CINÉMA

« Le Discours » – Le pouvoir des mots

©Les Films Sur Mesure - Photo Christophe Brachet
©Les Films Sur Mesure - Photo Christophe Brachet

Expert dans le registre des comédies, le réalisateur Laurent Tirard signe avec Le Discours, une adaptation savoureuse du roman éponyme de Fabrice Caro. Drôle, irrévérencieux et servi par une brochette de comédiens en pleine forme. Un régal.

«  Tu sais, ça ferait très plaisir à ta sœur si tu faisais un petit discours le jour de la cérémonie  ». C’est par ces mots que s’ouvrait Le Discours, deuxième roman de l’auteur et dessinateur de bandes-dessinées, Fabrice Caro. Douze ans après Figurec, il signait en 2018 ce texte à au charme insolent dans lequel Adrien, un adulescent sans grandes perspectives d’avenir, se retrouvait contraint par son beau-frère de prononcer un discours lors d’un mariage. Le début d’une longue angoisse qui allait progressivement aboutir à une totale remise en question. Sur sa vie mais également sur son histoire d’amour avec la belle Sonia. Le ton, enlevé et impertinent, ne pouvait qu’intéresser le cinéma. Il n’a pas fallu bien longtemps pour que des producteurs se penchent sur le berceau et réfléchissent à une adaptation sur grand écran.

Et c’est ainsi que débarque aujourd’hui dans les salles obscures Le Discours, huitième film du réalisateur Laurent Tirard. Une évidence lorsque l’on songe à l’habileté du réalisateur pour les comédies aux dialogues qui font mouche. Depuis 2004 et son premier long-métrage Mensonges et trahisons et plus si affinités, l’ancien critique de cinéma concilie cinéma grand public (Le Petit Nicolas, Astérix et Obélix  : Au service secret de sa majesté) et œuvres plus intimistes (Molière).

Le Discours serait la synthèse idéale de ces deux orientations. Sur le plan purement formel, l’adaptation du roman de Fabrice Caro représente certainement son film le plus modeste. Ici, point de costumes et d’effets spéciaux à gogo mais quelques décors et une action qui se concentre essentiellement sur une unité de temps, de lieu et d’action  : un dîner de famille. Comme au théâtre, le spectateur est invité à écouter les joutes verbales des personnages qui se font des déclarations autant qu’ils s’engueulent. Le repas va être émaillé de flash-backs et autres scènes parallèles. Ce qui redynamise sans cesse le récit.

Le portrait d’une génération

C’est l’une des principales qualités du film. Le Discours est un long-métrage au rythme échevelé. Les répliques fusent comme dans un match de ping-pong. Bien sûr, elles sont très drôles (à l’image de cette scène où un couple s’écharpe quant à la question de la sodomie).

Mais il est réducteur de réduire le film à une simple comédie bien rythmée. Au fur et à mesure se dessine une analyse pertinente des rapports humains. Il y a presque quelque chose de sociologique dans la description que fait Laurent Tirard de la génération des trentenaires. Une tranche d’âges qui marque la fin des dernières illusions et qu’illustre à merveille le personnage d’Adrien, incarné par l’excellent Benjamin Lavernhe. Avec son allure dégingandée, le comédien apporte un charme lunaire à ce personnage de témoin d’un mariage où il peine à trouver sa place. Sa famille, haute en couleurs, ne lui facilite guère la tâche.

Pour interpréter les membres de cette tribu comme Fabrice Caro a su si bien en écrire dans ses œuvres, Laurent Tirard s’est appuyé sur des acteurs de talent. Guilaine Londez et François Morel campent des parents aimants quoique maladroits tandis que Julia Piaton et Kyan Khojandi figurent les mariés autour duquel le personnage d’Adrien va avoir maille à partir avec un discours qui va l’emmener plus loin qu’il ne l’aurait imaginé.

Mais la vraie surprise du film vient de Sonia (incarnée par Sara Giraudeau), pièce que le personnage principal voudrait de nouveau rapporter au sein de sa famille. Une femme espiègle, qui se déguise en Barbara lors d’une soirée costumée (un choix simple et qui a le mérite de mettre tout le monde d’accord) et dont l’assurance fait vaciller les certitudes de notre protagoniste. Une jeune femme à l’image même du film  : un mélange de raffinement et d’humour décapant. Assurément, la comédie du mois de juin  !

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