QUINZAINE DES RÉALISATEURS – Pour ce retour à la Quinzaine des réalisateurs, Miguel Gomes croise le regard de Maureen Fazendeiro et nous emmène au cœur d’un tournage ensoleillé, confiné et chaotique.
Deux garçons et une fille dansent seuls dans le grand salon d’une maison de campagne. Leurs corps se croisent sous les lumières des stroboscopes, portés par les notes mélancoliques de The Night de Franki Valli and the Four Seasons. Ils et elle occupent leurs journées à profiter du soleil, prendre soin de la serre remplie de plantes qui jouxte la maison et construisent collectivement une mystérieuse structure destinée à accueillir des papillons.
Tous les éléments semblent réunis pour dessiner un classique triangle amoureux estival, pourtant Maureen Fazendeiro et Miguel Gomes déjouent rapidement les attentes des spectateurices. Puisque le trio formé par Carlotto, Crista et João est en réalité le sujet du film tourné par Miguel Gomes et Maureen Fazendeiro dans le film, et le vrai sujet de Journal de Tûoa, le tournage confiné de ce film.
Les jours décomptés sur les cartons qui émaillent les séquences apparaissent alors comme le journal de confinement de cette équipe de tournage, recluse dans une villa ensoleillée au fond des bois. Le hors cadre devient un espace habité par la fiction et l’équipe technique entre dans le champ,rompant la solitude du trio, ce qui a pour effet de recentrer le film sur la débâcle du tournage, qui ne va évidemment pas se dérouler comme prévu.
Duel au soleil
Toute la fantaisie de Miguel Gomes et Maureen Fazendeiro peut alors s’exprimer à travers cette contrainte du film confiné dans lequel on retrouve tout l’humour absurde du cinéma de Miguel Gomes. A la suite d’une réunion de tournage au cours de laquelle Carlotto, Crista et João lui expliquent qu’ils ne comprennent pas ses indications de jeu, Miguel Gomes quitte le tournage, mettant au défi ses acteurices de réaliser le film.
Les acteurices profitent alors de cet espace de liberté, moment de respiration au milieu de la contrainte des règles sanitaires qui tendent les rapports sur le tournage. Maureen Fazendeiro et Miguel Gomes filment avec tendresse le cinéma comme un espace de liberté possible et d’existence du collectif, qui dépasse les distances imposées par les contraintes sanitaires. Comme dans cette très belle scène loufoque, où les acteurices décident de se filmer en slow-motion, conduisant à plusieurs le tracteur de la propriété, dans un mouvement collectif qui va à l’encontre de l’immobilité du confinement.
Journal de Tûoa n’est pas le meilleur film de Miguel Gomes mais il révèle le regard et l’écriture riche et prometteur de Maureen Fazendeiro, qui avait travaillé sur les Mille et unes nuits comme directrice de casting, et à qui l’on doit déjà deux très beaux courts-métrages expérimentaux : Motu Maeva (2014) et Sol Negro (2019). Journal de Tûoa est son premier long-métrage et elle travaille actuellement avec Miguel Gomes à l’écriture de leur deuxième collaboration, Sertão.