CINÉMA

Festival Jean Carmet 2021 – Rencontre avec Louise Labèque

Louise Labèque par Léïna Jung pour Maze

À l’occasion du Festival Jean Carmet 2021 nous avons rencontré Louise Labèque, très jeune maman dans le court métrage Le Têtard de Nathalie Lenoir. Nommée dans la catégorie Jeune Espoir, Louise incarne Jessie avec grande justesse. Rencontre.

Depuis la naissance du petit dernier, Enzo, un an, la famille Leblanc vit sous pression. Les relations entre Sophie et sa fille aînée, Jessie, dix-sept ans, sont particulièrement tendues. Chaque membre de la famille va devoir retrouver sa place.

Jessie, ton personnage, est une jeune maman de 17 ans. Comment est-ce que tu as abordé ce rôle ?

En lisant le scénario, j’ai été très touchée par le sujet. Il faut savoir qu’à mon âge, on reçoit souvent des propositions de rôles plutôt cliché. Cette fois-ci j’ai directement était frappée par la force qui se dégageait du personnage : maman à 17 ans, ce n’est quand même pas anodin. Je pense que la présence du bébé sur le tournage m’a vraiment aidé à jouer ce rapport maternel. Sans le bébé, j’aurais eu bien plus de mal à chercher l’émotion, à créer quelque chose de vraisemblable.

Cet enfant si jeune sur le tournage a dû tout rendre très aléatoire. Est-ce que cet aspect de l’imprévisible était davantage une contrainte, ou bien justement plutôt une opportunité vers l’instinctif  ?

C’était un peu un challenge : à la fois effrayant de ne pas pouvoir prévoir comment allaient se passer les scènes, mais aussi stimulant d’avoir cet enfant qui réagissait naturellement à ce qu’on lui proposait. C’est vrai que c’est très aléatoire jusqu’à la dernière seconde, mais je pense que l’équipe très bienveillante et attentionnée a beaucoup joué sur la réussite de ces scènes-là. Sur le plateau, j’ai passé beaucoup de temps avec lui, avec ses parents, pour qu’on soit à l’aise l’un en présence de l’autre, et finalement ça s’est plutôt très bien passé. L’enjeu était de rendre cette relation crédible. Si c’était à refaire, je le ferai volontiers.

C’est cette idée de mettre en lumière un sujet peu abordé qui t’a attirée sur le projet  ?

Totalement. Je me sens concernée à travers celles et ceux qui vivent cette situation. Je trouve ça important de porter ces histoires, pour représenter une réalité que l’on ne voit que rarement mise en scène. Au niveau contextuel, j’ai aimé que ce ne soit pas l’arrivée soudaine de l’enfant qui soit racontée, mais cet espace-temps dans lequel l’enfant a déjà un an et demi. Ça fait une année que ça ne va plus, que c’est lourd à gérer, que la mère de Jessie lui prend en quelque sorte l’enfant, que la situation générale l’étouffe.

Je salue tout particulièrement l’écriture de Natalie Lenoir. Grâce à ses mots, on parvient très bien à se mettre dans la peau de chacun des personnages. On peut tout autant comprendre l’état de la mère, que celui de la fille ou que celui du petit ami (interprété par Isaac Meignen). Je trouve que sur un tel sujet, il est important de souligner les doutes et les peurs de chacun. Le contraste dans la scène du skate-park où de paisible, tout part en vrille d’une seconde à l’autre, montre bien l’instabilité contextuelle. Le clivage entre l’adolescence et la porte vers le monde adulte est très fin, Jessie vacille encore sur ce fil de l’incertitude.

Est-ce que tu vois une finalité à cette histoire, une chose qu’il faut en tirer  ?

Je crois que dans cette histoire aucun personnage n’est jugé, il n’y a pas vraiment de morale qui dirait «  ce que cette personne fait, c’est bien ou mal  ». Je crois qu’on peut s’identifier à chacun d’entre eux, sans condamner les ressentis des autres. S’il faut en tirer une chose, c’est que ce phénomène de maternité juvénile existe, qu’il est compliqué à aborder. Il peut instaurer un sentiment de différence, qui implique ensuite souvent le rejet. C’est un tabou qu’il faut mettre en lumière. C’est une sorte d’exclusion de la société qui est très douloureuse. La maternité est déjà un phénomène que l’on pourrait qualifier d’épreuve, si on y ajoute les facteurs doute, jeunesse et exclusion, cela peut rapidement devenir suffoquant.

Complètement ! Revenons-en à toi : quel a été ton parcours cinématographique jusqu’ici ?

J’ai fait les cours Florent pendant 3 ans. Un jour des agents sont passés pendant le cours. L’un d’entre eux m’a donné une carte pour passer un casting. C’était la première fois qu’on me proposait cela. J’y suis allée, et j’ai obtenu mon premier rôle dans Roulez Jeunesse de Julien Guetta avec Éric Judor. J’ai continué à passer des essais pour d’autres films, mais c’est vraiment ce premier tournage qui m’a conquise. Par la suite, je dirais que la rencontre avec Bertrand Bonello avec qui j’ai fait Zombie Child a confirmé cette volonté d’en faire mon métier, ou du moins de continuer à tourner. Je ne suis donc pas arrivée devant les caméras par hasard, car un certain désir existait déjà, mais plutôt à travers le théâtre, qui m’a ensuite ouvert les portes vers le cinéma.

Sur le tournage de Roulez Jeunesse : j’ai eu dès le deuxième jour de tournage, j’ai eu une scène assez compliquée à faire, qui m’a mis dans une espèce d’état de transe, d’adrénaline intense qui m’a traversée. Je n’avais jamais ressenti ça, j’en voulais encore et j’avais hâte que ça recommence. C’est devenu comme quelque chose d’un peu vital, que je recherche constamment, qui m’encourage à tourner, me motive et m’anime.

À quoi ressemble la suite pour toi ?

Avec Nathalie Lenoir, nous avons pour projet d’aborder la maternité juvénile dans un long métrage. Ce ne sera pour autant pas Le Têtard en long format. J’ai hâte de continuer à travailler avec Nathalie. Je serai dans la Saison 2 d’En thérapie pour Arte, série dans laquelle j’avais fait une brève apparition à la première saison. Et sinon j’attends les résultats de mes derniers essais.

Si tu devais choisir ton rôle de rêve, quel serait-il ? 

Une personne dans un contexte social tendu, proche de la réalité, peut être rejeté de la société. Un couple d’acteurs dans cette veine qui m’ont sidérée récemment, c’est Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel dans Mon Roi de Maïwenn. L’autre exercice théâtral qui m’attire : le film biographique. L’idée de devoir s’imprégner des habitudes, des mimiques, du mode de vie d’une personne ayant véritablement existé et pour lui faire honneur, me fascine. Je pense par exemple à Judy et la prestation de Renée Zellweger qui m’a émue aux larmes.

Je suis aussi tentée par les films d’époque. Peut-être allier les deux  ? Biographie d’époque. J’aime tant Coppola, que l’idée me vient peut-être de Marie Antoinette. En termes de réalisateurs je pense à Kubrick, dont j’adore l’univers. Mais ça… c’est une autre dimension.

Si l’occasion se présentait pour toi de jouer dans un biopic, serais-tu prête à chanter, voire danser pour incarner le personnage  ?

Oh oui  ! Dans le cas de figure d’une chanteuse, il s’avère que j’ai l’avantage d’avoir fait de nombreuses années de solfège. Mais quelles que soient les activités, je crois que j’aurais plaisir à les découvrir et les intérioriser au mieux pour les incarner avec le plus de naturel possible. C’est ça le métier d’acteur.

Extrait du court métrage

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