CINÉMA

« Cry Macho » – Prends ma main, une dernière fois

Cry macho
© Warner Bros

Peu de temps après le passionnant Richard Jewell (à écouter, le podcast de La Gêne occasionnée), Clint Eastwood se rapproche de La Mule pour Cry Macho. Un film loin d’être mineur dans la filmographie du cinéaste de 91 ans.

Au Mexique, une petite fille demande de l’eau à sa grand-mère en langage des signes. Mike Milo (Clint Eastwood) lui sert un grand verre alors que la demande ne lui était pas destinée. Dans cette petite scène se joue toute l’économie du cinéma de Clint Eastwood. C’est par les gestes qu’il faut appréhender sa vision du monde. Ils sont peu nombreux dans Cry Macho où la forme épouse totalement les possibilités désormais limitées du corps de Clint Eastwood. Mike est une ancienne vedette du rodéo dont la carrière a été brisée par un accident. Son corps, comme dans Impitoyable, tente de se maintenir pour une dernière mission : récupérer le fils de son patron au Mexique.

Si les critiques ont appuyé le caractère mélancolique de l’œuvre, c’est dans la part des films solaires de Clint Eastwood qu’il faut se rendre pour comprendre son geste. Les premiers plans baignent dans la lumière du soleil qui accompagne l’arrivée de Mike dans une Chevrolet qui rappelle le véhicule de Sur la route de Madison. Si les vestiges d’un passé révolu sont toujours présents (le porte-clef, le chapeau), c’est pour mieux montrer que le personnage s’est construit un monde où le temps n’a pas d’emprise. Le retour à la réalité est marqué par l’interruption de la musique. Les deux premières minutes donnent l’impression d’un prolongement de La Prisonnière du désert (John Ford, 1956) où le personnage principal, incarné par John Wayne, abandonne les siens pour rejoindre une Amérique fantasmée.

Pour quelques heures de plus

Si la partie fictionnelle semble un peu convenue, c’est sur le registre documentaire que le film devient passionnant. La première séquence au Mexique est une scène nocturne, juste avant de dormir. Le personnage de Clint Eastwood scrute l’horizon, comme si les paysages qu’il aimait jadis aux Etats-Unis se retrouvaient au Mexique. L’auteur sait bien que le western américain est mort et que ses sépultures peuvent désormais reposer au Mexique comme un magnifique plan en témoigne : Mike s’allonge et son corps se confond avec le sol. Ce n’est pas un film crépusculaire, c’est un document sur la mort du cinéaste au cinéma. L’idée se répète dans la séquence suivante. La voiture de Mike est accompagnée par les chevaux dans un long travelling qui passe d’un point de vue à l’autre.

Pas de casting flamboyant, pas de scènes épiques et un goût modéré pour les jeux de mots, Cry Macho ne cherche jamais à rejouer ce qui est perdu. Quand il le fait, le cinéaste nous rappelle que tout ceci est du bluff, du cinéma. Lorsque Mike se lance dans un rodéo, le montage s’accélère et la musique s’emballe. Personne n’est crédule sur le simulacre, ni Clint Eastwood, ni les spectateurs. Il en va de même pour un coup de poing asséné à un poursuivant. La scène s’arrête pour mieux montrer son caractère extraordinaire.

© Warner Bros

Rester debout

Le film est à hauteur d’enfant, celle des deux petites qu’il rencontre dans un petit village mexicain. Toute cette séquence au village est ce qu’il y a de plus précieux dans le film. Non seulement pour la réflexion autour de la communauté (Ford, une fois de plus), mais aussi parce que Clint Eastwood nous invite à nous émerveiller des petites choses offertes par le cinéma.

Le coq, s’il est un personnage utile pour débloquer des situations liées au scénario, apporte une dimension burlesque à l’ensemble. Le cinéaste filme beaucoup de plans avec des animaux, comme dans cette séquence où les villageois pensent qu’il a un talent de guérisseur. Même le Sheriff, qui lui est plutôt hostile dans un premier temps, lui concède ce talent. Cette recherche de l’enfance s’achève d’une très belle manière : une petite fille pose sa main sur celle de Mike. L’émotion est redoublé par tous les fantômes qui peuplent la filmographie du cinéaste.

A l’instar de La Mule où le personnage de Clint Eastwood passait ses derniers jours dans le potager d’une prison, Cry Macho est un film d’une grande sérénité. Sur le chemin du retour vers la frontière américaine, Mike ne la franchit pas. Il retourne auprès de Marta, cette femme rencontrée au village. Ils dansent une dernière fois dans la salle où quelques rayons de soleil viennent dévoiler le visage de Clint Eastwood. Le service est terminé. Le coq chante et le cinéma continue.

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