Avec ses articles sans complexe, Sainte Paluche, page Instagram (dé)culottée au tenancier anonyme, débroussaille la sexualité.
Surnommé « l’anthropologue du cul » par ses amis, ce reporter de métier créé, un soir où l’alcool a infusé les esprits et les courages, la page Instagram Sainte Paluche. Il rédige des articles sur le sexe, ses tabous et ses bizarreries. Il établit des partenariats avec des marques érotiques. Puis, il recueille de nombreux témoignages qui lui prouvent un peu plus le besoin bouillant des générations actuelles de libérer le discours autour de la sexualité. Ce grand passionné lance aujourd’hui sa propre ligne de plugs made in Paris, du même nom que sa page. Rencontre avec un sex-pert masqué.
Sur ta page Instagram, tu publies des articles sur des sujets aussi variés que la masturbation, l’urophilie, le bondage, les différents fétichismes ou le BDSM. Comment choisis-tu tes thématiques ?
Sainte Paluche : Je choisis les thèmes qui reviennent souvent en DM et je les relis aux témoignages plus développés que je reçois. Je fais beaucoup de recherche aussi. Pour mon article « Sexe et Religion », j’ai mis quatre mois d’écriture pour être le plus objectif possible. Sur des sujets touchy, il faut faire un véritable travail de journaliste et toute la matière que je reçois grâce à la page me sert beaucoup. Je peux écrire dix thèses sur le cul aujourd’hui avec tous les témoignages que j’ai récolté ! (Rires.)
Depuis quelques mois, tu te lances aussi dans une collection de plugs.
Une amie est créatrice de lingerie masculine (Creative underwear for men, ndlr) et partage son shop avec une créatrice de bijoux en résine. Lors d’une visite l’idée nous est venue. On a fait les premiers tests en résine et on s’est lancé dans l’élaboration du projet. On a voulu faire du Made in France avec des matières inoffensives et un prix abordable. J’ai envie de faire des documentaires sur la sexualité, pourquoi pas un festival sérieux autour de la thématique… les plugs ne sont qu’une étape de ce cheminement !
Qui dit plug, dit plaisir prostatique, dit tabou. Tu veux t’y attaquer ?
Il le faut, vraiment. C’est très délicat pour les hétéros de parler de leur prostate et de sa sensibilité. Pourtant, c’est un cadeau ! Quand c’est une femme qui la stimule, tu ne devrais pas une minute te sentir menacer dans ta virilité. C’est un acte sexuel comme un autre. Je rêve qu’un jour on puisse dire en tant qu’hétéro « je me suis masturbée la prostate » comme on dit qu’on s’est fait une branlette. Il faut libérer la parole autour du sexe.
La parole commence à se libérer, de plus en plus de pages sexo émergent, la masturbation féminine est désacralisée et les jeunes requestionnent beaucoup ces schémas…
Oui mais, si on y regarde de plus près, ce n’est pas général. Je suis suivi à 65 % par des femmes, 35 % par des hommes, tous ont entre 20 et 35 ans. Cela reste plutôt jeune comme démarche. Quand on parle d’expériences bisexuelles, les femmes n’ont aucun problème à communiquer alors que pour les hommes, c’est vraiment compliqué, voir impossible. La curiosité est commune, l’envie de désacraliser aussi. Le tabou est beaucoup plus présent chez les hommes.
La faute à qui, au porno ?
Entre autres. Il nous a habitué à voir que deux femmes, c’est excitant, et que deux hommes, c’est gay et efféminé. J’ai un abonné hétéro qui adore stimuler sa prostate. Quand il a avoué à sa femme, elle lui a dit qu’il la dégoutait. Beaucoup d’autres disent « pas pour moi, je ne suis pas homosexuel ». Mais les gars, aimer stimuler un endroit de son corps ne change rien à votre orientation. Il faut vraiment faire le distinguo entre une pratique particulière, une expérience sensorielle et des orientations sexuelles.
On associe encore trop pratiques et orientations ?
Oui ! Il faut pouvoir faire ce que l’on a envie avec une personne consentante sans jugement archaïque. Dans le sexe rien n’est sale. Tu as le droit de coucher qu’avec des hommes toute ta vie et d’un coup vouloir te caser avec Henriette dans le Limousin ! (Rires.) Je suis persuadé qu’un homme peut coucher avec dix hommes dans sa vie et être profondément hétéro. On a le droit d’expérimenter sans être catégorisé.
Pour toi qui design des accessoires sexuels, est-ce-que la démocratisation des jouets permet de mieux profiter une fois que l’on est à deux (ou plus) ?
Oui. Beaucoup de femmes découvrent véritablement leur clitoris avec un sex-toy. Pour beaucoup, le sexe commence quand l’homme a une érection. Ca se poursuit avec une pénétration vaginale ou anale et se termine quand il y a jouissance masculine. On peut faire l’amour sans pénétration… et c’est très agréable aussi ! Tout passe dans les esprits par le pénis en érection alors que statistiquement, on donne plus d’orgasme avec la langue et les doigts.
Le problème vient encore majoritairement des hommes pour toi ?
C’est eux, l’une des dernières grandes digues à abattre dans cette problématique. Enfin non, ce n’est pas les hommes, c’est l’homme hétéro cisgenre qui croit qu’une fois qu’il a joui le sexe est fini. Certains sont fous de leur conjoint(e), mais n’arrivent pas à parler de ce qu’ils aiment et préfèrent prendre des amant(e)s. Si tu aimes ta femme/ton mari, communiques sur tes fantasmes, il ne faut jamais madoniser son/sa partenaire.
Le sexe, c’est vraiment le ciment du couple ?
Si l’un des partenaires a un besoin de sexe régulier et l’autre n’en a envie qu’une fois par mois, c’est délicat. Si l’un est asexuel et l’autre a de la libido, c’est compliqué. La monogamie oblige de se suffire sexuellement à deux. Après, le sexe n’est pas le centre de tout. Je crois que l’on peut aimer une personne toute sa vie, mais coucher avec une seule, c’est une bêtise.
On devrait s’autoriser le sexe hors du couple, comme un cinéma qu’on serait aller faire en solo. Je suis contre la notion d’appartenance. Je ne dis pas « baisons avec tout le monde ». Je ne dis pas « Soyons tous libertins », ce n’est pas bien pour tout le monde. Mais c’est illusoire de dire « je n’aurai du désir que pour toi ». Je crois que, outre le fait que le divorce, la séparation facile et la consommation amoureuse rendent les gens plus paresseux à se battre pour leur couple, c’est aussi que l’on se frustre dans la fidélité sexuelle abusive.
L’appartenance reste quand même l’un des piliers difficiles à abattre, même pour les plus ouverts.
C’est une longue déconstruction, je ne pourrais pas dire le contraire. Je n’ai qu’un couple libre autour de moi qui fonctionne véritablement parce que c’est très dur d’y arriver. Ça leur a d’ailleurs demandé beaucoup de travail, ensemble et séparément. C’est l’une des modalités les plus romantiques qui soit, je crois. Je parle et parlerai de sexe à mes enfants pour ne jamais que ce soit un problème pour eux, que la déconstruction soit déjà sinon faite, du moins engrangée.
Pourquoi le couple libre est romantique pour toi ?
La confiance est aveugle dans le lien entretenu avec l’autre et le respect mutuel est profond. Si les femmes prennent du plaisir, sont plus heureuses, s’assument, l’homme perd sa place de maître des lieux et c’est ce qui pose problème à beaucoup. Des hommes aimeraient se faire pénétrer et ne le font pas parce que je cite « si elle me pénètre, je perdrais toute crédibilité pendant nos disputes ». Ça en dit long sur la vision symbolique de la pénétration. Achetez mes plugs et détendez-vous un peu !