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« Huit heures ne font pas un jour » : Julie Deliquet dans les pas de Rainer Werner Fassbinder

© Pascal Victor

Après Bergman, c’est à un autre grand nom du cinéma que Julie Deliquet adapte au théâtre  : Rainer Werner Fassbinder. Avec Huit heures ne font pas un jour, la metteuse en scène livre un beau spectacle, à la fois drôle, social et politique.

Julie Deliquet ne doit pas être de ces personnes qui dédaignent les séries télévisées, y compris les plus vintage. Après Fanny et Alexandre d’Ingmar Bergman adapté à la Comédie-Française en 2019, elle met en scène Huit heures ne font pas un jour de Fassbinder au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis dont elle est la directrice depuis mars 2020.

Spectacle politique

Si les sujets sociaux n’étaient évidemment pas absents de ses spectacles précédents, c’est la première fois que Julie Deliquet s’attaque à des questions frontalement politiques. Lutte des classes, syndicalisme, féminisme et immigration sont au cœur de la série de Fassbinder. Comme le réalisateur, Deliquet place ses personnages dans l’Allemagne de l’ouest des années 1970. Le parti communiste est interdit, on est censés y être plus heureux et épanouis qu’à l’Est. Pourtant, les conflits déchirent cette société très segmentée et profondément violente. Le mépris de classe gangrène les relations, les ouvriers sont trop peu payés et maltraités par leur patronat, leurs enfants ont rarement la chance de sortir de leur condition d’origine, les femmes sont battues…

© Pascal Victor/Opale

Le repas

Sans rien éluder de cette dureté, Julie Deliquet parvient toutefois à livrer un spectacle plein d’énergie et quasiment solaire. Une prouesse que l’on doit tant à son talent de metteuse en scène qu’aux acteurs qu’elle réunit. Sur le plateau, un savant mélange d’acteurs confirmés (Evelyne Didi, Olivier Faliez notamment) et de jeunes diplômés de la Comédie de Saint-Etienne où Deliquet est intervenu ces dernières années (Brahim Koutari, Mikaël Treguer). Aucun ne passe vraiment pour un allemand moyen de l’époque mais, qu’importe, on s’attache à leur sort. On veut les voir réaliser leurs rêves et gagner leurs combats. La pièce est particulièrement réussie dans sa deuxième partie, une longue scène de repas. C’est quasiment un passage obligé des spectacles de Deliquet  : réunir tous les personnages autour d’une table et offrir un grand moment de théâtre. Dans Huit heures ne font pas un jour, la magie opère particulièrement bien. On a envie de trinquer et débattre avec eux et, à la fin, on regrette franchement que la fête se finisse et qu’il faille éteindre la lumière…

Huit heures ne font pas un jour de Rainer Werner Fassbinder mis en scène par Julie Deliquet. Au TGP Saint-Denis jusqu’au 17 octobre. Tarif 6-23€. Puis en tournée à Montpellier, Lyon, La Rochelle, Toulouse, etc. Durée : 3h15 avec entracte. Renseignements et réservations  : ici

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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