© Iliona / Tristesse
De la vidéo à la production, elle touche à tous les niveaux de la création d’une chanson. Avec Tristesse, Iliona signe un projet aux pièces éclectiques et joliment cohérentes, tenaillées qu’elles sont par le même spleen délicat et intemporel.
Comme passant un rideau de perles, la voix d’Iliona, 20 ans, accorde son timbre fragile à une collection de claviers tantôt classiques, tantôt texturés et rétro. Alors, se forme un bouquet de huit titres feutrés mais expressifs. Fidèle au noir et blanc de sa pochette, le disque décline des productions nostalgiques et vibrantes, tout en modernité. Par ses écrits empreints de regrets et de questionnements, Iliona explore en ce sens l’évocation d’un ailleurs. Celui qui aspire l’être aimé, la consistance de l’enfance, la pulsion de vie. Le tableau est empreint de profondeur, traversé d’énergies éparses. Il s’ouvre ainsi dans une course lumineuse sur Une autre vie, se prolonge de nuit, dehors comme dedans, pour s’achever à l’aube de doutes persistants sur l’avenir (Baguette magique). La tristesse, persistante au fil des heures, se fait alors acolyte inévitable que l’on ne peut que sublimer.
Inspirations plurielles
Successivement emprunt d’un lyrisme français traditionnel, d’électro, de pop brumeuse ou encore d’accents trap, Tristesse invite l’auditeur à pérégriner sans effort d’un format à l’autre. Celui-ci explore alors tour à tour différentes méditations tristes, impeccablement arrangées en sonorités rondes et rythmes mats. L’entêtant Reste illustre notamment cette démarche inspirée de goûts musicaux hétérogènes. Son efficacité repose sur une construction simple et efficace, à l’aide d’un orgue profond, d’une basse ondulante et d’un texte joliment souligné d’autotune. En contribuant à resserrer les liens entres sonorités hip-hop et variété, l’artiste semble faire écho aux tentatives réussies du non moins nostalgique Julian Casablancas pour associer voix robotique et héritage rock avec The Voidz. Les ponts ainsi créés sont quant à eux établis sur une approche mélodique efficace, garantie de proximité avec l’auditeur, qu’on a hâte de voir réinventée sur les chansons à venir.
Mots graciles, mots épars
Tout au long des autres chansons, la voix d’Iliona s’invite comme un vague à l’âme confidentiel, dont on présume une puissance singulière au cours de Moins Joli. Toutes les couleurs de ses failles se déploient dès lors sur des sensibilités multiples : sur le rythme de Rattrape-moi battant comme la pluie, au creux de l’intimité des Tulipes, ou pour clôre l’EP dans un élan de détresse sur Baguette magique. Parfois aussi, la voix chantée se tait, et laisse place à une palette vaporeuse de nuances foncées, amères, comme les implacables pétales électriques d’une Marguerite noire. Porteur à la fois d’un romantisme revendiqué et d’une forme de dépouillement réjouissants, l’EP s’invite alors comme une rêverie réparatrice. La précaire cohérence des relations humaines décrite au fil de ces huit titres exerce un pouvoir cathartique sur nos fors intérieurs : Iliona nous accompagne ici jusque dans nos relations les plus intimes avec une grande douceur.
Pour retrouver notre interview avec Iliona à l’occasion de son EP Tristesse.