CINÉMA

« Deux » : L’amour comme étendard

© Sophie Dulac Distribution

Sélectionné pour représenter la France aux Oscars en 2021, Deux de Filippo Meneghetti porte à l’écran la lutte effrénée de deux septuagénaires et amantes contre la séparation. Le film, sorti en février 2020 a remporté le prix Lumière du meilleur premier film et le Lumière de la meilleure actrice pour Martine Chevallier et Barbara Sukowa à la 26ème Cérémonie des Lumières de la presse internationale.

Le film s’ouvre sur des scènes de tendresse, puis d’amour entre Mado et Nina, incarnées par les talentueuses Martine Chevalier et Barbara Sukowa. Les deux héroïnes s’aiment et vivent de cette passion, qui semble les unir depuis toujours. Cependant, à mesure que les minutes passent, la caméra se décentre des deux femmes pour montrer le décor qui les entoure – la vie telle qu’elle est réellement.

Le spectateur comprend rapidement que, si les deux femmes sont amoureuses et amantes, elles ne le sont que clandestinement. Le reste du monde pense qu’elles sont de simples voisines de pallier. Le reste du monde, à commencer par les enfants de Mado, ignore la vérité. À l’instar de sa fille, qui admire l’abnégation et l’amour dont sa mère a su faire preuve en ne quittant pas son piètre mari.

Mais cet état de clandestinité est destiné à prendre fin. Les deux femmes projettent en effet de vendre leurs appartements respectifs, pour aller s’installer ensemble à Rome, où elles se sont rencontrées des années auparavant. Mais Mado hésite, n’ose pas dire la vérité à ses enfants. Les choses tournent définitivement au vinaigre lorsqu’après une dispute, celle-ci s’écroule.

Mado ressort de l’hôpital privée de ses pleines capacités physiques et mentales. C’est aux enfants qu’est échue la charge de leur mère. Et c’est ainsi que commence le combat de Nina contre la séparation. 

Un drame en deux temps

Le film, porté par les deux actrices remarquables qui campent les rôles principaux, parvient à capturer avec naturel et pudeur l’histoire d’amour qui unit Mado et Nina. La tendresse semble être un personnage à part entière durant les premières minutes du film, entièrement consacrées à la passion amoureuse. Le spectateur est amené, subtilement, à faire le constat suivant  : a-t-on déjà vu deux femmes, septuagénaires et lesbiennes faire l’objet d’un film  ? 

Cependant, l’accident de Mado sonne le glas de cet «  avant  » quasi idyllique. Le spectateur est alors projeté dans un «  après  », qui est un retour à la réalité de notre temps. Une réalité qui constitue le quotidien des femmes âgées, et lesbiennes de surcroît. Un quotidien en marge, ces deux catégories étant largement invisibilisées par une société hétéronormée qui entretient le culte maladif du jeunisme.

Cette réalité, incarnée notamment par la fille, que l’on entendra dire que le sacrifice de sa mère, qui n’a jamais pris le large et quitté son père – malgré toutes les bonnes raisons qui auraient pu la pousser à le faire – est une belle preuve d’amour. Ou encore Nina, excédée par les hésitations de Mado, qui hèle l’agent immobilier  : «  Ça vous pose un problème, à vous, les vieilles gouines  ?  » 

Ce film est beau de par l’habileté de son réalisateur à montrer cette histoire d’amour. Histoire d’amour qui, de surcroît, dénote avec les normes draconiennes en rigueur au cinéma. De par ses actrices qui parviennent à porter avec talent une mise en scène parfois balbutiante. De par son sujet, qui questionne la vieillesse, son traitement, la séparation, et puis l’amour. Tous ces éléments viennent conférer à cette histoire une dimension universelle. Et faire de Deux un grand film.

Disponible sur Universciné et Arte Boutique à la location.

Journaliste

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