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« Ordesa » – Frustrante recherche

©ArteFrance
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Ordesa est un film interactif, qui embarque le spectateur sur les traces du passé trouble d’une famille perdue dans la campagne française.

Une maison presque à l’abandon en pleine nature. Un homme silencieux dans une maison bruyante. C’est le cadre dans lequel se déroule Ordesa, coproduction dArte France et de Cinétévé Expérience écrite par Nicolas Peufaillit, scénariste du film de Jacques Audiard, Un Prophète et de la série originale Canal+, Les Revenants. Réalisé par Nicolas Pelloille-Oudart et interprété par Mélissa Guers et Carl Brandt, Ordesa est un huit-clos oscillant entre cinéma et jeu vidéo interactif.

À la recherche de l’oublié

L’histoire est simple, Lise, une adolescente mal dans sa peau, revient dans la maison familiale où son père vit seul depuis la disparition mystérieuse de sa mère deux ans auparavant. Son retour n’a qu’un seul but, elle veut annoncer à son père son départ prochain pour l’étranger. Ayant arrêté ses études, perturbée depuis la disparition de sa mère, elle n’arrive plus à supporter son quotidien tranquille. Son père quant à lui, fait espérer un retour à la normale et ne quitte pas cette maison qui symbolise pourtant leur passé à jamais perdu. N’étant pas revenue chez elle depuis la disparition, la maison lugubre qui se délite peu à peu, lui rappelle à chaque minute les non-dits qui pèsent sur leur histoire. Irritée et agressive envers un père qu’elle porte pour responsable, le film n’est pas seulement l’histoire de la recherche de la vérité pour Lise, mais aussi celle des retrouvailles et de la reconnexion entre un père et une fille.

Le but du spectateur est d’accompagner la jeune femme vers la découverte des événements tragiques de son passé et d’enfin lui permettre de se libérer de la colère qui l’inonde. Dans cette grande maison parcourue de bruits et de présences étranges, on retourne, pas à pas, sur les traces de sa mère dont l’absence est si bruyante dans cette maison vide. L’aventure nous propose de briser le quatrième mur pour devenir un personnage du film à part entière. Proposition intéressante en effet car nous jonglons entre la vision de Lise et celle de la présence, déclenchant le mouvement d’objets et des phénomènes paranormaux par les balancements choisis de l’écran du smartphone. C’est de nos choix que découlent l’avancée des souvenirs de Lise. C’est par le regard que l’on guide le personnage vers les différents coins des dizaines de pièces qui constituent la maison, et dans lesquels les souvenirs du traumatisme reviennent au fur et à mesure que l’histoire avance. Le spectateur est invité à tenir son téléphone dans les mains et à l’orienter de droite à gauche pour diriger le regard de la caméra subjective. Ce sont par ces orientations que l’on se dirige dans l’espace du manoir et que l’on porte notre attention sur les différents objets qui tous à leur manière parlent du passé.

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Une recherche intéressante pour un contenu vite redondant

L’expérience d’utilisateur dOrdesa n’est pas optimale. On ressent pourtant un vrai travail de production sur le son et l’image. C’est par l’intensification des bruits, de la musique originale, bien choisie par ailleurs, que l’on sait où se diriger, où poursuivre la piste. C’est de la même manière, par les variations de netteté de l’image, les accélérations et les flous que l’on comprend ce qui habite cette maison. Mais in fine, en tant que spectateur, la seule chose que l’on nous propose est de basculer notre écran de droite à gauche ou de gauche à droite pour tourner la tête. Il n’y a pas vraiment de prise d’actions dans l’histoire, d’implication réelle, de réponses à faire, de chemins à prendre ou à éviter. Tout nous est donné avec un peu trop d’évidence. On se sent malheureusement, beaucoup plus spectateur qu’acteur de l’histoire.

L’histoire quant à elle, est un peu décevante. Une jeune femme avec un lourd passé oublié, les films d’épouvantes et de suspense commencent tous plus ou moins par des histoires similaires. Ce qui fait que l’un attrape notre attention et l’autre pas, c’est la manière dont un sujet milles fois traités est proposé par un regard neuf. Alors que l’action de va-et-vient de l’écran devient rapidement redondante, on souhaiterait que l’histoire nous tienne plus en haleine. Seulement, le personnage d’adolescente en souffrance perdu dans des vêtements informes n’est pas suffisamment creusé pour que l’on nourrisse envers elle une réelle empathie. Le personnage du père fonctionne, quant à lui beaucoup mieux, dans sa retenue tranquille et bouleversé.

Ordesa est à retrouver sur Arte.tv et sur Androïd, IOS et Apple TV. Fermez vos fenêtres et enfoncez bien votre casque sur vos oreilles pour une expérience plus totale. Les amateurs de contes frissonnant seront tout de même satisfaits en cette saison de citrouilles et de sorcières.

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