CINÉMA

« Mourir peut attendre » – La fureur de vivre

© Universal

Pour le salut de Daniel Craig dans le costume de James Bond, Mourir peut attendre réussit à captiver et émouvoir grâce à une sensibilité nouvelle dans la saga. Une vision du film d’action, aussi, qui promet de belles perspectives.

Il en fallait beaucoup pour que ce No Time to Die, maintes fois repoussé et sujet à des désirs de film de fin de cycle, nous surprenne comme il l’a fait au cours des 2h40 qu’il nous a proposées. Peut-être avons-nous sous les yeux ici les effets de l’héritage Sam Mendes, dont on ne reprochera pas d’avoir redonné des couleurs à la saga (Skyfall d’abord, Spectre ensuite).

Confirmation sinon du talent désormais vérifié de Cary Juji Fukunaga, esthète ultra-sensible de True Detective et Beasts of No Nation. Ou encore le chant du cygne d’un acteur avec son personnage, remodelant en même temps une imagerie du film d’action et, quelque part, une page de l’histoire du cinéma. Si nous avions donc le droit d’à priori autour de ce film, ne perdons pas de vue ses enjeux, et leur épure, pour comprendre à quel point ce No Time No Die comptera.

Dernier tour de piste pour Daniel Craig en James Bond / © Universal

Sauver les passions

Une chose saute aux yeux et fait sourire : le contexte dans lequel sort le film l’aide d’une manière troublante. James Bond se bat contre le COVID et c’est peut-être tout ce que nous avons besoin à l’amorce de huit mois au cours desquels l’attendu manque d’action et d’espoir va se faire ressentir jusqu’aux urnes et centre de vaccination. Le cinéma nous apprend à faire des liens. Dans ce scénario où il est question de contamination et d’ADN corrompu pouvant provoquer une épidémie mondiale, l’incrédulité laisse place à la fascination.

Le film, malgré lui, se trouve une aura contemporaine dans sa seconde partie qui amorce ce que la saga n’a jamais réussi à exécuter : une proximité. Ajoutez à cela ce qui fait le sel de la franchise, filmé avec une sincérité immense de la part de C. J. Fukunaga, pour procurer à ce No Time No Die ce qu’il y a de plus intemporel dans la franchise.

Une passion qui saisit les images : Daniel Craig n’a jamais été aussi bien filmé dans son personnage que par la caméra de No Time to Die. Dans son élément bien sûr, mais sujet parfois à un basculement émotionnel alimenté par un équilibre passionnant entre l’écriture et l’interprétation. Déjà Sam Mendes effleurait le seul point de vue du héros qui comptait. Surtout dans Spectre où la naissance de l’amour berçait la mort de la profession.

L’origine des passions / © Universal

Ici, entre le revival et le passionnel, il n’y a qu’un pas. Le film pose la question de la vie que doit mener James Bond. Et souvent les réponses se présentent sous le signe de la passion. Madeleine Swan, le permis de tuer, les dialogues contre les bad guys ou les blagues entre collègues. Il y a ici une mise en scène de James Bond par James Bond – ce qu’il est au fond de lui – qui est tout simplement bouleversante. Faire de sa propre fin un vaste lâcher prise pour la génération de films à venir. À ce titre, No Time to Die est aussi un magnifique film de transition.

Ironie des idoles

Alors, bien sûr, sans rien révéler, le double titre de ce nouveau James Bond fait partie de sa petite légende fictionnel. «  Mourir peut attendre  »  : on repousse la mort comme on repousse la sortie du film. «  No Time to Die  » : pas le temps de mourir, il serait peut-être temps de vivre. Vous connaissez bien cette réplique que les personnages secondaires répètent à Bond et qui, surpris dans leurs vies personnelles – un dîner chez Q, par exemple –, lui disent : «  Tu devrais essayer  ».

La très bonne réponse du film à cette devise de la franchise reposant sur une vie dont le désir irait plus loin que celui du permis de tuer est de coller à Bond des responsabilités qui pourraient, de ce fait, le sauver. No Time To Die ne nous dit pas que Bond va nous sauver, mais qu’il faut sauver Bond. La mort est là, mais qui pour la retenir, pour la faire attendre  ?

James Bond, seul face à la mort / © Universal

Depuis l’enjeu émotionnel reposant sur le personnage du début à la fin et cette mort qui rôde quelque part, il y a une sensation de proximité qui s’empare des images qu’on ne saurait trouvé dans les récits de film d’action de ces dix dernières années. Cela signale à quel point Bond restera, pour toujours, un fantastique personnage de cinéma. Et surtout à quel point nos idoles, dans leur propre crépuscule et les idées déployées autour d’elles, nous semblent plus proches que jamais, même dans l’ironie du destin. C’est aussi à cela qu’aspire le cinéma, comme un vœu de résilience, un vœu passionnel. Plus fort que la mort.

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