Une météorite débarque dans les parutions BD françaises de la maison d’édition Delcourt. La météorite de Hodges, roman graphique écrit par Fabien Roché, relate l’étrange aventure de cette ménagère américaine qui, en 1954, reçoit un éclat de météorite sur la hanche.
L’histoire débute à Sylacauga, petite ville d’Alabama, le 30 novembre 1954. A 12h45, les ondes électromagnétiques s’affolent, un objet tombe du ciel, troue le plafond de la maison des Hodges et se heurte au poste de radio avant de venir s’écraser sur Ann Hodges, couchée dans le canapé. L’album-enquête de Fabien Roché fait état de ce fait divers, très simple mais à peine croyable, et de toutes les intrications qui en découlent. Comment en un instant, ce 30 novembre 1954, un contact – entre Ann et la pierre, une décision – celle de se reposer sur le canapé – ont conduit à de tels changements dans la vie d’Ann Hodges. La BD s’ouvre sur cette étrange coïncidence, plutôt amusante : le cinéma drive-in au bout de la rue des Hodges s’appelle « La comète ».
Ann Hodges, la star des étoiles
Suite à cette chute d’objet extraterrestre, Ann Hodges devient célèbre et se retrouve exposée dans la presse et les plateaux télévisés. Elle finit par souffrir de cette attention qu’elle n’a pas demandée et des moqueries qui découlent d’une photo dans le journal où l’on voit la marque de la pierre sur sa hanche – fait impudique pour l’époque. Son mari, croyant pouvoir s’enrichir ainsi, réussit à la convaincre de se battre pour récupérer la pierre afin de la revendre. L’United Air Forces, qui avait récupéré la météorite, finit par leur rendre. La véritable bataille pour la pierre ne fait que commencer. La propriétaire de la maison revendique son droit à la posséder, puisque le toit qu’elle a traversé est, juridiquement, le sien. Un long procès finit par admettre la légitimité de Ann Hodges qui peut enfin retrouver la météorite.
Malheureusement, le temps a passé et l’engouement public n’est plus au rendez-vous. Les Hodges ne gagnent pas un dollar et n’ont même pas de quoi rembourser les frais de procédures ou la réparation du toit. M. Hodges finit même par utiliser cette précieuse pierre céleste comme cale-porte avant que sa femme ne l’offre au musée d’Histoire Naturelle d’Alabama. Finalement, la bataille juridique a fatigué le couple qui se sépare, M. Hodges reconnaissant par ailleurs que sa femme n’a plus jamais été la même depuis la chute de la météorite.
Il se remarie alors que Ann Hodges reste célibataire et décède à 52 ans suite à des problèmes de santé. Une nouvelle coïncidence vient clore cette histoire, bien moins amusante cette fois-ci. En 1972, ce sont des calculs rénaux – des pierres au niveau des reins – qui mettent un terme à la vie de celle qui a reçue une pierre, venue du ciel, près des reins, en 1954.
Des étoiles plein les yeux
La météorite de Hodges est un très bel objet, plus grand qu’une BD ordinaire. Fabien Roché, ancien graphiste, réutilise les codes artistiques de l’infographie tout en s’inspirant grandement de l’esthétique publicitaire américaine des années cinquante. Dans une ambiance bichrome de vert pâle et de noir, l’illustrateur invente un nouveau sépia pour voyager dans le temps. Plus moderne, cette nouvelle teinte nous parle aussi d’une époque révolue et cherche les détails d’un fait historique mystérieux.
Fabien Roché effectue un vrai travail de recherche documentaire et reproduit les pièces à conviction de l’affaire dans son ouvrage. Le lecteur peut y découvrir la pierre en taille réelle, les lettres des avocats ou les titres des articles de journaux relatant l’affaire. S’appuyant sur les informations des archives journalistiques, la BD couvre tout l’événement et fait voyager le lecteur en Alabama, dans les années 1950. C’est finalement ce mélange entre l’histoire individuelle, celle des Hodges ou de Billy Field qui voulut faite un film autour du fait divers, et la grande Histoire, qui fait la force de ce livre.
Observer la pierre sous tous les angles
Le parti-pris de Fabien Roché s’affirme dans la multiplication des angles d’approche du fait-divers. Tout d’abord, les points de vue narratifs étudiés sont nombreux : l’événement est regardé d’un point de vue personnel, historique, judiciaire, culturel, scientifique ou poétique. Les angles esthétiques varient également et le lecteur peut, par exemple, savoir ce qu’il se passe ailleurs au moment où la météorite s’écrase ou voir Ann Hodges par les multiples facettes des yeux d’une mouche. Pourtant, si l’exhaustivité de la BD est intéressante, elle apparaît aussi comme le principal défaut de l’ouvrage. En effet, l’anecdote historique est certes surprenante, mais ne semble parfois pas suffisamment riche pour donner matière à tout un récit. La BD, bien que très agréable à lire, connait quelques longueurs dues à cette répétition constante de l’évènement et de son déroulé chronologique.
Le professeur Nelson de l’Université de Tulane a calculé que les chances de mourir de l’impact d’une météorite, d’astéroïde, ou d’une comète sont de 1 sur 1 600 000. La probabilité d’être touché par une météorite serait si faible que l’on aurait plus de chance d’être frappé au même moment par une tornade, un coup de foudre et un ouragan. Pourtant, c’est ce qui arriva à Ann Hodges en 1954 sans que l’on puisse vraiment savoir si ce fut une chance – évènement incroyable auquel elle réchappa – ou une malchance.
La Météorite de Hodges par Fabien Roché, paru le 3 mars 2021 aux éditions Delcourt. 18,95€