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« It’s a Sin » – Un combat pour la vie

It's a Sin -Copyright Channel 4 2021
It's a Sin - © Channel 4 2021

Après un succès fulgurant au Royaume-Uni, It’s a Sin est enfin disponible en France. La série retrace le destin d’un groupe de jeunes gays emménageant à Londres en 1981, quelques mois seulement avant la mort du premier cas connu de SIDA au Royaume-Uni. À voir absolument.

Depuis plus de vingt ans, Russell T Davies (Years & Years, Dr Who) s’affaire à changer le paysage du petit écran. Projet après projet, il assume une plus grande maturité dans l’écriture. En 1999, il était derrière Queer as Folk, une sorte d’autobiographie sur sa jeunesse et la scène queer de Manchester. Interrogé sur l’absence totale de références au SIDA dans la série, Russel T Davies avait répondu à l’époque qu’il refusait de limiter ses personnages gays à une maladie. Près de 20 ans plus tard, il prouve avec It’s a Sin qu’il est possible de parler de SIDA sans aliéner les histoires de ceux pour qui ces quatre lettres ont tout changé. Il livre l’une des meilleures séries de ces dernières années, pleine de nuances et d’humanité.

It’s a Sin- © Channel 4 2021

Une jeunesse brisée

1981. L’année de l’insouciance et de la liberté pour Ritchie, Roscoe, Jill, Ash et Colin. Tous fraîchement arrivés à Londres, ils cherchent chacun à vivre pleinement le début de leur indépendance. Ils habitent ensemble dans le Pink Palace, un petit appartement londonien où amour, humour et esprit sont les maîtres mots. Petit à petit, ce début de liberté est assombri par le pire des maux : le SIDA. À vingt ans, on n’ose pas penser à la mort. Mais comment faire si elle est soudain partout ? Si elle arrache un par un les êtres chers ?

Russel T Davies fait le pari audacieux de mêler le rire aux larmes du premier au dernier épisode de la série. Inlassablement, le spectateur est pris par la main et conduit avec brio entre les éclats de rire et des scènes toujours plus déchirantes. Il y a quelque chose de si profondément humain chez le cinéaste que c’en est presque désarmant. Il capture ce qu’il y a de plus douloureux dans ces destins brisés. Pourtant, il y a une réelle joie dans It’s a Sin. Un appétit pour la vie, pour l’amour, pour les rencontres. C’est grâce à cette dualité parfaitement maîtrisée que la série est un tel succès.

It’s a Sin raconte l’histoire d’une solitude autant que celle d’une communauté. Le portrait d’une jeunesse aux ailes coupées, pour qui la mort est devenue réalité bien trop vite. Alors que le poids de l’ignorance et la violence de l’exclusion s’immiscent dans leur quotidien, les personnages de Russel T Davies deviennent le symbole d’un combat pour la vie et contre le silence.

It’s a Sin – © Channel 4 2021

Des acteurs brillants

Ce qui rend ces personnages intéressants, c’est bien évidemment leurs imperfections. Ils sont humains. Chacun envisage le SIDA avec sa propre sensibilité et ses propres limites. Finalement, Russel T Davies se donne les moyens d’explorer le sujet en profondeur, et chaque personnage est nécessaire. Pour porter les histoires de Ritchie, Roscoe, Jill, Ash et Colin, il s’est entouré de jeunes acteurs au talent remarquable. Chacun se révèle dans un mélange de tension et douceur. À tour de rôle, ils crèvent l’écran avec une aisance déconcertante. Chose rare, ici même les seconds rôles sont mémorables – et travaillés en détails. On retrouve notamment Neil Patrick Harris (How I Met Your Mother), excellent dans le rôle d’un dandy bienveillant qui prend Colin sous son aile. On trouve aussi Keeley Hawes (Bodyguard), dont la performance est tout simplement remarquable, bien qu’il faille attendre le cinquième épisode pour mesurer l’ampleur de son talent.

Visuellement, la série est magnifique. Des superbes costumes aux décors travaillés dans le moindre détail, les années 1980 sont bien présentes, dans tout ce qu’elles ont eu de coloré et de gai. Tout fonctionne et participe à reconstituer l’euphorie d’une époque, dans laquelle le lourd poison de la maladie vient s’immiscer peu à peu.

Une série nécessaire

Le jour de sortie de la série, l’association caritative Terrence Higgins Trust a annoncé avoir reçu un nombre record de demandes de dépistage pour le SIDA. Alors que beaucoup de mythes et d’ignorance entourent encore le SIDA, It’s a Sin vient montrer à quel point il est vital de continuer à éduquer et à soutenir la recherche. En ravivant le dialogue autour d’une maladie qui paraît trop souvent appartenir au passé, Russel T Davies montre le pouvoir des images et de l’empathie. Son dernier né est une pépite, tout simplement. Avec une sensibilité et une humanité bouleversantes, il raconte ces instants qui changèrent à jamais l’histoire de la communauté LGBTQIA+, pour ne pas dire du monde.

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