ART

La Bourse de Commerce- Pinault Collection : déjà incontournable

Pinault collection
Pierre HUYGHE, Offsprings, 2018 - crédit photo: Chloë Braz-Vieira

Repoussée par la pandémie, la Bourse de Commerce – Pinault Collection ouvre enfin ses portes au centre de Paris. Un écrin d’exception conçu par l’architecte japonais Tadao Ando pour accueillir les œuvres d’un des plus grands collectionneurs d’art contemporain au monde. 

Sept ans après l’inauguration de la Fondation Louis Vuitton, Paris accueille un nouveau lieu d’exposition, la Pinault Collection installée dans l’ancienne Bourse de Commerce, derrière les Halles. Il aura fallu l’aide de la Mairie de Paris et plusieurs années de travaux pour que le millardaire-collectionneur français François Pinault puisse enfin réaliser son rêve d’avoir son lieu à Paris. Il avait déjà réussi à en installer deux à Venise (la Punta della Dogana et le Palais de Grassi) mais la capitale française lui échappait encore. Finalement,  en 2016 la ville décide de racheter – pour 86 millions d’euros – la Bourse de Commerce alors occupée par la Chambre de commerce et d’industrie et propose à François Pinault de réaliser les travaux nécessaires pour y installer une partie de sa collection. 

Une architecture stupéfiante

Comme pour ses deux lieux à Venise, l’ancien homme d’affaire fait appel au prix Pritzker japonais Tadao Ando pour repenser le bâtiment circulaire et le transformer en lieu d’exposition. Il faut d’abord le restaurer conformément aux règles imposées aux monuments historiques. C’est-à-dire remettre en état les murs et la structure – notamment l’escalier à double révolution qui servait à l’origine pour le blé stocké dans la partie haute du bâtiment – et ensuite restaurer la grande fresque apposée sous la coupole et qui célèbre autant le commerce mondial que le colonialisme. Au passage, les architectes découvrent une salle des machines initialement dédiée au refroidissement du bâtiment. Mise en valeur comme une œuvre, elle fait partie des arrêts à ne surtout pas rater au sous-sol. 

Après la restauration historique, il faut proposer un nouvel agencement interne permettant de disposer des œuvres et créer des parcours d’exposition. Si le résultat surprendra peu les connaisseurs du travail d’Ando, il n’en demeure pas moins époustouflant. Sous l’immense coupole d’origine, l’architecte a conçu un gigantesque cylindre en béton à partir duquel sept espaces d’exposition (des «  galeries  ») se répartissent sur deux étages et un sous-sol. Contre toute attente, rien d’écrasant dans cet abondance de béton qui s’inscrit presque en faux avec le brutalisme. Au contraire, tout semble flotter, baigner dans la lumière qui imprègne chaque centimètre. L’ensemble est sublimé par l’élégant mobilier «  Rope  » conçu spécialement par les Frères Bouroullec. Une réussite architecturale qui se suffirait à elle-même et qui ferait presque oublier qu’elle sert avant tout d’écrin à une collection exigeante.

Rudolf STINGLER, Untitled (Franz West), 2011 – crédit photo : Chloë Braz-Vieira

Pinault collectionneur

On parle souvent de la collection de François Pinault pour les «  stars  » qui s’y trouvent : Jeff Koons ou encore Damien Hirst. Mais pour voir du Koons appartenant à Pinault, il faudra plutôt se rendre à l’exposition consacrée à l’artiste américain par le Mucem de Marseille depuis le 19 mai. A Paris, l’exposition «  Ouverture  » de la Pinault Collection se démarque par l’absence des artistes les plus attendus et connus du grand public. Même si Maurizio Cattelan est bien représenté par une vingtaine de ses pigeons naturalisés sous la coupole. 

Ce premier accrochage contient évidemment des valeurs sûres. Dans le cylindre du rez-de-chaussée, les statues-bougies de Urs Fischer qui auront complètement fondu d’ici trois mois fascinent.  Les compositions du très réputé David Hammons, les peintures de Martin Kippenberger, les bustes de Thomas Schütte ou les compositions photographiques féministes et pleines d’ironie de Martha Wilson (A portofolio of models, 1974). Mais l’exposition met également à l’honneur quelques jeunes talents comme que la chinoise Xinyi Cheng ou l’américaine Ser Serpas ainsi que des artistes encore peu exposés en France à l’image de Kerry James Marshall.

Ryan Gander, I… I… I…, 2019 – crédit photo : Chloë Braz-Vieira

Evidemment, la seule chose qui rassemble ces oeuvres est leur propriétaire, François Pinault. Ce qui, d’un certain point de vue, peut frustrer. Mais il faut reconnaitre l’exigence de cet ensemble dont certaines des œuvres envoutent complètement. C’est le cas des grands formats photoréalistes de Rudolf Stingel, des peintures colorées d’Antonio Oba ou des sculptures-installations de Tatiana Trouvé. Alors que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nombreuses sont ici les œuvres qui défient cette critique et émeuvent ou amusent telles le “ballet de poussière” de Pierre Huyghe (Offsprings, 2018) ou la petite souris mécanique de Ryan Gander (I…,I…,I… , 2019), mascotte de l’exposition.

On pourrait continuer ainsi longtemps à saluer toute les qualités de ce lieu tant sur le fond que sur la forme. On se contentera de conseiller de profiter de la réouverture des musées pour aller voir et ressentir par soi-même toute la puissance de ce nouvel espace qui s’impose déjà comme une des principales attractions culturelles parisiennes. 

“Ouverture”, Bourse de Commerce-Pinault Collection. Tous les jours de 11à 19h sauf le mardi, nocturne jusqu’à 21h le vendredi. Réservation et tarifs : Pinault Collection

Rédactrice "Art". Toujours quelque part entre un théâtre, un film, un ballet, un opéra et une expo.

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