CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2021 – « Les Olympiades » : Vol au dessus du 13ème

©Memento Films

SÉLECTION OFFICIELLE – COMPÉTITION – Un Paris monochrome, statique, froid, sublimé : la proposition de Jacques Audiard permet de redécouvrir le 13ème arrondissement, ses angles de rue, ses hautes façades, ses habitants qui errent et qui déambulent. Une photo unique des Olympiades, de sa jeunesse et de sa vie, co-écrite avec Céline Sciamma et Léa Mysius.

La voix d’Emilie résonne, écho retentissant entre les murs lisses et imposants des immeubles. La jeune fille d’origine chinoise s’adonne à un karaoké langoureux, nue sur son divan. Camille, son colocataire, la rejoint, l’enlace et la musique originale de Rone s’envole, couvrant cette scène de notes électro, l’intégrant dans un paysage plus vaste. Il s’agit d’une scène parmi tant d’autres qui se déroulent, ce soir-là, dans le sud de Paris. A l’aide d’une analepse, Jacques Audiard revient sur la rencontre de ces deux personnages. Les présentations sont concises et efficaces : Emilie travaille pour un centre d’appel, évite ceux de sa mère qui lui téléphone depuis Londres et vit dans l’appartement de sa grand-mère placée en Ehpad. Camille, professeur de français, passe l’agrégation de lettres. Il se présente à la porte d’Emilie suite à une annonce et devient, après quelques hésitations, son colocataire et amant pour un temps.

Le récit se concentre sur les deux jeunes, sur leurs disputes, leurs émotions, leurs ébats furieux. Iels sont la jeunesse, métissée, insolente. Une jeunesse indécise, qui hésite et qui a peur, qui finit par prendre deux chemins différents. Une troisième route les croise, celle de Nora (Noémie Merlant), jeune provinciale qui reprend ses études à Tolbiac. Après avoir subi une humiliation générale, Nora retourne dans l’immobilier et y croise Camille, qu’elle va à son tour aimer, désirer. Autour de ces trois destins qui se rencontrent, qui se suivent, gravitent ceux de leurs proches, représentant chacun une partie de ce 13ème arrondissement.

Les trois figures centrales s’imposent dans le paysage urbain décrit par Jacques Audiard. Les plans larges, vastes semblent vides à l’exception des allées et venues d’Emilie, de Camille et de Nora. Le réalisateur présente sa vision à lui du 13ème et poétise l’impossible. Les angles bétonnés, les rues dénuées de vert, les bâtiments imposants, froids, tous les éléments peu attractifs des Olympiades apparaissent avec une élégance distinguée, sont majestueusement dressés dans une photographie nette et cadrée au millimètre près. Le monochrome, plutôt que d’assombrir la ville, ajoute une luminosité chaleureuse et épouse presque parfaitement les corps enlacés, les scènes de rue, les moues cyniques ou attristées. La musique, intense, dynamise les transitions et accompagne le récit en y rajoutant une énergie fraîche et jouissive.

Si certains regrets se font ressentir face à un scénario qui reste plat, en surface, l’éventail d’émotion parcouru par les protagonistes enrichi et crédibilise le récit. Le personnage d’Emilie est brillamment construit, face à une Nora trop facile, peu approfondie. Camille, qui oscille entre les deux, incarne l’indécision avec douceur et attendrit par sa facilité à s’attacher aux femmes. Dans Les Olympiades de Jacques Audiard, les femmes jouissent avec violence, les regrets sont vaincus avec fougue, les vies s’entrecroisent et s’épaulent. Et les murs eux, s’élèvent, silencieux et témoins des histoires de la jeunesse parisienne contemporaine.

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