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Festival du Court Métrage de Clermont-Ferrand 2021, compétition nationale – Grandir, lutter, mourir

Le départ Saïd Hamich

©Le Départ/ Saïd Hamich

Alors que le 43e Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand tirait son rideau le 6 février dernier, retour sur cette édition inédite qui se déroulait cette année, intégralement en ligne. Coup de projecteurs sur la compétition nationale profondément marquée par les questions d’injustices sociales et de jeunesses en quête de sens.

Cette année, pas de salles velours obscures et d’amphithéâtres bondés, ni de longues files d’attente à braver sous le froid de l’hiver mais une édition home sweet home blotti-e dans sa couette. Après avoir parcouru du coin de l’oeil la riche programmation de courts métrages, s’élance alors un marathon confiné où les films s’enchaînent, nous bouleversent, nous déçoivent parfois ou nous questionnent. Pour ce 43e volet, l’atmosphère y est dans l’ensemble plutôt sombre traversée par quelques grands élans poétiques ou absurdes. Une compétition nationale qui dépeint des portraits d’une jeunesse avide d’amour qui s’invente et se réinvente, en perpétuel questionnement. Mais aussi des récits fictionnels et documentaires alarmants sur la violence sociale du monde du travail en France. Panorama des films coups de coeur de la sélection nationale.

Fragments de l’âge tendre

Qui dit court-métrage dit jeunes réalisateur-ice-s, et comme souvent à Clermont, la programmation fait la part belle à la jeunesse dans les sujets abordés. Tantôt léger, tantôt grave, les films présentés questionnent le bel âge, dépeignent la perte de l’innocence, les premiers émois. On se souvient de sa jeunesse dans Jeunesse Perdue, documentaire quasi-expérimental de François Zabaleta réalisé à l’aide d’archives personnels pendant un voyage étudiant à San Francisco dans les années 70. Essai nostalgique et poétique à l’image granuleuse, le réalisateur nous narre ses vingt-ans en voix-off, ses grands rêves et ses désillusions. Dans Les Mauvais Garçons, belle surprise du festival signé Elie Girard, c’est une bande copains trentenaires que nous suivons dans leurs déboires sentimentaux, une histoire de nuits et d’amitiés masculines. Loin des clichés virils, le réalisateur nous dépeint des hommes sensibles, paumés qui tentent tant bien que mal de grandir dans la pénombre de leur vie. Coup de coeur de la programmation pour Le Départ, court franco-marocain de Saïd Hamich à l’image chaude et nocturne où l’on suit l’exil d’un petit garçon vers la France. Un film sur une jeunesse qui s’envole trop vite, la perte d’un pays et le départ vers l’inconnu qui ne nous a pas laissé indemne.

Dans la sélection, un courts animé a attiré notre attention : Souvenir Souvenir de Bastien Dubois, primé Meilleur Film d’Animation SACD, où le jeune réalisateur tente de questionner son grand père sur sa jeunesse au front à la Guerre d’Algérie, en vain. Un film à mi-chemin entre fiction et documentaire réalisé en 2D, 3D et à la peinture qui aborde les questions de mémoires et les traumatismes et les silences provoqués par la guerre. On découvre aussi une jeunesse rongée par l’angoisse et confinée dans la fiction documentaire Nightwalk du franco-italien Adriano Valerio (lauréat du prix Canal+ ), chronique poétique et névrosée réalisée à l’aide de photos argentiques et d’ambiances sonores prises lors d’un voyage à Shanghai en pleine épidémie.

Miroir social

Un deuxième sujet se démarque au sein de la programmation nationale, celui de la précarité et des violences dans le monde du travail. Un thème tristement d’actualité qui se creuse d’autant plus avec la crise sanitaire. Côté fiction, Red Star de Yohan Manca dépeint le parcours social tumultueux d’un entraîneur de foot bénévole qui apprend qu’il ne touchera plus son revenu de solidarité active. Portrait social réaliste d’un homme emmêlé dans les noeuds d’une administration chaotique qui se bat, ce court-métrage au destin tragique s’inspire d’une histoire vraie. Dans la même veine, L’ Effort Commercial de la franco-suisse Sarah Arnold, nous plonge dans le décor aseptisé et robotique des supermarchés. Un court-métrage choc, lui aussi inspiré d’une histoire vraie, pour dénoncer la violence du travail et les conditions des caissièr-e-s dans le monde d’aujourd’hui.

L’effort commercial – Réal : Sarah Arnold – Sensito Films / 5 à7 FILMS

Côté documentaire, le court de Julien Goudichaud Confinés Dehors qui donne la parole à des sans-abris et des travailleuses du sexe contraint-es de vivre le confinement dans la rue. Un sujet peu abordé et pourtant nécessaire filmé avec brio sans misérabilisme qui remporte le prix du jury.

Une sélection 2021 grave et sombre dans son ensemble qui nous laisse pourtant entrevoir des cinéastes lumineux dans le cinéma français. Mention spéciale aux deux courts-métrage qui ont remporté les prix de nos coeurs à savoir T’es Morte, Hélène de Michiel Blanchart et OURSE de Nicolas Birkenstock, deux films de genre d’étonnants qui traitent le sujet du deuil avec poésie et fantaisie.

T’es Morte, Hélène de Michiel Blanchart –  Canal+, Daylight Films, Formosa

Pour découvrir le palmarès officiel du Festival de Clermont-Ferrand, rendez-vous ici.

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