CINÉMA

« La Jeune fille et l’araignée » – Valse en trois temps

La Jeune fille et l'araignée © Beauvoir Films
© Beauvoir Films

Deuxième long-métrage d’une trilogie intime après L’ Étrange petit chat, La Jeune fille et l’araignée est un bel et étrange objet cinématographique. Ramon et Silvan Zürcher proposent une valse poétique et minimaliste singulière.

Il existe des œuvres qui par leur humilité s’échappent et créent un langage cinématographique bien à elles. Il suffit parfois simplement de deux appartements, de désirs et de sentiments enfouis ou non. S’invente alors une danse de personnages singuliers cohabitant dans un même espace. C’est le cas du second long-métrage des réalisateurs suisses Ramon et Silvan Zürcher. Dans La Jeune fille et l’araignée, ils tissent une toile tragi-comique et minimaliste, de laquelle exhale une poésie absurde sous une fausse apparence naturaliste.

La trame est pourtant simple. Un déménagement en trois temps. Après plusieurs années de collocation avec Mara et Markus, Lisa investit les lieux de son nouvel appartement pour y vivre seule. Alors que chacun s’affaire, Mara erre parmi les autres. Son regard échappe au concret de la situation. Il semble venir d’ailleurs. Il abrite simultanément de la solitude, de la sensualité et de la mélancolie. D’emblée, un mystère authentique se dégage de cette jeune femme faisant d’elle réellement un personnage.

À vingt ans

Les deux temps suivants ne sont autres que la soirée de départ dans l’ancien appartement qui court jusqu’au lendemain, véritable rupture et point final, peut-être. Dans ce retour au foyer principal, qui a vu naître une amitié particulière entre Lisa et Mara, les réalisateurs composent des histoires dans les non-dits.

La Jeune fille et l’araignée mue incessamment comme une partition un peu bizarre, un peu baroque. Les relations se font et se défont dans les minces interstices entre les pièces – du seuil des portes aux paliers les séparant des voisins. Les phrases fusent et s’échangent de toute part, la mise en scène tourbillonne lentement comme pour retarder le temps des adieux.

Cette valse de la jeunesse en proie à des troubles existentiels inscrit l’œuvre dans une lisière entre le quotidien concret et une poésie incongrue. La séparation est inévitable. Mais avant, les corps et les cœurs se rapprochent. Les émois se frôlent. La douleur est une tâche de vin. Les jalousies s’écrivent dans le vacarme. L’harmonie existe dans le dysfonctionnement. Le duo de réalisateurs offre un brillant exercice de cinéma. Un métrage qui appelle un bouleversantlâcher-prise dans un univers artistique unique et intime.

J'entretiens une relation de polygamie culturelle avec le cinéma, le théâtre et la littérature classique.

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