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LUNDI SÉRIE – « Hilda » : Réveiller l’imaginaire, fusionner avec la nature

© Netflix

Deux fois par mois, la rédaction se dédie entièrement au « petit écran » et revient sur une série pour la partager avec vous. Toutes époques et toutes nationalités confondues, ce format pourra vous permettre de retrouver vos séries fétiches… ou de découvrir des pépites. Aujourd’hui, place à la série animée britannique, canadienne et américaine, Hilda

La série animée Hilda est l’adaptation de la bande-dessinée éponyme signée Luke Pearson (Adventure Time), qui a été publiée entre 2012 et 2020 par Casterman en France (et Norbrow Press en Angleterre). Diffusée en exclusivité sur Netflix en 2018 et 2020 la série, également signée Luke Pearson, présente 2 saisons de 13 épisodes, produites par Silvergate Media et Mercury Filmwork. 

Dans un univers rappelant les pays scandinaves de la fin du XXème siècle, Hilda vit avec sa mère et Twig, son renard-cerf de compagnie, dans une forêt reculée. Loin de l’agitation de la vie humaine, elle y côtoie une nature florissante et des créatures imaginaires, passant ses journées à explorer et à faire des rencontres. Cependant, une catastrophe détruisant leur maison les oblige à déménager dans la ville de Trollbourg. En premier lieu réticente, Hilda se rend rapidement compte du potentiel de la ville en termes d’aventures. Accompagnée de deux amis, Frida et David, elle continue sa recherche de communion avec la nature, quitte à s’opposer à la destruction caractéristique de celle-ci par l’Homme. 


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Un environnement apaisant 

La plume de Luke Pearson lui a déjà valu des récompenses. Il a ainsi reçu en 2013 le Prix Peng de la meilleure bande-dessinée européenne, et en 2014 les prix Max et Moritz ainsi que celui de la Pépite de la Bande dessinée du salon de Montreuil. Ses dessins, ainsi que les décors, tout en tons pastels, apaisent le regard et facilitent l’immersion. Que ce soient les couleurs ou les formes, les paysages enchantent et transportent au cœur de l’univers mi-réel mi-imaginaire d’Hilda. Les expressions, simples, des personnages contribuent à apporter une sensation de tranquillité, en ce qu’elles permettent une large palette d’interprétation par quelques traits.

Les créatures présentées, comme les trolls à qui l’on prête un rôle ambigu, ou encore les « wooffs », sortes de peluches volantes aux grands yeux, font partie d’un imaginaire qui met de bonne humeur. C’est comme un voyage de méditation, comme une séance de relaxation, qui est agréable à l’œil et à l’esprit : apprécié, en tant qu’adulte, pour sa diversité, adoré par l’âme d’enfant pour sa créativité. 

Plongée dans le folklore nordique

Tout au long de la série, des créatures et mythes inspirés par les pays scandinaves aident à bâtir l’histoire. Comme les trolls, les pires ennemis de la ville de Trollbourg. Le fondateur est connu pour être le « terrasseur de Trolls », qui sont très présents dans la littérature scandinave. Leur forme arrondie n’est pas sans rappeler les Moomins, ces trolls à forme d’hippopotame créés par la finlandaise Tove Jansson. Dans Hilda, ils ne vivent que dans l’obscurité des grottes ou bien la nuit. S’ils sont exposés à la lumière du soleil, ils se changent en pierre, jusqu’à la nuit tombée. Les manifestations de la nature, les géants des forêts, les esprits aquatiques, les éléments météorologiques nous plongent dans l’univers fantastique.

Ces attaches historiques fictives sont consolidées par des nuances plus réalistes. Ainsi Trollbourg est caractéristique d’une petite ville dont la famille du fondateur continue à gouverner de manière despotique.

De plus, divers clins d’œil symboliques irriguent l’histoire. Nous pouvons par exemple citer les rats, qui ont une fonction de « gardiens des secrets », ce qui n’est pas sans rappeler les diverses caractéristiques qu’on leur prête. Caché dans les égouts, constamment à l’affût, le rat est un animal malin, qui entend tout et sait tout. 


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D’autres créatures mythologiques sont également présentes au second plan. Les sorcières, notamment, jouent un rôle important dans la saison 2 de la série. Les elfes quant à eux, sont omniprésents, petite communauté invisible aux humains, qui voue dans cette fiction un amour incommensurable pour la paperasse. 

La série est donc un melting pot de différents contes, mythes, croyances de diverses cultures, aiguisant notre curiosité et piquant nos souvenirs d’enfance. 

Des protagonistes parlants et inspirants

L’une des principales difficultés de l’animation se trouve dans l’éloignement entre les personnages et les spectateurs. Tout d’abord par la forme dessinée qui permet moins de s’identifier aux personnages qu’une série mobilisant des acteurs réels. Mais également par les caractéristiques absurdes souvent prêtées aux personnages animés. Étant traditionnellement destinés aux enfants, les dessins animés ne se soucient pas forcément du réalisme. C’est un obstacle qui semble avoir été évité dans Hilda. De par ses décors et ses créatures fantastiques, le côté « absurde » est respecté, et laisse une place à des personnages bien plus réalistes.

Il y a évidemment Hilda, aventureuse et imprudente, et Frida, la bonne élève qui a pour habitude de tout réussir. Avec David, peureux mais désireux d’être de la partie, tous les personnages correspondent à un trait de caractère ou à une émotion. Ce contraste entre la réalité personnifiée et le contexte irréel permet au spectateur de se plonger dans l’histoire. Il s’accroche au personnage qui lui ressemble le plus et est facilement entraîné avec lui. Il est ancré à ce réalisme qui s’accorde au surréalisme. 


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Les personnages secondaires au cœur de l’action

Les personnages secondaires jouent aussi ce rôle d’ancrage. Johanna, la mère d’ Hilda, symbolise toute une communauté monoparentale. Elle élève Hilda seule (le père d’Hilda n’est jamais mentionné), et a un lien très fort avec elle. Le gardien de la ville, descendant du massacreur de trolls, illustre l’aveuglement des puissants vis-à-vis de la nature et du bien commun. Les créatures fantastiques ont aussi des personnalités affirmées et relativement humaines. On retrouve ainsi Katia, la bibliothécaire-sorcière en adolescente introvertie qui s’épanouit dans les livres. Ou bien encore Alfur, l’elfe bureaucrate, qui n’est rassuré qu’une fois un contrat écrit, établi, signé. 

Tous ces personnages forment une palette plutôt exhaustive des types de personnes que l’on rencontre au quotidien. Ils forment ainsi une communauté ordinaire dans un monde extraordinaire. Et nous permettent à nous, spectateurs, de nous évader en gardant des points de repère. 


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Des sujets sérieux, abordés avec simplicité

Il paraît impossible, aujourd’hui, de créer une histoire entièrement basée sur la nature et de ne pas aborder certains sujets d’actualités. Hilda le fait avec délicatesse et simplicité. La série joue sur l’éternelle dualité entre enfants pleins de bons sens et adultes aveuglés. Mais elle manifeste une certaine maturité de la part des jeunes héros. La question du respect de l’environnement, mais aussi celle de l’inclusion (avec l’exemple des trolls), et de la place de la nature dans nos vies sont abordées au cœur même de l’histoire.

Pearson met le décor, les personnages, et même la musique au service de combats cachés. Ceux-ci activent dans un petit coin de notre cerveau notre conscience humaine, sociale et écologique. Le principal bémol étant qu’il n’y a cependant pas de grandes réflexions argumentées. La série reste une animation, et se doit d’être abordable pour les plus jeunes. De plus, certains sujets sont également balayés ou faussement retranscrits, pour ajouter une note d’optimisme à l’histoire. Mais si l’on garde en tête la largeur d’âge du public d’Hilda, il apparaît évident que les sujets qui y sont traités le sont avec justesse et innocence. Avec des yeux d’enfants finalement. Rompant avec notre habitude de tout complexifier, ce qui a pour conséquence de nous faire perdre de vue l’objectif originel.

Avec toute la candeur et la pureté adéquates à de tels sujets, Hilda nous déconnecte de la vision « adulte » du monde en l’abordant avec un tout autre regard. Elle nous rappelle ainsi que l’âme d’enfant est essentielle. Même une fois passé l’âge de croire au Grand Méchant Troll. 

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