CINÉMA

« L’oubli que nous serons » – Vibrante mémoire d’un père

L'oubli que nous serons
© Nour Films

Sorti en salle mercredi, L’oubli que nous serons, adaptation du roman éponyme de l’écrivain colombien Héctor Abad Gomez magnifie la mémoire de celui qui fut pour lui à la fois un médecin, un père et un grand humaniste. Fernando Trueba signe ici un film vibrant et plein de grâce. 

Fernando Trueba assure avoir été touché par la force de ce roman, très connu dans le monde hispanophone. Ce cinéaste, habitué des comédies à l’américaine, s’essaie ici à un nouveau genre, quatre ans après La reine d’Espagne, moins abouti. Avec L’oubli que nous serons, il dresse le portrait d’un homme engagé pour le bien commun. Fernando Trueba célèbre du même mouvement tous les humanismes. 

 Au cinéma, on est coutumiers des flash-backs en noir et blanc et du temps présent en version colorée. Dans L’oubli que nous serons, c’est l’inverse qui se produit. Le présent est incolore, comme sans saveur, forcément, puisqu’il signe le déclin du père adulé par le personnage principal. Après une brève introduction dans le présent, Fernando Trueba ramène son spectateur dans le passé. Un passé magnifié, éclairé par les lumières d’Héctor Abad (père). L’homme est médecin et humaniste, s’intéresse aux problématiques de santé publique à une époque où, à Medellín en Colombie, les politiques ne s’intéressent qu’à l’argent et ne se soucient pas du bien-être de leur population. Héctor est aussi le père d’une fratrie de cinq filles et d’un garçon, Quinquín. Ce dernier est le surnom donné à l’écrivain Héctor Abad Gomez (fils), qui porte le même prénom que son père. 

Triple portrait

L’oubli que nous serons résonne comme une délicate déclaration d’amour. À la fois portrait d’un père de famille, il dresse également le portrait du médecin et de l’homme engagé. Un père de famille attentionné et non-violent. À rebours du modèle paternel viril érigé en norme, Héctor (Javier Cámara) est sensible et apprend la douceur à son fils. Cette douceur sera d’ailleurs moquée par les camarades de Quinquín, qui l’accuseront d’être un «  pédé  ».

Le médecin, comme le père, est à rebours des normes de l’époque. À la fois professeur à la faculté et praticien, il donne des cours iconoclastes à ses élèves et se voit souvent menacé d’interdiction par les doyens, ou par des tags anonymes sur les murs de son bureau. En effet, Héctor est différent. Il milite pour que l’on soigne aussi les pauvres. Ces mêmes pauvres qui sont laissés de côté par une Colombie plus inégalitaire que jamais, en proie aux trafiquants en tous genre. 

Sa vision du monde, à la fois politique et humaniste, le conduiront à s’engager en politique. L’homme est fatigué mais n’en démord pas. Chaque Colombien doit se vacciner contre les maladies qui déciment le pays. La Colombie doit protéger ceux qui l’habitent. Tout est révoltant et tout prête à l’engagement. 

Passage par l’intime

Si le réalisateur n’occulte pas le volet résolument politique de l’œuvre, c’est l’intime qu’il met en valeur. Le film se présente comme un hommage intime, presque charnel. Héctor n’est pas une icône, il est un père adulé par son fils. D’ailleurs, dans le foyer familial qu’il habite avec ses six enfants et sa femme, tout le monde est heureux. On joue de la musique, on rit, on s’engueule. En bruit de fond, la petite musique du bonheur et du temps qui passe. Le politique et les problèmes restent à l’arrière, occulté par la vision romancée de l’enfance. Se dessine alors un petit «  paradis perdu  », mis en lumière par une photographie chatoyante et des images de tendresse. 

Fernando Trueba précise ne s’être inspiré de rien pour réaliser ce portrait de famille. Pourtant, on jurerait qu’il y a quelque chose des Quatre filles du Docteur March. Un film lumineux, qui célèbre l’amour et l’humanisme. Parce que, comme dit le réalisateur, «  on n’a pas envie de voir à l’écran des personnages avec qui on ne passerait pas trois minutes dans la vie  ». Héctor Abad n’est définitivement pas de ceux-là. 

Journaliste

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