Toutes les deux semaines, les journalistes de Maze vous proposent un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale.
Little Simz – Something I Might Be Introvert
La relève de Lauren Hill et Erykah Badu Simbi Ajikawo, plus connue sous le nom de Little Simz, nous coupe le souffle avec un 4ème album grandiose. La jeune rappeuse nous présente Sometimes I Might Be Introvert, soit en initials S.I.M.B.I, un album introspectif et aux influences multiples. Aidée à la production par Inflo du groupe mystérieux Sault, la londonienne revient à ses racines nigérianes et afrobeat sur les morceaux Fear No Man et le succulent et dansant Point And Kill en featuring avec l’intriguant Obongjayar. Little Simz nous régale de samples soul, de groove indécent, ou encore de gospel qui rendrait Kanye jaloux comme sur le minimaliste How Did You Get Here et son piano délicat. Mais c’est sur le jazzy Woman, accompagnée de la divine chanteuse Cleo Sol, que Simbi nous transporte dans cette ode à la femme où l’on s’envole dans les envolées lyriques des deux artistes. Un album puissant et singulier à l’image de la rappeuse.
Sortie le 3 septembre
Coups de cœur : Woman feat Cleo Sol, Two Worlds Apart, Little Q, Pt.2, I See You, Point And Kill feat Obongjayar, How Did You Get Here
Thomas Soulet
Yan Wagner – Couleurs Chaos
Dès le premier morceau, la couleur est annoncée : j’me Brexit avec toi ! Ce clin d’oeil sarcastique à ce troisième opus, le premier presque intégralement en français, nous plonge sans tarder dans l’univers de l’artiste franco-américain. Un voyage dans le temps de 40 minutes, direction les années 80, entre les synthétiseurs, les touches de funk à la Bootsy Collins et surtout, une voix de crooner ! Le mélange savant de tous ces éléments reste la ligne de cohérence de l’album, qui s’articule au milieu d’un chaos lyrique. La sensualité des corps (Parfum) s’y mêle au quiproquo amoureux (Fais comme Si) jusqu’à ce que le narrateur plonge dans l’amnésie complète (Souvenir Détail). Le résultat est vibrant, taillé pour un dance-floor transpirant (Des cieux plus cléments). Une anarchie sentimentale calibrée et musicalement appréciable qui nous fera, on l’espère, oublier celle de la vie quotidienne.
Coups de coeur : Fais comme si, Des cieux plus cléments, Demande à la poussière
Sortie le 3 septembre
Robin Schmidt
Mokado – Marius
Mokado. Ce nom résonne comme un ailleurs qui se déploie dès le premier titre de l’album Marius. Il s’intitule 1908 et la suite ne sera constituée que de dates, celles qui jalonnent le parcours de l’arrière-grand-père de Mokado. Grand voyageur, ses carnets sont comme mis en musique, du bruit des oiseaux qui évoque la naissance à la furie du dernier instant. L’artiste est accompagné par Loïc Fleury (Isaac Delusion) et Samba De La Muerte sur deux morceaux, permettant quelques moments vocaux tout en douceur. C’est superbement produit et jamais redondant. On a hâte de découvrir ça sur scène.
Coups de coeur : 1968, 1996
Sortie le 10 septembre
Clément Simon
Cour de Recré – Cour de Recré
Plus que jamais, l’influence déclarée des musiques et des programmes d’AB Production se retrouvent dans la musique de Cour de récré. Le trio néo-kitsch présente ce mois-ci son premier album, après avoir secoué la synthpop il y a quelques années avec leur EP, Éponyme. Cette fois-ci, l’album éponyme — vous suivez toujours ? — comporte dix morceaux, dont les singles Agathe, Agathe et Vice et Werther. Deux succès antérieurs du groupe, Cœur cruel et Soleil Levant, sont également présents, mais leur nouvelle interprétation est plus mécanique que les titres originaux. Pour autant, Cour de récré s’épanouit toujours dans son champ d’action originel, cette synthpop kitsch si bien produite qu’elle donne l’impression d’être originale, parue il y a plusieurs décennies. Mais le groupe élargit cependant son champ d’action, et lorgne, avec une certaine réussite, vers les génériques de dessins animés — voix enfantines incluses — ou les musiques de jeu vidéo, avec, toujours, cette poésie légère, sucrée, romantique.
Coup de coeur : Le jardin de Nobuko
Sortie le 3 septembre
Victor Costa
Lorde – Solar Power
You’re all gonna watch me disappear into the sun, scandait l’artiste néo-zélandaise sur Melodrama (2017). Qui aurait pu prédire qu’elle annonçait déjà la suite ? La jeune femme marque son retour avec un opus inspiré, à mi-chemin entre pop et folk. Fidèle à ses thèmes récurrents, Lorde s’émeut du passage à l’âge adulte (Secrets From a Girl, Stoned at the Nail Salon) et de l’impact de la célébrité sur sa vie (California). Le réchauffement climatique est un autre sujet omniprésent sur le disque, notamment sur l’excellent Fallen Fruit. Le soleil, fil conducteur évident de l’opus, représente pour l’artiste la solution à tous ses maux ; elle s’en remet à la nature et à sa terre natale pour guérir de ses blessures les plus profondes. Co-réalisé avec Jack Antonoff (Clairo, Taylor Swift, Lana Del Rey), ce nouveau virage sonique intrigue, mais ne capte pas toujours l’attention. Le résultat, en comparaison avec Melodrama, est loin d’être aussi vibrant ; il y manque une certaine euphorie estivale que même les singles (Solar Power, Mood Ring) peinent à atteindre. L’album reste tout de même très bon, et on l’écoutera pour profiter des derniers rayons de soleil de l’année !
Coups de coeur : The Path, Fallen Fruit, Secrets From A Girl (Who’s Seen it All), California, Oceanic Feeling
Sortie le 20 août
Robin Schmidt
The Limiñanas x Laurent Garnier – De Película
Des albums concepts nous en connaissons mais des comme celui-là, ils sont rares. La super formation The Limiñanas/Laurent Garnier nous dévoile la bande son d’un film imaginaire du simple nom De Película. L’album raconte l’histoire d’un jeune étudiant, dénommé Saul, passionné de musique et de cinéma qui s’affectionne pour une prostituée, à peine majeure, Juliette. Les deux amoureux décident de s’enfuir vers des horizons nouveaux à la fin tragique. Porté par les instrumentalisations perçantes de Garnier, Lionel Limiñanas nous compte à la Gainsbourg, époque Melody Nelson, ce scénario romanesque et enivrant. Western électrisant ou krautrock électronique, nous découvrons un son vrombissant et psychédélique tel une mustang lancée à toute allure conduite par un Keith Richard imbibé d’outrances sur la route 66.
Coups de coeur : Saul, Juliette dans la caravane, Tu tournes en boucle, Juliette, Ne gâche pas l’aventure humaine, Au début c’était le début
Sortie le 10septembre
Thomas Soulet
Adrien Gallo – Là où les saules ne pleurent pas
Depuis leur succès fulgurant à la fin des années 2000, les BB Brunes ont fait du chemin, sorti cinq albums sans jamais perdre en qualité. Il en va de même pour leur chanteur, Adrien Gallo, qui rempile pour un deuxième album solo, jolie surprise de cette rentrée. Douze morceaux composent Là où les saules ne pleurent pas, tout en langueur et en douceur. Si deux duo avec Vanessa Paradis semblent être les points d’ancrage de l’œuvre, les plus beaux morceaux se trouvent du côté de Ils solitudes, La saharienne ou encore Des adieux. L’écriture est poétique, parfois baignée d’audacieuses métaphores. Elle se marie justement avec les compositions faites de piano, de cordes, où les percussions se font toutes petites, comme pour laisser jaillir tout ce lyrisme.
Coups de coeur : Ils solitudes, La saharienne, Des adieux
Sortie le 3 septembre
Victor Costa