MUSIQUE

Captations : l’avenir du concert est-il tout tracé ?

En 2020, la captation live a été notre seul moyen d’assister à des concerts . À mi-chemin entre spectacle vivant et clip, cette alternative dans l’ère du temps rencontre très vite des limites.  

Aujourd’hui le concert ne se limite plus aux salles sombres que nous connaissons tant. Il peut être partout : dans les studios de radios, entre des murs colorés, et quelques fois même dans nos rues tant traversées. On pense notamment aux premières captations de La Blogothèque dévoilant Mac DeMarco, guitare à la main, dans les rues de Paris ou même The DØ, faisant rêver les passants du Jardin d’acclimatation de la capitale. Un  concept de captation et de live intimistes qui ne date pas de cette année et sûrement pas  causé par la crise sanitaire.  

Malgré le déconfinement, les restrictions et mesures d’hygiène n’ont pas permis le retour de l’effervescence des concerts et festivals. Cependant certains shows ont réussi à être  maintenus, avec des places très limitées ainsi qu’une captation et une retransmission en direct. Automne 2020, certains organisateurs tentent de rassembler derrière les écrans, malgré le deuxième confinement. La fusion entre le web et le live musical n’a jamais été aussi forte. Mais quel est l’avenir pour la captation live ? Il est évident que de nouveaux enjeux et nouveaux liens se créent entre l’industrie musicale et celle de l’audiovisuel, qui pourraient bien influencer le futur des concerts et des festivals. 

Essayer de limiter la casse de 2020  

En 2020, le live et les captations de concerts ont été un été un moyen de maintenir les événements culturels, notamment les festivals. Pour notre plus grand bonheur, Arte  Concert Festival a réussi à maintenir sa cinquième édition en ligne, invitant des artistes  tels que Yelle, Ichon, Sebastien Tellier, dans les locaux de la Gaîté Lyrique.

En décembre 2020, les Trans Musicales rennaises se sont elles aussi réinventées en ligne. Et pourtant, pendant longtemps le festival a cru pouvoir accueillir son public. Dans un premier temps, les organisateurs ont pensé des alternatives avec des jauges limitées, puis des concerts assis pour le respect des règles d’hygiène et de sécurité. En période de couvre-feu, les organisateurs ont travaillé sur des concerts commençant à midi et se déroulant toute l’après midi. Petit à petit, la programmation a dû être retravaillée et la diversité qui fait la force du festival rennais, était moins représentative. À cause du contexte de crise sanitaire mondiale, certains artistes venant d’Afrique du sud, de Taiwan ou d’Indonésie ne pouvaient pas venir en France. « Même les groupes anglais ça paraissait compliqué car on leur imposait une quatorzaine pour leur retour sur le territoire anglais. Ça allait avoir un  impact énorme sur leur vie car les artistes anglais n’ont pas le droit à l’intermittence du  spectacle, donc la plupart ont un job à côté et ils ne peuvent pas se passer de 14 jours sans travailler. », explique Gwenola Le Bris, responsable média du festival.  

© Les Trans musicales

Le 22 octobre, suite à l’annonce d’un reconfinement sur le territoire français, l’équipe a dû annuler pour de bon la version physique de cette 42ème édition. Cependant, avec ou  sans captation, de nombreux médias voulaient dédier le week-end du 5 décembre aux  Trans, et ce même avec des anciennes captations d’anciennes éditions. Pour ne pas se  concentrer sur le passé, pour laisser le présent et le futur s’exprimer, les organisateurs ont fini par opter pour 4 jours de festival en ligne. Des captations sous le nom des « Trans s’invitent chez vous », sont réalisées entre la ville de Rennes et celle de Paris. 

Cette édition en ligne au retour très positif de la part des internautes, à la couverture  média intéressante, a donné lieu à une grande solidarité. « Sans oublier que les artistes  ont eu une grande visibilité. Ce n’est pas rien pour un petit artiste Rennais, Lillois ou  Marseillais de se retrouver sur CultureBox avec une expérience de captation, avec 5  caméras autour de lui.  »  

Louisahhh en live lors des Trans Musicales s’invitent chez vous

Faire vivre son festival à quel prix ?  

Trans Musicales, Arte Concert Festival, Festival le Bon Air… Un sourire se dessine  presque en pensant à ces festivals qui ont pu se réinventer en 2020, malgré la situation  sanitaire. Mais ils restent en minorité parmi tous les événements musicaux et festifs qui  n’ont pas pu se permettre de maintenir leurs éditions, même en ligne.  

360BELEK a fait partie de ces nombreux petits festivals et soirées qui n’ont pas pu se  réinventer. Ce festival initialement prévue le 10 octobre 2020, devait réunir 47meow, Martha Da’ro, jäde, eylia et Leo. Une première édition à la programmation jeune et avant-gardiste. Elisa Difallah et Mathias Bretau, les deux organisateurs, n’ont pas hésité à communiquer sur leur festival dès le mois d’août 2020, pensant être l’un des premiers événements à revoir le jour dans des conditions normales. S’ils ont longuement étudié toutes les possibilités pour faire vivre cette première édition, le projet est perdu d’avance : aucun concert ne pouvait avoir lieu au mois d’octobre.

Dans la flambée des nombreuses éditions de festivals virtuels, les deux organisateurs espèrent avoir eux aussi, le droit de maintenir 360BELEK, avec une édition en ligne. Mais comment se réorganiser ? Comment repenser l’organisation, la logistique, et la communication en si peu de temps, tout en prévoyant les possibles annonces du gouvernement ? « Notre structure porteuse du projet, ELIMA Production est une association à but non lucratif. Nous n’avions pas les  fonds nécessaires pour prétendre adopter le modèle d’édition en ligne et avons dû écarter cette possibilité  ».

Effectivement, les institutions et organisations culturelles n’ont pas les  mêmes moyens, les mêmes aides et subventions. Les festivals qui ont pu se réinventer et rebondir restent des organisations avec une position bien ancrée dans le champ culturel. Cela leur permet d’anticiper les rebondissements, contrairement aux plus petites initiatives culturelles. Au-delà de ces nombreux problèmes matériels et organisationnels, Elisa et Mathias ne regrettent rien : « Nous pensons qu’une première édition est sacrée. Nous avons travaillé durement pour lancer ce projet. Au final, un lancement virtuel n’était pas ce que nous avions imaginé.  » 

Le spectacle vivant n’est pas mort

« Ce soir, nous sommes presque deux  », chuchote le rappeur Ichon avec un regard caméra puissant et profond, lors de sa performance live pour Arte Concert Festival à la Gaîté Lyrique. Jouer avec la caméra c’est aussi jouer avec le spectateur. En différé,  certes, mais c’est une manière de maintenir le lien presque réel, presque vivant. Dans ces captations, de nouveaux détails autour de l’artiste prennent leur importance, comme un  moyen pour maintenir le spectateur éveillé et curieux. La scénographie, les lumières, la  manière de filmer…tout est calculé. Lors du Arte Concert Festival, on observe de nombreuses installations lumineuses au sol, des chandeliers illuminants les murs tapissés.

La chanteuse Christine and the Queens, elle, préfère jouer avec l’architecture même des endroits où elle chante. Le 5 novembre 2020, elle interprète son morceau Peope i’ve been sad dans la Chapelle des Beaux-Arts de Paris, pour la célèbre émission Late Show de James Corden. L’ambiance est intimiste, les couleurs tamisées, et de nombreux plans en contre-plongée nous font découvrir les immenses tableaux et sculptures.  

Capture d’écran du live Facebook de Christine and the Queens pour Late Show

C’est dans cette optique que l’agence Hello Lille invite le chanteur Voyou à performer  dans l’impressionnant musée de la piscine de Roubaix, le 10 décembre 2020. « L’idée de  départ est de se dire que le spectacle vivant n’est pas mort. Les lieux culturels sont  fermés et les artistes ne peuvent plus faire de concerts. Donc nous on s’est dit : Si on  faisait un concert dans un lieu culturel fermé ?  », explique François Navarro, directeur de l’agence Hello Lille, à la caméra du webzine lillois Vozer. Une manière de garder l’oeil du  spectateur attentif, de le laisser s’émerveiller par les décors tout en se laissant bercer par la voix de l’artiste.  

Les captations live nous ont aidé à traverser cette année de désert et de désir, elles nous ont permis, pendant quelques instants, de voir nos artistes préférés en concerts. Elles sont aussi un moyen de prendre possession de notre environnement, de jouer avec les lumières, les endroits, l’art et la poésie qui nous entoure au quotidien. (Re)découvrir des endroits ou nous donner envie de les découvrir. Les caméras captent un moment, un concert, des lumières, et tentent de retenir notre attention. Cependant pour la majorité, ces prises ne remplaceront jamais les concerts et ce qu’ils sont : des lieux de vie, de rencontre, et de partage. 

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