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Avant la cérémonie des César, diffusée ce vendredi 12 mars 2021 par Canal + et présentée par Marina Foïs, retour sur les courts métrages nommés cette année.
Baltringue par Josza Anjembe
Quelques années après son premier court métrage, Le Bleu blanc rouge de mes cheveux (2016), la réalisatrice Josza Anjembe poursuit avec Baltringue. Le décor est une prison et Isaa (Alassane Diong) va bientôt pouvoir quitter ce lieu et retrouver sa liberté. Solitaire et victime d’insultes homophobes proférées par les autres détenus, il fait la connaissance d’un nouveau, Gaëtan (Yoann Zimmer), quelques jours avant la fin de sa détention.
La cinéaste filme la naissance des sentiments refoulés du jeune homme dans l’univers cruel et sombre du milieu carcéral. Parmi les difficultés de cet enfermement, Gaëtan apparait comme un élément perturbateur, à la fois différent et poétique aux yeux d’Issa. La caméra frôle au plus près les deux comédiens dans l’aridité des murs de cette prison. Alassane Diong avait été aperçu pour son rôle dans Un Beau voyou (2019) de Lucas Bernard et Yoann Zimmer s’était fait remarquer dans le merveilleux Rêves de jeunesse d’Alain Raoust puis dans Été 85 de François Ozon, et bientôt dans Des Hommes de Lucas Belvaux. Deux jeunes comédiens à suivre sans aucun doute, que Josza Anjembe a su saisir dans ce superbe film.
Diane Lestage
L’Aventure atomique de Loïc Barché
Algérie, 1961. Des soldats français sont envoyés jusqu’au point d’impact pour effectuer des prélèvements et mesurer la radioactivité après que des bombes atomiques aient été envoyées par la France. Pourtant, l’ambiance qui règne dans le film de Loïc Barché ne semble pas être celle des années 1960 en Algérie. Un souffle de western galactique enrobe la mise en scène dans ce désert qui pourrait être la découverte d’une planète éloignée. Or, il ne s’agit pas d’une aventure cosmique mais – comme nous l’indique le titre – bel et bien d’une aventure atomique réelle.
Les comédiens Swann Arlaud, Olivier Rabourdin et Matthieu Lucci (L’Atelier) sont à l’image de l’écriture, entre douceur et aridité. L’ Aventure atomique avait été présenté l’an passé au Festival de Clermont-Ferrand et a été récompensé du Prix du meilleur scénario en novembre au Festival Format Court.
Diane Lestage
Qu’importe si les bêtes meurent de Sofia Alaoui
Récemment primé du grand prix du jury au Festival Sundance, Qu’importe si les bêtes meurent, cinquième court métrage de la cinéaste franco-marocaine Sofia Alaoui était l’un de nos coups de cœur du Festival de Clermont. Dans les hauteurs de l’Atlas, Abdellah, jeune berger qui élève des bêtes avec son père fait face à une tempête de neige. Pour ne pas que les moutons périssent, il s’en va au village s’approvisionner en nourriture et découvre un village désert, frappé par un étrange évènement. Avec très peu de dialogues mais des paysages sublimes teintés de froid, Sofia Alaoui livre un film troublant de beauté proche de la science-fiction.
Pauline Pitrou
Je serai parmi les amandiers de Marie Le Floc’h
Quelque part en France, une famille syrienne vient d’accéder au statut de réfugié. L’héroïne travaille dans une poissonnerie industrielle et regarde au loin son mari, qui transporte des fruits de mer du matin au soir, dans la même usine. Maintenant que c’est possible, il souhaite divorcer. Marie Le Floc’h emprunte un chemin à rebours de l’imaginaire collectif : le périple ne se termine pas à l’arrivée en France. Ce film, porté par une actrice principale magistrale, donne à voir avec talent, le quotidien difficile de cette femme qui perd tout.
Emma Poesy
Je serai parmi les amandiers – Extrait (sous-titres français) from Hélicotronc on Vimeo.
Un Adieu de Mathilde Profit
Prendre son envol. Un père et sa fille roulent sur les routes françaises en direction de Paris. Mathilde Profit filme en toute simplicité ce dernier voyage avant que la jeune fille, interprétée par Luna Carpiaux, ne commence sa nouvelle vie d’étudiante. La chaleur de la fin d’été, l’effusion des rues parisiennes, l’arrivée dans ce premier studio, lieu d’accueil du nouveau départ loin du père (Satya Dusaugey), etc. La réalisatrice saisit parfaitement ces derniers instants partagés au plus près des deux personnages. Les silences s’installent naturellement entre les questionnements du personnage principal. Et c’est beau quand le cinéma est sobre et délicat.
Diane Lestage
UN ADIEU, de Mathilde Profit // Trailer from Apaches films on Vimeo.
La Tête dans les orties de Paul Cabon
Un petit garçon, depuis sa chambre, rêve qu’il chute. Deux camarades aux airs menaçants viennent le chercher devant chez lui. Ensemble, ils partent dans une jungle chaotique et grouillante, poétiquement représentée par une animation virtuose. Des créatures rodent, le garçon fuit et ses deux comparses lui tendent un piège : il est alors englouti par des créatures uniformes et grisâtres. Au risque, on le comprend, d’en devenir une lui-même. Paul Cabon réalise un film très poétique sur l’adolescence et les rites d’initiation qui la jalonnent.
Emma Poesy
LA TÊTE DANS LES ORTIES Bande-annonce // NETTLE HEAD trailer from Paul Cabon on Vimeo.
L’ Heure de l’ours d’Agnès Patron
Le court-métrage, multi-nominé par plusieurs festivals prestigieux (Cannes, Sundance) renouvelle le motif œdipien. Dans une esthétique sombre éclairée par la couleur des hautes herbes et des cheveux écarlates des deux protagonistes, une mère et son fils, le film conte l’arrachement. Leur étreinte, que l’on devine tendre, prend fin à l’arrivée d’un homme qui accapare toute l’attention de la femme. L’enfant, trahi, décide de se venger. Bientôt sonnera l’heure de l’ours. Le film d’Agnès Patron est à voir pour son esthétique singulière, qui incarne de manière presque dérangeante les colères de l’enfance.
Emma Poesy
L’Heure de l’Ours – Trailer from Sacrebleu Productions on Vimeo.
L’Odyssée de Choum de Julien Bisaro
L’Odyssée de Choum est le voyage d’une petite chouette tombée d’un nid avec un autre œuf de la même nichée. Ils s’élancent à travers leur monde à la recherche d’une maman. Déchirant, émouvant et coloré, ce court-métrage de Julien Bisaro est une vraie aventure parmi les animaux de la forêt, puis les humains où les petites chouettes vont tenter de trouver une famille pour les recueillir. Un film pour les grands et les petits qui ne laisse pas insensible.
Diane Lestage
Bach-Hông de Elsa Duhamel
Des dessins délicats aux tons jaunes portés par le vent et le récit. Bach-Hông est un superbe témoignage, celui de Jeanne qui est née et a grandi à Saïgon dans les années 1960. Enfant, elle vit entourée d’animaux et protégée de la guerre qui sévit au Vietnam opposant le Nord et le Sud du pays. La voix invoque les dessins. La petite Jeanne est fascinée par les chevaux et monte une superbe jument nommée Bach-Hông quand les communistes s’emparent de la ville. La fuite est alors inévitable vers la France, et pendant trente ans, elle arrêtera l’équitation. A la fois intime et historique, ce court métrage nous emporte complètement dans l’aventure du personnage.
Diane Lestage