CINÉMA

« Mandibules » – La nouvelle comédie familiale

© Memento – films-distribution

Un an après Le Daim, Quentin Dupieux annonce son retour avec Mandibules : deux amis trouvent par hasard une mouche géante dans le coffre d’une voiture volée et se mettent en tête de l’apprivoiser pour gagner de l’argent avec.

Avec Mandibules, Quentin Dupieux continue son tournant cinématographique entamé avec Au Poste ! (2018). Réalité (2014) s’inscrivait encore dans le schéma complexe d’une trame narrative tortueuse et entremêlée sans véritable début ni fin, comme un « Rubik’s Cube  » selon les propres mots du réalisateur. Mais avec Au Poste !, qui marquait son retour à la comédie française – genre qu’il avait abandonné à cause de son premier film Steak (2007) le cinéaste a changé son fusil d’épaule en délaissant les récits compliqués pour des scénarios centrés sur ses personnages plutôt que sur des situations. Ce changement de cap s’accompagne aussi d’une francisation de ses lieux de tournages et ses dialogues, l’anglais l’ayant toujours bloqué pour écrire. Il transforme cet essai en 2019 avec Le Daim, une comédie dérangée dans laquelle il sonde les abysses de la folie humaine.

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La télé-réalité selon Quentin Dupieux

Quentin Dupieux revient donc avec une comédie destinée à un public plus large qu’à son habitude et qui a fait rire aux éclats lors de son avant-première à la Mostra de Venise. Mais cette fois-ci il n’observe que la surface de ses personnages, trop débiles pour en faire une étude cérébrale. Il les exploite plutôt comme des cobayes en les plaçant dans un décors de télé-réalité pour les regarder évoluer jusqu’à repousser les limites de l’idiotie.

Le film prend place dans deux principaux endroits, un terrain vague où Manu et Jean-Gab font connaissance avec la fameuse mouche puis, par un étrange concours de circonstance, ils sont invités dans une maison de vacances où devront cacher leur précieuse découverte à leurs nouveaux amis. L’effet de surprise, toujours agréable, de voir à l’écran cette mouche géante gesticuler comme un chien devient vite anecdotique tant elle n’est qu’un prétexte pour mettre les deux comparses dans des situations propices aux quiproquos. L’animal, à mi-chemin entre une créature de Cronenberg et une marionnette des Guignols de l’info, est une sculpture bien réelle réalisé par l’Atelier 69 et animé par le marionnettiste David Chapman. C’est une sorte de sidekick sous exploité du duo que forme les deux héros de ce film.

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David Marsais et Grégoire Ludig aka Le Palmashow (respectivement Jean-Gab et Manu) reprennent avec facilité leurs personnages de simplets qu’ils traînent depuis leurs débuts dans Very Bad Blagues, le reste du casting n’est pas plus intelligent (mention spéciale pour Adèle Exarchopoulos, tantôt hilarante, tantôt tête à claque) et nous sert des situations qui s’avèrent souvent trop longues dans un surjeux total mais voulu. Entre deux rires inégaux on s’ennuie parfois pendant plusieurs minutes en raison peut-être d’une intrigue qui tient dans un mouchoir de poche.

Une comédie familiale

Même si ce film procure un certain plaisir, il est loin de rivaliser par sa qualité d’écriture avec ce à quoi nous avait habitué le réalisateur. Il trouve malgré tout sa singularité dans la volonté de se frotter aux codes de la comédie familiale. La preuve par trois : un tournage sur la côte méditerranéenne genre Les Sous-doués en vacances, une bande originale composée par Metronomy lorgnant sur le style Vladimir Cosma ou encore une morale digne (n’ayons pas peur des mots) d’une fin d’épisode de Plus belle la vie, ça ne choquerait même pas si le film était un scénario inachevé de Claude Zidi avec dans les rôles titres Louis de Funès et Bourvil.

De ce point de vue Quentin Dupieux a probablement réussi cette comédie de la même manière que lorsque Les Nuls inscrivaient sur l’affiche de La Cité de la Peur « une comédie familiale ». Et c’est dans cet esprit de filiation (couplé à sa marotte pour le non-sens) qu’il réalise avec Mandibules une comédie plutôt non-familiale, pour toute la famille ça va sans dire.

Il serait difficile d’émettre un avis objectif sans le mettre en perspective du reste de la filmographie de son réalisateur tant son style reste une exception dans le paysage cinématographique français. Concluons en disant que Mandibules est un film anecdotique mais il n’en reste pas moins un gentil divertissement oubliable qui à le mérite de plonger un duo culte pour toute une génération dans l’univers du réalisateur, au risque de faire des déçus comme Steak en son temps.

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