CINÉMAFestival de Cannes

CANNES 2021 – « Onoda » : Une guerre secrète

© bathysphere

SÉLECTION OFFICIELLE – UN CERTAIN REGARD – Avec Onoda, Arthur Harari repousse certaines limites du biopic et offre une intimité du temps qui passe. D’une ampleur assumée, le film questionne par son final à double tranchant sur le plan de l’émotion.

Dans le genre du biopic, le temps est une donnée qui lui est indissociable. Pour Onoda, elle traduit une tranche importante de la vie du sous-lieutenant japonais Hiroo Onoda. Engagé en 1944 sur le front philippin, il est contraint de rester retranché dans la jungle pendant trente ans avec trois de ses soldats. Une mission choisie et conscientisée puisque son éducation de guerre consiste à ne jamais se rendre. Tant que la reddition ne lui a pas été communiquée par le Major Tanaguchi, son mentor, la guerre continue.

Le premier niveau de lecture du film d’Arthur Harari est clair. La dimension temporelle de reconstitution du genre ne dépassera jamais celle de la sensibilité de son personnage et de sa croyance. Pendant près de trois heures, le film va adopter un point de vue unique qui va motiver la mise en scène. Car dès qu’il y a croyance, tout est possible. La nature est alors filmée sous un souffle naturaliste d’une rigueur hallucinante et sans la moindre manifestation de suresthétisme. Au fond, la mise en scène est à l’os d’un personnage qui semble absent de toute réalité, celle de la paix après la fin de la guerre. Cette nature le contient. La mise en scène aussi. Une formidable direction prise par le film, à laquelle le cinéaste semble croire avec fermeté. Onoda a ses raisons que le temps ignore.

L’une des clés du film : la relation entre Onoda et le Major Tanaguchi / © bathysphere

Dévouement et dénouement

La puissance filmique de Onoda ne prend pas le parti de l’expérience, mais du récit. Si l’on pourrait reprocher à Arthur Harari de ne raconter la nature que par le prisme de cette présence, sa gestion de l’altérité entre le contexte historique et le dévouement de son personnage est intéressante. Il passe encore par-dessus le chapitrage temporel propre au biopic. Les traits de vieillesse d’Onoda, comme sa faiblesse physique et l’étude de sa jeunesse donnent au film une amplitude supplémentaire. La donnée temporelle est une fois de plus dépassé par le registre du dévouement et toutes ses formes. Et il n’est pas étonnant que le film ne questionne pas son héritage tant le cadre de l’ile semble n’appartenir qu’à son personnage.

Et soudain, une altérité venue de l’extérieur vient faire basculer le film. Un jeune touriste japonais, qui a plus l’air d’un passionné d’Histoire, vient à la rencontre d’Onoda, 29 ans après la fin de la guerre. Ce garçon va tout faire pour faire sortir Onoda de sa jungle, jusqu’à aller chercher le Major Tanaguchi pour un ultime face-à-face. Tout à coup, le film sort de la jungle pour un mini-périple de ce nouveau personnage, afin de mieux faire sortir son personnage principal de son cadre. Le pari, un peu contraint, de la résolution est ici à double tranchant. De cet écart nécessaire au bouclage de l’histoire, le film fait tout de même le pari du temps. Tanaguchi, vieux lui aussi, vient à la rencontre d’Onoda pour lui exprimer la reddition qui date d’il y a 30 ans.

De ce dénouement, le dévouement s’effrite. Entre l’inéluctable dimension temporelle du récit et l’ampleur de la croyance du personnage, le film semble se terminer sur une confrontation de point de vue qui laisse peu de place à l’émotion.

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