CINÉMA

« Un Triomphe » – Entre les murs

© Memento Films Distribution

Pour son deuxième film, Un Triomphe, Emmanuel Courcol (Cessez-le-feu) dirige Kad Merad en acteur animant un atelier de théâtre en prison. Sur une base sociale, il signe un formidable feel good movie, emmené par une troupe de comédiens épatants.

Enfin. Voici le mot qui vient à l’esprit pour les spectateurs qui ont la chance de découvrir Un Triomphe, depuis sa sortie en salles le 1er septembre. Car le film, comme tant d’autres ces derniers mois, a été annoncé puis décalé à de maintes reprises. Finalement, une date a été arrêtée pour lui assurer une «  carrière  » dans les cinémas. Enfin, il était temps que le second long-métrage d’Emmanuel Courcol fasse son chemin pour toucher le cœur du public. Un public qui répondra certainement présent à l’invitation d’Étienne, cet acteur au creux de la vague, interprété par un formidable Kad Merad. Ici, l’éternel acolyte d’Olivier Baroux n’est pas là pour faire rire. Ou plutôt à ses dépens.

Car lorsqu’il débarque en prison en vue d’y animer un atelier de théâtre avec des détenus, ces derniers ne manquent pas de s’amuser de l’étrangeté de la situation. Eux, faire du théâtre  ? Et puis d’abord, c’est quoi le théâtre  ? Alors quand le comédien leur annonce en plus qu’ils vont devoir travailler sur En Attendant Godot, la pièce de Samuel Beckett, les prisonniers demeurent circonspects. Malgré les doutes du groupe et de l’administration pénitentiaire quant à de possibles représentations «  à l’extérieur  » de la prison, Étienne va vivre une véritable aventure humaine qui va changer sa vie pour toujours.

Joutes verbales

Un Triomphe est un film où le rire est très présent. Si d’ordinaire les longs-métrages se passant en prison sont plutôt des drames où l’horreur et la violence se côtoient, ici il en est tout autrement. Les détenus sont plutôt solidaires entre eux et se chambrent avec force et punchlines assassines. Lorsque le personnage d’Étienne débarque le premier jour pour animer son atelier de théâtre, l’un des prisonniers lui demande s’il est connu. Ce à quoi l’un de ses camarades lui répond naturellement  : «  T’es con, s’il était connu, il ne serait pas là  !  ». Voici le genre de répliques que les spectateurs vont entendre pendant près de deux heures. Les vannes fusent avec une rapidité et une facilité déconcertantes. Les mots sont les véritables personnages de ce film. Celui-ci permet de redécouvrir l’un des classiques du théâtre de l’absurde, En Attendant Godot de Samuel Beckett. L’histoire de deux hommes qui attendent en vain un troisième protagoniste, le fameux Godot. Un protagoniste fantôme qui n’arrivera jamais.

Les personnages du film, eux, n’attendent pas Godot. Ils attendent leur libération, une nouvelle vie hors des murs de la prison. La perspective de jouer sur les planches d’établissements de prestige apparaît comme une lueur d’espoir. Désormais, les cellules et la cour grillagée ne composeront plus leur quotidien. Il y aura également des rideaux rouges, projecteurs et représentations à guichets fermés. Bien sûr, à mesure qu’ Un Triomphe avance, le spectateur pressent ce qui peut éventuellement advenir de cette situation. Et si tout le petit groupe de détenus n’allait pas en profiter pour se faire la malle  ? Étienne doit réfléchir à cette question. Son entreprise est jugée de plus en plus délicate et nombreux sont ceux à le mettre en garde. À ce moment-là, le scénario glisse vers une orientation plus sociale, forcément moins «  comique  ». Jusqu’au dénouement, aussi surprenant qu’émouvant.

Parmi les producteurs du film, on retrouve Robert Guédiguian. Un hasard  ? Pas vraiment puisque le cinéaste marseillais aurait pu réaliser ce film. Les thèmes abordés sont familiers de son œuvre  : l’importance du collectif, le volet social, les notes d’espoir dans des quotidiens ternes, etc. Si le long-métrage séduit autant, c’est aussi grâce à Kad Merad, qui trouve ici l’un de ses meilleurs rôles. Un personnage attachant qui devrait certainement lui valoir une nomination comme meilleur acteur lors de la prochaine cérémonie des César. Quinze ans après son sacre inoubliable pour sa prestation dans Je vais bien, ne t’en fais pas, cela ferait un bel anniversaire. Rendez-vous dans quelques mois pour avoir la réponse.

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