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« Une guerre mondiale contre les femmes » – Manifeste nécessaire

Crédit : © La Fabrique

Le titre en fera surement réagir plus d’un·e étant donné sa formulation frontale, mais celui-ci est pourtant bien nécessaire. Essayiste, universitaire et militante féministe, Silvia Federici livre, avec Une guerre mondiale contre les femmes un récit millimétré et juste, entre retours historiques et ancrage actuel.

Pouvoirs, ressources, violences. Dans cet ouvrage, Silvia Federici revient et reprend des éléments de l’un de ses premiers livres, Caliban et la sorcière – Femmes, corps et accumulation primitive, sorti en 2014. L’autrice partage donc le fruit des recherches qu’elle mène depuis les années 70 sur la place des femmes au cours de la transition opérée entre féodalisme et capitalisme. Réhabilitée en France par l’ouvrage de Mona Chollet, la figure de la sorcière est le pilier des maux qui viennent accabler les femmes depuis des siècles : des bûchers, aux gossips – discussions et rassemblements entre femmes – , en passant par la misogynie.

« Aucune « Journée de commémoration » n’a été introduite dans les calendriers d’Europe pour nous rappeler les massacres des sorcières. Au contraire, dans certains pays, leur exécution sur le bûcher est entrée dans la culture populaire, comme le montre la chanson (…) chantée chaque année aux feux de la Saint-Jean au Danemark. Pour cette raison, comme pour celles soulignées plus haut, on ne peut laisser l’histoire des sorcières ensevelie dans le silence, à moins de souhaiter que leur destin se répète, comme c’est déjà le cas dans de nombreuses régions du monde.  »

Silvia Federici – Une guerre mondiale contre les femmes (La Fabrique, 2021).

Silvia Federici insiste sur les tenants et les aboutissants du capitalisme qui ont mis à mal la place des femmes dans l’environnement passé, puis présent. Mais elle met également en lumière les systèmes de résistances et les solidarités féminines qui ont émergées face à ce mécanisme, entre l’Afrique, l’Asie ou l’Europe. Si la chronologie peut s’avérer frustrante car très écrasée – on passe ainsi rapidement du Moyen-Âge à nos jours entre la Partie I et la Partie II de l’ouvrage – la forme de ce livre est pourtant adaptée car elle permet de faire le focus sur un problème structurel. Un problème ancré historiquement et durablement dans nos sociétés induit par la domination masculine. Une guerre mondiale contre les femmes analyse cet héritage sensiblement compris et entendu, qui ne doit pourtant pas cessé d’être dénoncé.

Cet essai est essentiel car précis et plus accessible que Caliban et la sorcière. Sa forme, qui reprend différents articles et essais – résultant de recherches mais aussi de colloques – , permet une introduction et un passage en revue des enjeux chers à l’autrice. Il maintient néanmoins l’ambition de couvrir des enjeux globalisants. On y retrouve logiquement des éléments du Capitalisme patriarcal (La Fabrique, 2019) et de Par-delà les frontières du corps (Divergences, 2020). Ce qui en fait un point de départ bien amené et judicieux aux dynamiques qui mettent en mouvement le féminisme actuel.

Une guerre mondiale contre les femmes – Des chasses aux sorcières au féminicide, de Silvia Federici (traduit de l’anglais par Étienne Dobenesque), La Fabrique, 2021.

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