C’est à l’occasion du Festival Jean Carmet 2021 que nous avons rencontré les acteurs principaux du court métrage À point d’Aurélie Marpeaux. Tous deux nommés dans la catégorie Jeune Espoir, Zoé Héran et Ilies Kadri n’en sont pas à leur première expérience cinématographique. Rencontre.
Zoé Héran, Ilies Kadri, nous nous rencontrons ici à l’occasion de la sélection de votre court métrage À point dans la compétition Jeune Espoir. Anna, apprentie cheffe, a toujours vécu à Bourg-en-Bresse. Lorsqu’une opportunité professionnelle lui permet de monter à Paris, elle se braque : quitter son quartier, ses amis, ses habitudes, son identité. Parlez-moi de vos personnages.
Ilies : Mon personnage Hicham, est l’ami d’Anna. Il a le même âge qu’elle et habite dans le même quartier. Il essaie de lui apporter son soutien dans cette situation assez particulière, assez difficile…
Zoé :… Même quand Anna est vraiment désagréable !
Ilies : Oui, il y a une sorte de jeu entre l’amour et l’amitié, une frontière floue dans leurs relations, on ne sait pas vraiment. Mais ce qui est certain, c’est qu’Hicham ne lui veut que du bien.
Du déni, de la séduction : une certaine affection indéniable lie ces deux adolescents. Est-ce que vous vous retrouvez dans la façon d’agir et de réagir, des personnages que vous incarnez ?
Ilies : Bien sûr moi je me sens très proche de mon personnage. Il a une attitude dans laquelle je me retrouve complètement. En amitié on aide l’autre à avancer dans la vie, même si le fait de se quitter c’est difficile, c’est humain. On veut pousser ceux qu’on aime, même si parfois c’est douloureux de les voir partir. On ne pense pas à soi, on pense à l’autre, à ses rêves et à son bien.
Zoé : Je suis d’accord avec Ilies, à cet âge-là on est plein de doutes, on ne sait pas quels choix faire et puis on craint l’avenir. C’est l’engagement dans une voie « pour toujours » comme on se l’imagine quand on est jeune qui fait douter. Évidemment, les amis comme Hicham sont importants : ils aident à faire les bons choix. Concernant le comportement, je me sens proche de la réflexion d’Anna, mais concernant la cuisine … J’ai eu quelques petites choses à apprendre quand même. J’aime bien cuisiner, je me débrouille, mais je fais des choses assez simples, rien à voir avec son parcours à elle. Je me suis formée quelques jours dans une école, afin d’avoir les bons gestes à l’écran. C’est tout un art de manier un couteau.
S’il fallait trouver une morale à cette histoire, quelle serait-elle selon vous ?
Zoé : Morale, je ne sais pas, il y a un avant et un après, ça c’est certain. L’histoire relève des interrogations sur le personnage d’Anna et de son rapport à la réussite. On retrouve d’ailleurs peut-être cette idée dans le titre « À point ». Est-elle prête pour la suite… ne l’est-elle pas ? Anna a intimement besoin de ce soutien que lui apporte Hicham. Lui, met ses propres désirs en retrait, pour la pousser à aller de l’avant. C’est une belle preuve d’amitié.
Ilies : Je crois qu’on y retrouve une situation de vie qu’on a tous vécu : le tiraillement entre l’opportunité de réaliser un rêve incertain et la possibilité de continuer à vivre dans un cadre qui offre une stabilité connue. La peur de la nouveauté, et de l’abandon de la certitude. Pour Anna, ce sont ses amis, son quartier, sa famille, ce cadre de vie auquel elle tient finalement beaucoup.
Vous vous êtes rencontrés sur le tournage d’À point, mais avez tous les deux déjà tourné sur de plus longs formats. Pouvez-vous me parler de votre entrée dans le cinéma ?
Zoé : Ça s’est fait assez jeune, j’étais en agence de pub depuis toute petite, bébé même. Un jour, aux alentours de mes six ans, j’ai passé un casting. Je ne sais pas trop comment je suis arrivée là, mais sur mon premier tournage (Les amis de Mimi), j’ai rencontré un agent. Et puis quand j’avais 11 ans, Céline Sciamma cherchait une petite fille pour incarner Tomboy. J’ai été prise pour le rôle principal, et je pense que c’est à partir de là que j’ai envisagé de faire du cinéma mon métier. J’ai eu une période sans tournages à la suite de ce long métrage, mais j’avais toujours cette envie à terme, de retrouver les plateaux.
Ilies : Mon parcours aussi, est un peu atypique. J’ai toujours voulu faire du cinéma, depuis tout gamin. Je passais des castings, mais ça n’aboutissait pas. En terminale à 17 ans, j’ai abandonné cette idée, et je me suis engagé dans l’armée. Un jour, alors que j’étais en permission, j’ai vu passer un casting, auquel je me suis présenté avec un ami. J’ai décroché le rôle, et ce film (Ondes de choc : La vallée) a pas mal tourné en festivals. C’est grâce à cette visibilité qu’un agent m’a repéré. J’ai eu davantage d’opportunités cinéma, et puis un jour, il m’a fallu faire un choix : l’armée et la carrière assurée, ou bien le cinéma et la poursuite de mes rêves. Pour l’instant ça s’annonce plutôt bien. J’espère que ça va durer !
À ce propos, à quoi ressemblent les prochains mois pour vous ?
Zoe : Pour ma part, j’ai la saison 2 de Stalk qui vient de sortir. J’ai également tourné dans Et la montagne fleurira d’Éléonore Faucher, une série d’époque qui sortira au printemps 2022. À partir de novembre, j’ai un tournage de prévu sur un unitaire pour France 2 dont je tiens le rôle principal.
Ilies : Et moi j’ai le long-métrage d’Alain Guiraudie Viens je t’emmène dans lequel je tiens l’un des rôles principaux, qui sortira en début d’année prochaine. Sinon, je repars en tournage pour la série TF1 Le Remplaçant, puis je vais tourner un long-métrage en Tunisie dans quelques jours aussi.
Vos plannings sont chargés ! Au fil de tous ces tournages, vous croisez, voire rencontrez, de nombreuses personnes de la sphère audiovisuelle. Il y a-t-il une rencontre particulière dans le cinéma, qui vous a marqué ?
Ilies : Moi je pense que c’est le fait d’avoir travaillé avec l’un des acteurs que j’admire le plus : Roshdy Zem. Sur Les sauvages, je me suis retrouvé aux côtés de Roshdy Zem, d’Amira Cazar et de Marina Foïs et bien d’autres. C’était démentiel pour moi de travailler avec eux.
Zoé : C’est une rencontre que je trouve drôle avec le recul : pendant une cérémonie lors de laquelle j’avais reçu un prix, j’ai croisé Juliette Binoche dans les coulisses. C’est quelqu’un dont j’aime beaucoup les films, et comme je suis plutôt mal à l’aise à l’idée d’aller vers les gens habituellement, je m’abstiens généralement. Mais cette fois-ci je me suis dit que c’était le moment ou jamais : je suis allée lui dire que j’aimais bien ce qu’elle faisait. C’est agréable de pouvoir rencontrer ceux qu’on voyait seulement à la télé, qu’on appréciait déjà plus jeune.
Et pour finir : si vous pouviez choisir votre rôle idéal, quel serait-il ?
Zoé : Pompier, c’était mon rêve d’enfant et j’aimerais bien m’approcher de ce monde, ne serait-ce que le temps d’un tournage. Sinon mon véritable rêve, ce serait de jouer une grande méchante. Un rôle de composition, qui parte dans des psychoses folles, qui demande un vrai travail en amont.
Ilies : Franchement, soldat ça me dirait bien. Comme ça je pourrais allier mes deux carrières et j’aurais quelque chose à apporter au personnage, je pense. Pas nécessairement un soldat français d’ailleurs.