mais plus poète que peintre. Il aimerait peintre la Belle, inspirée de l’Ophélie de Millais qu’il a vue lors d’un voyage en Europe. Avec le peintre, une petite grand-mère aussi adorable que sourde qui leur conseille, pour retrouver l’inspiration de se mettre en route vers une auberge, près d’un lac où ont eu lieu de nombreux Tsunami. La nature y est plus évocatrice encore qu’aux abords de la résidence.

Sur place, ils rencontrent mademoiselle Nami, une aubergiste au nombreux amants et mystérieuse de réincarnation de la Belle – qui se suicide en se jetant dans l’eau, à cause de ses deux amants. Catherine Meurisse emmène tout ce petit monde sur les chemins des montagnes japonaises, chaque personnage est attachant et drôle. On rit d’eux parfois, on rit avec eux aussi.

Imposante nature

Ainsi, la narratrice et ses nouveaux amis japonais se mettent en route et apprivoisent ces paysages à la nature luxuriante que la dessinatrice représente moins comme une bédéaste que comme une peintre. Les décors, sublimes et immenses – ils occupent parfois des doubles pages entières – s’imposent aux lecteurs comme un spectacle que rien n’arrête.

La jeune femme et la mer de Catherine Meurisse © éditions Dargaud

La nature, explique Meurisse, nous dépasse tous. On ne la dompte pas. Avec elle, on compose. Un discours écologiste qui s’applique particulièrement au Japon et à ses paysages naturels imposants, ses catastrophes naturelles – typhons, tremblements de terres et innondantes – mais qui va, de plus en plus, devenir notre norme à tous, à mesure que le climat se dérèglera.

Il est peut-être donc temps de prendre en compte, maintenant ou jamais, le message programmatique de cet album. Nous, êtres humains, sommes la nature. Nous vivons à ses côtés. En faisons partie. Devons apprendre l’humilité. Et si nous ne le faisons pas, nous nous éteindrons avec elle.

La jeune femme et la mer de Catherine Meurisse et colorisé par Isabelle Merlet, éditions Dargaud, 22,50 euros.

Journaliste

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