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Rencontre avec Niteroy – « J’ai besoin de visualiser les choses pour ressentir des textures musicales »

Crédit photo : Lucas Martin

À l’occasion de la sortie de son tout premier EP Dia de Chuva, nous avons eu le plaisir de faire la connaissance de Tiago alias Niteroy, son projet solo. Composé de cinq balades bossa nova, on s’imagine parfaitement la baie de Rio surplombée du christ rédempteur. Un coup de coeur musical à écouter sous les premiers rayons de soleil ou même un jour de pluie.

Comment vas-tu ?

Très bien, je fais une petite journée à Paris. J’ai pris le train ce matin de Rennes et voilà, je suis là dans le bureau de l’attachée de presse.

Niteroy fait référence à une petite ville à côté de Rio de Janeiro, pourquoi cette ville ?

C’est la ville où habite ma grand-mère au Brésil et c’est la ville où a grandi ma mère. Elle est originaire de Rio mais elle a passé sa jeunesse à Niteroy. 

Tu y es déjà allé ? 

Oui, oui carrément, quand je vais au Brésil souvent je vais là-bas. J’y vais parce que ma grand-mère y habite toujours. 

Du coup, tu y vas assez souvent ? Quand on peut en tout cas (rires) !

Oui, quand on peut ! Quand il n’y a pas des maladies qui déciment les vieux (rires).

C’est un peu un endroit où tu aimes te ressourcer ?

Oui carrément, c’est une grosse source d’inspiration pour moi d’y retourner, j’en ai besoin quand même pour ce projet. C’est important pour moi, je me sens plus crédible, je me ressource avec ce projet. Mais c’est vrai que là ça manque un peu. La dernière fois que j’y suis allé c’était en 2019. C’était il n’y a pas si longtemps mais c’est quand même hyper important pour moi d’y retourner assez régulièrement pour puiser du pays, pas forcément de la région de Rio, mais de manière générale. C’est un pays qui me fascine depuis que je suis petit. L’idée c’est d’en connaître le plus possible et puis c’est un grand pays, il y a des choses à voir.

Tu vas bientôt y retourner ?

C’est encore un peu flou. Je comptais y retourner en fin d’année pour fêter Noël avec ma famille, mais on verra.

Comment est né ce projet solo ?

J’avais Born Idiot dans un premier temps, mon premier projet, que j’ai commencé quand j’avais 19 ans et puis j’ai pris de la maturité en tant que musicien et je me suis dit « Pourquoi pas faire mon truc perso ». Un jour mon pote Guilherm, mon coloc’ qui est aussi ingénieur du son, m’a proposé de faire une prod’ ensemble et d’en faire un son. Du coup j’ai chanté en portugais. J’ai aimé l’exercice. Je me suis dit pourquoi pas continuer et faire mes compos. J’ai composé, j’ai pondu cinq morceaux, et puis je les ai enregistré. 

Tu parles couramment portugais depuis petit ?

Le portugais je le parle depuis petit. Je l’ai surtout entendu de part ma mère et après moi j’ai vraiment commencé à le parler. En fait au début j’osais pas trop le parler avec ma mère, c’est marrant, mais j’avais un blocage, c’était pas une langue que je maitrisais parfaitement quand j’avais 15-16 ans. Même aujourd’hui je ne la maitrise pas parfaitement. Je suis né en France, à Rennes, et puis je suis français. Mais à mes 15-16 ans je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose avec ça, c’est très important les racines et l’identité aussi. Le moment où tu deviens un adulte c’est les grandes questions philosophiques qui arrivent aussi et moi en l’occurrence c’est sur mon identité. Ça m’a permis de lancer ce projet sereinement. J’ai lu des livres en portugais, j’y suis retourné plusieurs fois [au Brésil], j’ai fait pleins de choses.

Je suis agréablement surprise de découvrir un.e artiste qui chante dans la langue dont il.elle est originaire, je trouve ça plutôt rare. Pourquoi avoir voulu écrire des chansons en portugais ?

J’écoutais de plus en plus de musique brésilienne, aussi je m’affirmais auprès de mes parents, je leur parlais portugais plus qu’avant, je faisais vraiment des efforts. Je me suis dit pourquoi pas en fait. On chante beaucoup en anglais et moi j’écoutais beaucoup des groupes comme Devendra Banhart qui eux n’hésitent pas à chanter dans leur langue d’origine et c’est hyper beau ce truc là. J’ai plein d’exemples en tête, il y a plein d’artistes. Les gens cherchent plutôt des choses nouvelles et moi je me suis vite dit « C’est peut-être un moyen pour moi de me différencier, d’apporter quelque chose de nouveau. Au pire fais -le, et tu seras fier de toi. Ça fera plaisir à ta famille ». Du coup, ça a été le cas.

Crédit : Lucas Martin

Après avoir sorti quatre singles tu vas donc sortir ton premier EP. Comment le sens tu ? 

Je suis content mais le truc c’est que ce sont mes premières compos donc maintenant je commence à en avoir des mieux, plus jolies, dont je suis plus fier. Comme beaucoup de musiciens, je vais te dire «  je suis content » mais il y a de nouvelles choses qui arrivent qui me plaisent plus. Mais c’est normal aussi avec le temps, et le covid a ralenti tout le processus artistique. Donc ce qui prenait déjà du temps en a pris encore plus. Ça génère un peu de frustration mais je suis quand même content de mes premiers morceaux, et je suis pressé que l’EP sorte pour que les gens entendent les nouveaux morceaux.

Y a-t-il déjà une suite à cet EP ?

Oui, oui. Je suis en train de composer tranquillement à Rennes chez moi. C’est cool, j’ai largement le temps de le faire.

Dia de chuva, c’est un peu la description de la Bretagne du point de vue d’un brésilien en fait ?

Oui c’est ça, mais c’est plusieurs choses en fait. J’ai trouvé ça cool parce que j’ai composé l’EP principalement en Bretagne et notamment après mon dernier voyage au Brésil où je suis resté un mois et demi. Quand je suis revenu en Bretagne, j’ai composé une bonne partie de l’EP, mais d’autres chansons sont arrivées ensuite. Il faisait pas beau vu que c’était l’hiver en plus et je me suis dit «  C’est peut-être la pluie qui tombe sur la sous-pente de ma chambre, plus le voyage que j’ai eu, qui m’ont inspiré ». Je ne voulais pas que ça soit «  Tiago il va au Brésil, il est inspiré en revenant ». Il n’y a pas que ça. Il y a aussi ce dont je suis inspiré au jour le jour, au quotidien et en l’occurrence j’habite à Rennes et il ne fait pas beau à Rennes. C’est aussi lié au fait que, pour moi, quand il pleut, t’es coincé chez toi et c’est le moment où tu réfléchis à pleins de choses importantes. Et après la pluie vient le beau temps.

Ton album est emprunt de ce sentiment intraduisible en français “saudade”. Si tu devais essayer de décrire ce mot, de quoi se rapprocherait-il ?

C’est très proche du mot «  nostalgie ». C’est de la belle nostalgie, teintée de tristesse. Je trouve ça beau. Ça me fait marrer ce mot là brésilien intraduisible. Mais ça c’est les brésiliens, ils aiment beaucoup romancer les choses. En même temps c’est un super beau mot, même la sonorité est belle. Par exemple quand quelqu’un nous manque on dit «  Estou com saudade de você », «  Tu me manques ». C’est le manque, la nostalgie mais c’est souvent positif.

Quelles ont été tes influences pour la création de cet EP ?

Beaucoup de choses qui m’inspirent musicalement. Du moins il y a des artistes brésiliens qui m’ont beaucoup inspiré : Rodrigo Amarante par exemple, Jorge Ben, Marcos Valle, Tim Maia. Au-delà de la musique t’as beaucoup de choses auxquelles je ne faisais pas attention quand j’étais petit quand j’allais au Brésil comme l’architecture d’Oscar Niemeyer. Après c’est vraiment visuel, moi je fais beaucoup de parallèles entre la musique et l’architecture ou les choses vraiment physiques, photographiques. J’aime beaucoup les vieilles maisons à la portugaise, les maisons blanches et des fois tu retrouves des mosaïques. Ce sont des choses qui m’inspirent beaucoup. Je pense que j’ai besoin de visualiser les choses pour après ressentir des textures musicales avec les instruments. Sinon la peinture, par exemple la pochette de mon EP, c’est une rennaise qui s’appelle Audrey Bertoia qui l’a réalisé. Je regardais ses tableaux sur Instagram, on s’était rencontré par des amis, et j’ai flashé. Et sans le savoir elle s’est inspiré des travaux de Darwin, de ses écrits quand il est arrivé en Amérique du Sud, au Brésil. C’est marrant parce que je suis tombé dessus, et j’ai eu le coup de foudre. Elle m’a dit «  C’est mon seul tableau qui est en rapport avec le Brésil ». Comme quoi, il n’y a pas de hasard. 

Tu me parlais tout à l’heure de ton groupe Born Idiot, en quoi ce projet solo se démarque-t-il ?

Il se démarque déjà par la langue qui est chanté (rires) mais surtout Born Idiot ça a été une énorme influence sur moi en tant que musicien, j’ai appris à composé avec ce projet-là. Il y a beaucoup d’arrangement ou de mélodies ou d’harmonie qui sont reconnaissables dans Born Idiot et Niteroy, il y a des liens entre les deux. Mais ce qui les différencie c’est que peut-être qu’il y a plus de percussions sur Niteroy. J’assume plus le côté bossa nova. Je pense que la langue ajoute une musicalité différente et les gens ne vont pas forcément faire le lien mais je trouve qu’il y a énormément de points communs, de similitudes. Après c’est peut-être le fait que je sois dans les deux mais pour moi je dirais que Niteroy est un peu moins complexe que Born Idiot, où il y a plus d’infos harmoniques. Niteroy est plus accès sur les mélodies mais vraiment t’as des mélodies plus fortes.

Oui et puis dans Born Idiot vous êtes plusieurs aussi.

Oui, c’est ça, on est cinq. Alors que Niteroy en live on est quatre donc ça apporte beaucoup plus d’informations.

Du coup vous n’avez jamais fait de live encore ?

Toujours pas. Je n’ai pas eu l’occasion de jouer devant des gens, parce que mon premier single je l’ai sorti fin 2019 et puis j’étais au Brésil quand il est sorti. Quand je suis rentré il y a très vite eu le Covid et je n’ai pas eu le temps de mettre en place un live. Mais bientôt là il y a pas mal de dates qui vont arriver avec Niteroy. On a déjà des dates de calées. Je n’en dit pas plus, il y a des choses qui se profilent…

As-tu d’autres projets à côté de la sortie de ton EP ?

Les dates qui arrivent prochainement, le 28 mai l’EP, sinon non. Enfin si mais j’ai pas le droit de les dire ! (rires) Mais vous serez au courant rapidement si vous suivez le projet.


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