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(Re)Voir – « Une Valse dans les allées » : Danse mécanique

Une valse dans les allées

© KMBO Films

Distingué lors de la Berlinale 2018, Une Valse dans les allées est une chronique romantique, douce-amère et optimiste sur le monde du travail. Pour son premier long-métrage, le réalisateur allemand Thomas Stuber parvient à ponctuer un quotidien d’apparence routinier par de nombreuses parenthèses poétiques.

Aux premiers abords, l’ambiance qui se dégage d’un entrepôt de supermarché pourrait paraître terne, sombre, voire glaciale. Le va-et-vient de chariots élévateurs et autres engins régit la moindre animation. Une Valse dans les allées, disponible sur Arte.tv jusqu’au 10 février, décrit tout l’inverse. Christian, réservé et un peu maladroit, est embauché en période d’essai comme employé de supermarché en Allemagne de l’ouest. Sa vision du métier change lorsque, au détour du rayon confiserie, il croise Marion, employée confirmée, avec laquelle va naître une délicate romance.

Le ton est donné dès la scène d’ouverture. Alors que le hangar de grande distribution est décortiqué sous toutes ses formes, Le Beau Danube Bleu de Johan Strauss transforme le lieu en piste de danse. Les machines, faisant des dédales dans ce gigantesque labyrinthe, s’humanisent et forment une chorégraphie rigoureusement millimétrée.

Une valse à trois temps

Inspiré d’une nouvelle de Clemens Meyer parue en 2008, Une Valse dans les allées s’éloigne du métro-boulot-dodo stéréotypé. La routine, certes prépondérante dans le métier, est utilisée à bon escient, évitant de fait les répétitions. L’histoire est découpée en trois chapitres, comme les trois composantes d’une valse à trois temps. Elle évoque successivement Christian – incarné par Franz Rogowski, qui a récemment brillé dans Ondine –, Marion (Sandra Hüller), et Bruno (Peter Kurth), salarié nostalgique de la RDA, qui prend Christian sous son aile. La volonté de réussir pour l’apprenti et l’ambiance bon enfant au travail cachent pourtant chez les trois protagonistes une triste solitude. Cet isolement apporte une touche de mélancolie politique au long-métrage, où la poésie et la résilience agissent comme outils revendicatifs, à la manière d’Aki Kaurismäki.

Une valse dans les allées
© KMBO Films

«  T’as du mal parce que tu l’as dans la peau  », chuchote un jour Marion à Christian. Ce mal qui le ronge, il s’en libère en dehors des horaires de travail. La voix off du personnage principal y extériorise les pensées qui lui viennent, tel un exutoire. Dans un espace de travail où les conditions restent austères, le mal-être, partagé par Marion, dépressive, et Bruno, amer de la réunification de l’Allemagne, se dévoile lentement. La découverte progressive de l’autre, principalement entre Marion et Christian, amène le spectateur à suivre avec grande attention les relations des deux protagonistes pendant près de deux heures. Et ce, sans la moindre lassitude.

Thomas Stuber saisit à merveille l’environnement de l’entrepôt, en jouant sur les lignes et points de fuite. Il laisse ainsi le spectateur contemplatif face à l’immensité du lieu. De longs travellings y donnent du mouvement, en guise de répétition générale avant un bal viennois. Un film doux, affectif et sensible, qui donne à voir une certaine routine, mais pour sûr, moins machinale que par les temps qui courent.

Disponible sur Arte.tv jusqu’au 10 février.

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