Huit ans après son très beau documentaire Au bord du monde, Claus Drexel consacre de nouveau un film aux sans-abris. Cette fois-ci, c’est par le biais de la fiction qu’il nous entraîne dans le quotidien de ces êtres laissés sur le bas-côté, avec une Catherine Frot éblouissante. Sous les étoile de Paris sortira en DVD le 15 juin.
Claus Drexel a une drôle de carrière. D’origine allemande, c’est en France qu’il a fait ses armes. Après la comédie Affaire de famille en 2008 dans lequel il dirigeait André Dussolier et Miou-Miou, c’est avec son deuxième film qu’il s’est imposé comme un cinéaste à suivre. Loin de l’esprit décalé de son premier long-métrage, son documentaire Au bout du monde s’intéressait à des individus que l’on n’a pas l’habitude de voir. Ou plutôt que l’on voit mais que l’on ne connaît pas : les SDF. Présenté à l’ACID lors du festival de Cannes de 2013, le film gagne des prix en festivals et nombreux sont ceux à en vanter les mérites, que ce soit parmi les critiques ou dans le public. Et parmi ces spectateurs ayant eu un coup de foudre pour cette œuvre bouleversante, on trouve une certaine Catherine Frot.
Pour la comédienne, il y avait encore des choses à dire sur les sans-abris. Suite à de longs échanges avec Claus Drexel, l’idée d’un nouveau film a donc germé. Mais point de second documentaire. Ici, la forme privilégiée est la fiction. Et plus précisément, le conte. Car c’est bien d’une histoire que l’on aurait pu croire fantasmée qu’il va être question ici. Il y a déjà ce titre, Sous les étoiles de Paris, volontairement enchanteur. La capitale française est filmée comme une boîte à secrets.
On la découvre sous différentes facettes, différentes couches. Si dans la rue, la vie grouille, en-dessous, on observe le même ballet. En l’occurrence, celui de Christine. Depuis des années, cette dernière vit dans la rue. Pour dormir, elle se cache dans les catacombes ou des abris de fortune. Cabossée par la vie, elle ne demande rien à personne et voit son quotidien s’égrener sans réelle lueur d’espoir. Jusqu’au jour où Suli, un jeune garçon de huit ans, débarque dans sa vie. Perdu, ne parlant pas un mot de français, il vit lui aussi un drame : la séparation avec sa mère. Même si tout semble les opposer, Christine et Suli décident de faire route commune afin de retrouver la trace de la mère du jeune garçon.
Sous les étoiles de Paris est un film à la croisée des genres. Si l’on pense bien évidemment au conte (le personnage de Christine pouvant faire penser au Grand Méchant Loup dans les premières scènes), on songe également au film social compte tenu du sujet de départ mais également au road movie. Car le long-métrage de Claus Drexel est perpétuellement en mouvement. Sa caméra présente un visage de Paris correspondant à la fois à l’image de carte postale (les plans sur les quais de Seine, la dernière scène à Montmartre, etc.) mais aussi totalement dépouillée de ses artifices. La face cachée de l’iceberg est également dévoilée. Par exemple, le bois de Boulogne et son lot de travailleuses du sexe (un sujet qui sera d’ailleurs au centre du prochain documentaire de Claus Drexel, Au cœur du bois).
On pourrait reprocher une certaine naïveté au scénario à certains endroits. Sous les étoiles de Paris est à voir comme un film débarrassé de tout cynisme. Malgré les thèmes de la perte et de l’abandon qui sont ici centraux, on relève quelques touches d’humour que véhiculent certains passages secondaires. On pense notamment à celui de la prostituée vieillissante, incarnée par Dominique Frot. Il est d’ailleurs émouvant de voir les deux sœurs réunies à l’écran et partager quelques scènes ensemble. Malgré quelques petites faiblesses, le film de Claus Drexel réussit à emporter le spectateur grâce à son inventivité et une émotion qui monte crescendo. Une des (nombreuses) belles surprises pour cette réouverture des cinémas.