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Festival La Rochelle Cinéma 2021 – « Peaux de vaches » : À nos campagnes !

© La Traverse

La section «  D’hier à aujourd’hui  » du Festival de la Rochelle présente des films récemment restaurés ou réédités. Peaux de vaches (1989), premier long métrage de Patricia Mazuy, y est mis à l’honneur cette semaine.

Picardie, années 1980. Lors d’une soirée fortement alcoolisée deux frères mettent le feu à la ferme familiale dont le cadet, Gérard (Jacques Spiesser), s’occupe. C’est l’aîné, Roland, interprété par Jean-François Stévenin, qui se retrouve en prison. Lorsqu’il en sort, dix dans plus tard, il retrouve son frère marié, père d’une petite fille et propriétaire de la ferme rebâtie.

Une famille à la ferme

Pour son premier long, Patricia Mazuy prend le parti d’ancrer le récit dans un espace rarement filmé  : la campagne. Le milieu rural qu’elle met en scène échappe à toute forme d’idéalisation. Autour de la ferme de Gérard, le ciel n’est pas toujours bleu, le bruit des camions couvre celui des rossignols, et les froides barrières métalliques effacent la couleur des jolies plantes en fleur. Mazuy fait en effet le choix de ne pas raconter la campagne mais bien un espace rural parmi tant d’autres. Un milieu dans lequel peut prendre corps le récit d’une famille d’agriculteurs.

C’est dans l’alcool et la boue que s’enracine le lien familial retrouvé. Toute en nuances, la performance de Jean-François Stévenin donne à Roland une ambiguïté déroutante. Il est la pièce manquante de l’histoire familiale. L’aîné s’immisce dans la vie de son cadet pour progressivement en faire imploser la charpente construite en son absence. Toujours, Stévenin surgit dans le cadre par surprise. Toujours, l’excès d’énergie de l’acteur provoque l’affrontement entre Gérard et son épouse, Annie (Sandrine Bonnaire). C’est en fait celle-ci qui devient le pivot de l’histoire. Son époux tente d’incorporer le corps étranger qu’est le revenant en l’inscrivant dans sa routine. Elle, au contraire, s’agite de plus en plus, ses déplacements sortent du cadre quotidien. Au carrefour fraternel, Annie ne sait plus quelle direction prendre. Car si Gérard doit «  tout donner à Roland  », cela ne concerne pas sa famille.

© La Traverse

Des machines et des hommes

A ce trio s’ajoute un quatrième personnage. Machines agricoles et camions envahissent le champ visuel et sonore du film. La moissonneuse batteuse jaune de Gérard, ornée de guirlandes à l’occasion du mariage de son meilleur ami, inquiète dès les premiers plans. Elle instille une présence menaçante qui fait tendre le film vers le thriller. En ce sens, la fille du couple, Anna, joue un rôle primordial dans l’élaboration de la tension narrative. Dans les bras de Roland comme au bord de la route, le spectateur s’attend à voir le film sombrer dans le gore à tout moment. Au seuil de l’accident, Mazuy le maintient pourtant dans un état de violence sans dommages physiques.

Car à la violence qui s’exerce entre les deux frères s’adjoint une violence plus insidieuse. Si Roland et Gérard se battent jusqu’à se blesser mutuellement, c’est leur milieu qui, sans être radicalement hostile, émousse leurs âmes. Il s’infiltre dans le quotidien des individus. Patricia Mazuy matérialise cette menace par une ambiance sonore constamment constituée de bruitages extérieurs jusqu’à parfois recouvrir les dialogues. Peut-être parfois excessive, l’omniprésence sonore des machines permet de ramener le spectateur à une attente fondamentale résolue dans une ultime rencontre.

Peaux de vaches, version restaurée par La Traverse. Au cinéma le 25 août 2021.

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