© Les Films du Losange
Présenté au Festival du film francophone d’Angoulême et soutenu par le label Cannes 2020, Garçon Chiffon dresse le portrait d’un jeune homme à la jalousie maladive et au parcours professionnel semé d’embûches. Un premier film et premier rôle très personnel aux allures autobiographiques pour Nicolas Maury, qui surprend par sa capacité à se mettre à nu et émeut par sa mélancolie réfléchie.
« Ce film est comme une caresse », prévient le réalisateur Nicolas Maury avant la projection de son long-métrage. Prouesse pleine de douceur, Garçon Chiffon fait partie de ces réalisations sensibles et fantaisistes qui redonnent du baume au cœur. Tantôt humoristique, tantôt plus sérieux, le film navigue entre les émotions du personnage principal jusqu’à lui permettre de se reconstruire progressivement.
Après ses débuts dans des films de Patrice Chéreau, Philippe Garrel ou Olivier Assayas et sa révélation dans le rôle d’Hervé dans Dix Pour Cent, Nicolas Maury exploite ici le rôle de Jérémie, acteur dont la carrière peine à décoller. En couple avec Albert, incarné par Arnaud Valois (vu notamment dans 120 battements par minute), il tente d’entretenir une relation qui se consume peu à peu, rongée par une jalousie obsessionnelle devenant pathologique. Las de cette situation, Jérémie décide de revenir dans le Limousin auprès de sa mère, interprétée par Nathalie Baye.
Un excentrisme sans narcissisme
Le rôle de Jérémie dans Garçon Chiffon se présenterait presque comme l’alter-ego de son réalisateur. C’est pourquoi on a l’impression de se référer au réalisateur tout au long du film, sans pour autant tomber dans l’égocentricité. Ce dernier nous plonge dans une vie pleine de sentiments et reflétant ses démons : l’échec professionnel, les difficultés amoureuses, la mort de son père, le manque d’affection et surtout, la recherche de son identité.
L’alchimie du long-métrage tient en partie à son casting et évite ainsi de tendre vers une histoire nombriliste. « J’ai aimé chaque visage, chaque gueule de ce film », admet Nicolas Maury. Et il y a de quoi. Outre le caméo d’Isabelle Huppert à la sortie du célèbre Christine Cinéma Club, Nathalie Baye joue à la perfection le rôle d’une mère terre-à-terre, aimante et optimiste, qui contraste avec l’humeur dépressive de son fils. On y rencontre aussi Laure Calamy, acolyte de l’acteur dans Dix Pour Cent, ici en tant que réalisatrice puissante et colérique. La grande révélation de ce film porte le nom de Théo Christine, d’apparence modeste mais qui petit à petit prend de la place dans la vie de Jérémie. La facilité avec laquelle le jeu de chaque acteur s’articule crée un ensemble si harmonieux qu’on en oublie le supposé narcissisme du premier rôle.
Le lourd poids des racines
Lorsque Jérémie, au bord du gouffre, retourne aux sources dans le Limousin, le spectateur assiste à un contraste saisissant entre la vie d’un jeune homme baigné dans l’effervescence des grandes villes, et celle de sa mère en maison de campagne. Ce contraste se retrouve dans les échanges entre les deux personnages, et les émotions traversées font ressurgir les fantômes du passé chez Jérémie, entre peur de l’abandon et du rejet en raison de l’écart à la normalité. Maury met alors le doigt sur le difficile affranchissement de ses origines, qui quoi qu’il en soit resteront, et auront une influence sur l’avenir de chacun. Les références musicales, convoquant Anne Sylvestre ou encore Vanessa Paradis, et la bande-originale composée par Olivier Marguerit, aux notes légères, contribuent à soigner l’ambiance mélancolique qui prédomine dans le film.
Par ailleurs, Nicolas Maury aborde avec justesse la difficulté à se faire une place pour de nombreux comédiens débutants montés à Paris. Un rôle qui saute au dernier moment alors qu’il avait été promis, l’impression de voir son talent diminuer ou disparaître et la perte de confiance en soi qui s’en suit, etc. L’acteur dénonce ainsi la précarité du métier, et les raisons d’y croire encore et toujours.