Filmé du point de vue de l’enfant, Profession du père de Jean-Pierre Améris observe la folie d’un père entre fantaisie et violence – incarné par Benoît Poelvoorde. Une adaptation moins sombre et plus ambigüe du roman éponyme de Sorj Chalandon paru en 2015 chez Grasset.
« C’est toi qui va tuer de Gaulle » ordonne André Choulans (Benoît Poelvoorde) à son fils de 12 ans. À l’aube des années 1960, alors que la France est paralysée par la Guerre d’ Algérie, Émile Choulans (Jules Lefevbre) ne sait pas vraiment quelle est la profession de son père. Chaque jour, ce dernier lui raconte des événements de sa vie plutôt contradictoires et farfelus. Une fois, il confie avoir créé les Compagnons de la chanson. Une autre, il était champion de judo ou parachutiste. Par ailleurs, André Choulans fut surtout l’ami du général de Gaulle, jusqu’au moment où celui-ci le trahit et devint son pire ennemi.
Caméra à hauteur du jeune protagoniste, interprété par le fascinant Jules Lefevbre, Jean-Pierre Améris observe l’imprévisibilité d’un père qui entraîne son fils dans sa folie. En effet, le garçon est à la fois fasciné et effrayé par ce géniteur capable de passer d’un état à l’autre. Dans cet immense et sombre appartement lyonnais, André Choulans fait régner une terreur anxiogène où la mère, Denise (Audrey Dana) n’a pas son mot à dire. Mythomane et paranoïaque, le personnage apporte au film une forme de fantaisie dramatique, provoquant le trouble plutôt que le rire. Le cinéaste joue ainsi avec les différentes tonalités recréant un univers joyeux dans lequel se glisse la démence du père condamnant son entourage.

Le réalisateur des Émotifs anonymes parvient à recréer l’extravagance du point de vue de l’enfant. Emile, en effet, finit par être pris au piège entre l’imaginaire de son père et la réalité, la complicité des liens qui les unissent et les conséquences des histoires racontées. Un rôle dans lequel évidemment, Benoît Poelvoorde avait simplement à enfiler le costume pour incarner ces changements de ton constants, ces « up and down » qui le caractérisent déjà. L’acteur saisit ce rôle avec toute sa fantaisie personnelle de jeu et d’excès venant se confronter à la douceur du personnage d’Audrey Dana.
Dans ces confrontations, se jouent à la fois des rapports familiaux dysfonctionnels liés aux années 1960 mais malheureusement encore universels. L’enfant, lui, doit composer, avec cette société et le climat incertain régnant dans l’appartement de la famille Choulans. Et toute cette ambiguïté passe dans le regard de Jules Lefevbre, livrant une performance palpitante dans ces jeux dangereux et sensibles des relations père-fils.