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Film de femmes – « La Voix d’Aïda » : Résister à tout prix

La Voix d'Aida © Copyright Condor Distribution
La Voix d'Aida © Copyright Condor Distribution

Du 2 au 11 Avril, le Festival International de Films de Femmes revient pour une édition 100 % en ligne. Parmi les réalisatrices mises à l’honneur cette année, on retrouve Jasmila Žbanić avec le déchirant La Voix d’Aïda.

Juillet 1995. Les Casques Bleus tentent de maintenir l’armée serbe aux portes de Srebrenica (Bosnie). L’ONU doit maintenir la paix dans la ville, et au dehors de la base, où les habitants inquiets se sont rassemblés. Aïda, professeure d’anglais et mère de famille bosniaque, est recrutée comme traductrice pour apaiser la foule et transmettre les consignes sur la suite des évènements. Alors que les tensions montent, Aïda comprend que la situation tourne au désastre. Elle va alors tout faire pour tenter de protéger sa famille.

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Le récit d’un cauchemar

Lors de sa présentation au 77e Festival du Film International de Venise, Jasmila Žbanić a retenu l’attention d’Hollywood. Aïda, est nommé pour un Oscar et deux BAFTAs cette année. Et pour cause. Au premier abord, La Voix d’Aïda a des airs de thriller et le rythme effréné d’une course poursuite contre le temps. Mais un voile bien plus sombre teinte le destin d’Aïda. C’est l’histoire d’un des crimes de guerre les plus atroces commis en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. L’histoire glaçante du massacre de plus de 8000 hommes bosniaques musulmans par l’armée serbe. Un évènement tragique qui continue de diviser les puissances du monde entier, plus de vingt ans après les faits.

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Jasmila Žbanić a fait de La Voix d’Aïda le récit d’une femme, prise dans le tourbillon sanglant de la guerre. Elle tente simplement de sauver les siens. Avant d’être une résistante, avant même d’être Bosniaque, elle est une femme. La réalisatrice fait le choix fondamental de mettre au cœur de son récit l’humain plutôt que la politique. Un choix assumé qui rend le film encore plus touchant. Au cœur du drame se tient une famille qui doit faire face à la sombre réalité de la guerre. Faire face à une violence et à une haine qui les dépasse mais dont ils seront les premières victimes. Avec Aïda, Jasmila Žbanić donne un visage à toutes les vies brisées par des conflits décidés par d’autres, un visage à tous ceux que des fous ont cru pouvoir effacer.

La révélation Jasna Đuričić

Jasna Đuričić, palpitante dans le rôle d’Aïda, tient le film sur ses épaules avec une force remarquable. Toute la tension du film apparait sur son seul visage, plus tourmenté avec chaque minute qui passe. Elle livre ici une performance hors du commun, et transcende son personnage avec brio. Forte et déterminée, Aïda est un symbole de résistance, une voix qui s’élève contre la violence.

Le massacre de Srebrenica et les souffrances qu’il a laissé derrière lui sont loin d’être terminés, comme en témoigne les nombreux désaccords au sein de la communauté internationale qui subsistent aujourd’hui. La Voix d’Aïda est un cri qui résonne, une volonté battante de ne pas laisser les histoires de ceux qui ont péri tomber dans l’oubli. Et sans doute également une volonté de ré-envisager l’histoire via le prisme de l’humanité, pour rappeler que les conséquences des guerres sont avant tout humaines.

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