CINÉMA

CANNES 2021 – « Rehana Maryam Noor » : le poids du silence

Rehana Maryam Noor - © Potocol and Metro Video
Rehana Maryam Noor - © Potocol and Metro Video

SÉLECTION OFFICIELLE – UN CERTAIN REGARDAvec Rehana Maryam Noor, Abdullah Mohammad Saad livre un film convaicant sur la culture du viol et le silence qui l’entoure. 

Pour la toute première projection de la sélection Un Certain Regard, le Festival de Cannes a choisi Rehana Maryam Noor. On y suit Rehana, jeune maman étudiante en médecine. Elle se prépare à obtenir son diplôme, sous la tutelle du Professeur Effrin. Elle affronte au quotidien les difficultés d’une mère veuve, et peine à trouver un équilibre entre sa famille et son métier. Un jour, Rehana comprend que le Professeur Effrin a violé l’une de ses élèves. Obsédée par cet acte dont elle a été témoin, Rehana va alors tout tenter pour faire reconnaître cet acte criminel dans la faculté. Petit à petit, c’est tout un système qui va se retourner contre elle, et l’enfermer dans un silence de mort. 

C’est un sujet particulièrement complexe auquel s’attaque ici Abdullah Mohammad Saad. Il pourrait rapidement faire fausse route, mais le réalisateur démasque habilement les nombreuses couches d’une culture pernicieuse. Le calvaire de la victime continue dans les yeux de sa hiérarchie, de ses proches, dans la crainte d’être jugée ou mise de côté. Mais ce calvaire existe aussi dans la culpabilité assourdissante qu’elle porte injustement.

Le réalisateur établit un parallèle profondément intéressant entre la quête de justice de Rehana, et son rôle de mère. Alors qu’elle se débat avec une administration muette, la jeune mère apprend que sa fille a violemment mordu un camarade. Cet acte, qu’elle condamne d’abord, se révèle finalement nécessaire puisqu’il a permis à sa fille de lutter contre les attaques d’un camarade. Sous la pression de l’école, Rehana est traînée dans la boue et doit forcer son enfant à s’excuser injustement. La question posée ici est celle de l’héritage : comment mettre un terme à la violence jusque dans l’éducation des générations futures ?

Ce parallèle permet de mettre en lumière plusieurs aspects majeurs de la culture du viol. Le fait de blâmer les victimes, ou de rejeter la faute sur quiconque pourrait «  faire des vagues  ».  Abdullah Mohammad Saad déconstruit ces principes et révèle la facilité avec laquelle ces mécanismes sont inculqués dès l’enfance. Comment alors espérer mettre un terme à cette culture du silence et de la condamnation ? 

Abdullah Mohammad Saad livre un film particulièrement lucide, et entre en profondeur dans son sujet. Malgré des erreurs certaines de rythme, il parvient à convaincre. Il rate malheureusement sa fin, trop abrupte, presque frustrante. Une belle réussite néanmoins pour le réalisateur, premier Bengali sélectionné pour Un Certain Regard à Cannes.

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