Chambre avec vue marque la première adaptation par James Ivory d’un roman de E.M. Foster. Ce drame atemporel de 1985 dépeint dans un décor romanesque, la première confusion des sentiments. À voir sur Ciné +.
Été 1907, Lucy Honeychurch séjourne à Florence, accompagnée de sa cousine et chaperonne Charlotte Bartlett. Ayant voyagé depuis les contrées anglaises, les deux femmes ont à cœur de s’imprégner de la culture locale. Normées aux conventions galantes, il leur faudra pourtant s’accommoder aux modes de vie qu’elles découvriront, ainsi qu’aux autres résidents de leur cottage. Ce qui devait être un voyage culturel se trouve être un éveil sensoriel au cœur d’une Italie bouillonnante.
Une rencontre de taille
C’est au cours du premier souper commun, qu’inévitablement, les estivants de la pension Bertolini font connaissance. La réserve étant de mise, les premiers rapports sont timides. Et puis les jours passent, les conversations se multiplient, les visites ouvrent les esprits. Bien que sa cousine conserve une certaine réticence face aux coutumes des autres résidents, Lucy cultive quant à elle une curiosité entière. Ayant été introduite lors d’un dîner au mystérieux George Emerson (Julian Sands), descendu avec son père dans la même pension, Lucy découvre un étrange individu. Peu bavard, il se contente d’un minimum de conversation et se montre dans un premier temps distant. Cela intrigue d’abord, mais éveille l’intérêt ensuite.
Lady Honeychurch (Helena Bonham Carter) se trouvant malgré elle blottie dans ses bras suite à un malaise, leurs regards n’auront alors de cesse de se chercher. Une attirance se développe, jusqu’à faire naître une première lueur. Ils multiplient les visites, et se laissent aller aux simplicités de la jeunesse. Les rires, les discussions, évoluent petit à petit en une certaine appréciation mutuelle. Et puis, lorsque Charlotte (Maggie Smith) est la témoin confuse d’un baiser échangé par les jeunes étourdis, le retour en Angleterre est brutal. Il est d’une nécessité absolue.
Là-bas, la vie conventionnelle de bonne famille retrouve son cours. Le galant Cecil Vyse (Daniel Day-Lewis) demande la main de Lucy, qui n’y est pas réticente. S’installe alors un quotidien routinier, régi par la bienséance. Les mois précédant les noces laissent place à l’éveil d’un rapport amical. On apprend à se connaître, à déceler les habitudes et les préférences de l’autre, au risque de ne pas pouvoir s’y accommoder. On s’épanche sur les conventions romantiques, sans jamais les atteindre naturellement. Les journées semblent ternies par un amour qui ne fleurit pas.
Le revers de l’amour
Quand George et son père s’installent par la suite dans le village de la famille Honeychurch, ce processus méticuleux de séduction galante est mis en péril. La lueur du passé est susceptible d’ébranler toute la pudeur accumulée dans le présent. Le désir d’autrefois revient au galop, outrepassant cette éducation qui tente tant bien que mal, de se dresser en travers du chemin amoureux. L’implacable réalité du premier amour cause la première confusion des sentiments. S’éprendre sans comprendre, et jusqu’à s’y méprendre, c’est finalement dépendre sans l’attendre de ce soudain ressenti.
Chambre avec vue est une représentation de la bourgeoisie anglaise, ébranlée dans ses principes fondateurs d’élégance, remettant ainsi en cause les nécessaires galanteries habituelles. C’est aussi une ode à la rencontre des désirs, quitte à entraver l’ultime étiquette édouardienne.
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