Le 26 janvier, Giuseppe Conte a présenté sa démission au président italien. Cet aveu d’échec est l’arbre qui cache la forêt, à l’heure où l’Italie traverse une grave crise mêlant politique, santé publique et économie.
La crise sanitaire a gravement touché l’Italie dans les premiers mois de 2020. Plusieurs pays ont ainsi dû adopter des mécanismes d’urgence pour gérer le fléau auquel nous faisions face. Parmi ces mécanismes, l’état d’urgence, et autres pouvoirs spéciaux selon l’appellation attribuée par chaque pays, ont fait grand bruit.
Quand l’Italie se stabilisa enfin
Les jeux de pouvoirs allaient bon train dans la botte de l’Europe jusqu’à une certaine stabilisation. Le 5 septembre 2019, le président du Conseil, Giuseppe Conte, a formé le gouvernement Conte II avec plusieurs partis. Ils formaient une coalition majoritaire à la Chambre et au Sénat.
Quelques mois plus tard pourtant, le Covid-19 s’abat sur l’Italie. Le premier ministre décide, de façon inédite alors, de confiner entièrement le pays. « Les citoyen.ne.s italien.ne.s ont très bien réagi à cette décision de confinement car ils comprenaient la gravité de la situation et la nécessité de la gérer efficacement » nous explique Emilio, employé dans une grande entreprise en Italie.
Dans le même temps, le gouvernement Conte prend les choses en main. Il organise le plan de sauvetage sanitaire du pays sans réellement passer par l’approbation du parlement. Une concentration de pouvoir qui passe mal, tant pour les fervents défenseurs de la démocratie qu’auprès des adeptes de la transparence politique.
Covid-19 et démocratie au placard
À crise exceptionnelle, pouvoirs exceptionnels. Mais celle-ci s’est éternisée, et comme dans beaucoup de pays d’Europe actuellement, la remise en cause de ces pouvoirs spéciaux exorbitants gronde dans la population.
Emilio déplore à ce sujet le manque de préparation du gouvernement Conte face à la seconde vague. « C’est comme s’ils n’avaient rien appris du premier coup de tonnerre de février ! » Après plusieurs mois de collaboration des différents partis de la coalition Conte, certaines voix ont commencé à critiquer la gestion de la crise et le vide démocratique qu’elle a laissé derrière elle. L’un des critiques les plus virulents, c’est Matteo Renzi, ancien premier ministre italien et actuel sénateur, président du micro-parti Italia Viva.
« Nous ne permettrons à personne d’avoir les pleins pouvoirs. Cela veut dire que l’habitude de gouverner avec des décrets-lois qui se transforment en autres décrets-lois […] représente pour nous une atteinte aux règles du jeu. Nous demandons le respect des règles démocratiques. »
Matteo Renzi, traduit par l’AFP
L’équilibre en apparence pérenne du gouvernement Conte II s’est effondré. En janvier 2021, Matteo Renzi a lancé un ultimatum au premier ministre : soit la démocratie reprend ses droits, soit les sénateurs de Italia Viva, ainsi que les deux ministres membres dudit parti, choisissent la méfiance et se désolidarisent de la coalition gouvernementale.
Décision qui passe mal auprès du grand public, de la coalition et des médias. « Tout le monde s’accorde pour blâmer Renzi et sa volonté d’avoir une crise politique ouverte dans l’une des années les plus compliquée pour le pays. On a l’impression que la seule motivation de Renzi était de gagner plus de pouvoir, pas de protéger la démocratie » confie d’ailleurs Emilio.
Quitter le navire et entraîner sa dérive
Giuseppe Conte n’a pas répondu adéquatement aux demandes d’Italia Viva. Il a justifié ses actes par le caractère urgent et les vies à sauver dans cette pandémie. C’en fut trop pour Renzi ; les ministres Teresa Bellanova et Elena Bonetti, membres de Italia Viva, ont présenté leur démission. Ils entraînent dans leur départ la chute du gouvernement Conte II.
Bien plus qu’une énième guerre politique, cette démission pose des questions de fond qui concernent actuellement toute l’Europe. Le parti de Matteo Renzi, étiqueté à gauche, a posé la question de la légitimité des décisions que les gouvernements prennent depuis bientôt un an pour endiguer la pandémie.
En France, Emmanuel Macron fait le pari de la « prise de risque » comme le rapportait le JDD, afin de ne pas confiner. En Belgique, la situation stagne et l’opposition organise de plus en plus le monde d’après et l’assise démocratique sur laquelle se basera le pays après la pandémie. Au Royaume-Uni, 2021 a commencé par un confinement strict d’au moins trois mois afin de se protéger du « variant britannique. »
Bien d’autres pays, européens ou non, tentent de naviguer dans ces courants troubles et agités. La santé publique prime dans l’esprit de certains. La crainte d’usurper définitivement le pouvoir aux élus représentants du peuple plane dans l’esprit des autres.
Les débats font rage entre les citoyens : doit-on créer l’unité nationale et soutenir les gouvernements afin d’en finir avec le Covid-19 ? Ou doit-on, au contraire, maintenir une opposition, symbole démocratique de débat parlementaire, sans laquelle le monde post-covid ne pourra être imaginé ?
La question brûle les lèvres de tous les observateurs, et des habitants du monde entier. L’exemple italien, caractérisé par la chute d’un gouvernement jugé autoritaire par ses propres ministres, et sa gestion de la crise sanitaire donneront peut-être une inspiration à d’autres partis, dans d’autres pays.
Une chose est certaine, la population italienne s’accorde à dire que l’Italie et toute l’Union européenne devront se servir de cette crise comme d’un tremplin pour refinancer les services publics, la justice et la fiscalité des moyens revenus.