Toutes les deux semaines, les journalistes de Maze vous proposent un tour d’horizon des albums et EP qui ont fait l’actualité musicale.
Joji – Nectar
Attendue pour le 12 juin 2020 puis retardée à cause de la pandémie de COVID-19, Nectar, la nouvelle pépite de Joji est enfin sortie ce 25 septembre. Une fois de plus, ce dernier nous démontre que la frontière est fine entre le Youtubeur acerbe et l’artiste accompli. En 2018, la réalisation de Ballads 1 ne révélait que partiellement l’identité musicale de Joji et l’emmenait déjà bien au-delà des plates-bandes d’internet. Deux ans plus tard, Nectar apparaît comme étant la deuxième étape d’un voyage artistique, une évolution logique et pourtant très différente. Cet album herculéen de 18 titres est un véritable effort de nuances, de mélodies, d’influences, entre RnB, Trap et Indie-Pop alternative. Sur ce projet, l’artiste de 28 ans s’offre de gros featurings, entre autres : Diplo sur le hit Daylight, Lil Yatchy avec Pretty Boy, Rei Brown sur Normal People ou encore le titre Afterthought avec la prometteuse BENEE. Mention spéciale au morceau introductif de l’album, Ew, véritable mini-expérience musicale pouvant totalement se suffire à elle-même. A la fois intrigante et désenchantée, la sonorité de Ew est magnifiée par une incroyable envolée instrumentale finale. Mariage d’inspirations, flows planants, mélancolies tardives… Nectar constitue un univers gracieusement captivant.
Sortie le 25 septembre
Coups de cœur : MODUS, Ew, Afterthought
Inès Zeghloul
Sufjan Stevens – The Ascension
Depuis quelques années, on se demande si Sufjan Stevens reste toujours capable de produire des disques aussi important que The Age of ADZ et Carrie & Lowell. La percée électronique s’est accentuée, délaissant quelque peu la folk dans The Ascension, l’artiste propose quinze titres sous la figure imposante de l’Amérique. Si l’ouverture de l’album peut nous rassurer, les titres qui constituent le cœur de l’œuvre n’arrivent pas à joindre les questions existentielles et la lecture politique. L’album est beaucoup trop long et prend le risque de diminuer la réussite de titres comme Run Away With Me et America. La mélancolie et l’angoisse de Sufjan Stevens contaminent le disque et son contrôle total sur la production amène une certaine lassitude, liée là aussi à la durée excessive du disque. Reste à l’artiste la puissance de définir les canons esthétiques d’une époque, pour le meilleur comme pour le pire.
Sortie le 25 septembre
Coups de cœur : America
Clément Simon
La Fève, Kosey – KOLAF
La Fève, talentueux rappeur originaire de Fontenay-sous-Bois ouvre la page d’un nouveau chapitre après nous avoir dévoilé son triptyque Nocturnes, disponible sur Souncloud. C’est avec Kosei, rappeur et beatmaker, auteur de la production de leur EP collaboratif KOLAF que La Fève s’unit pour former une alchimie naissante autour d’instrumentales aux accents américains. La Fève fait vibrer sa voix singulière qui vacille entre des flows légers et d’autres plus percutants, exaltée par une atmosphère où les basses nous bousculent et obscurcissent la salle. Le « jeune et sournois » LAF ouvre les portes sur son monde intérieur brumeux et pluvieux où il réussit à s’abriter sous sa capuche d’acharné. Les deux artistes livrent un projet de neuf morceaux électriques qui renferme un temps noirci, brillamment illustré par une pochette à l’image des deux démoniaques réalisée par Pablo Prada.
Sortie le 25 septembre
Coups de cœur : Alchimie, Belle Somme
Isaac Daim
Mangabey – Illusion (EP)
Dernier arrivé du label, Mangabey brouille les pistes en transcendant les genres musicaux. Tiraillé entre un amour débordant des musiques afro-américaines et de la house, il condense ici une palette en Technicolor de sonorités effervescentes. Une partition dansante à souhait qui invite plus que jamais à la fête et à la célébration. En six titres l’artiste José Fehner nous fait traverser les époques, de la funk, au disco, en passant pas l’éclectisme électronique des 90’s. Une totalité superbe qui s’écoute comme un seul et même flot, à consommer sans modération en live (on attend que ça).
Sortie le 30 septembre
Coups de cœur : No Misery
Caroline Fauvel
Bullion – Heaven Is Over (EP)
On ne présente plus vraiment Bullion, producteur et compositeur génial derrière bon nombre de collaborations. Westerman, Myd, Django Django ou encore Liss : l’artiste s’est progressivement fait une place au sein de la scène alternative où il invente, réinvente, recompose les sons avec une finesse sans pareille. C’est ce qu’il produit également dans son EP, Heaven is over, une composition brève mais intense qui fait la part belle aux sonorités analogiques, comme sur le titre Yawn. Sous son égide la musique devient une matière électro-pop malléable, en mouvement, souvent portée par sa voix discrète mais percutante de justesse.
Sortie le 25 septembre
Coups de cœur : Loving Furlong
Caroline Fauvel
$afia Bahmed-Schwartz – PASSÉ/ PRÉSENT/ FUTUR (Anthologie)
Des serpents bleus dans les cheveux, un espace temps brouillé, une artiste sur tous les fronts (arts plastiques, tatouages, musique) qui nous chuchote ses colères à l’oreille. Après huit ans d’expérimentations musicales et notamment quatre EP portant chacun le nom d’une saison, la femme à la peau bleue $afia Bahmed-Schwartz dévoile PASSÉ/ PRÉSENT/ FUTUR, anthologie riche de quatorze titres où l’on croise des morceaux nouveaux et d’autres déjà bien connus des amateur-ices de l’artiste. Un recueil fait de murmures assourdissants et de fracas qui ose dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. A la manière d’un serpent, $afia récite sa vie (Safiari), celles des autres (Fracasse, CyberSylver), déverse ses révoltes et celles d’une société qui s’effrite doucement. Littéralement inclassable, la musique de $afia Bahmed-Schwartz obsède et oscille entre rage furieuse et sensualité étrange. Terriblement encré dans son époque, le liquide bleu noir que l’artiste insuffle dans nos veines se fait miroir d’un monde inondé par l’injustice, noyé dans le désir mais avide de liberté qui veut se faire entendre et ne plus jamais se taire. Un trip turquoise qui invite à la sororité et casse les barrières à coups de mots forts et crus pour rebâtir la vie, en mieux.
Sortie le 25 septembre
Coups de cœur : CyberSilver, Fracasse, Safiari
Pauline Pitrou
Lësterr – Summer Woe (EP)
Quelques mois après son mini EP The World Sucks, le sad boy du label parisien Bordel Lësterr revient noircir les murs de nos chambres et raviver des sombres souvenirs d’adolescence avec un EP de reprises emo à souhait. La bande son d’un été malheureux (Summer Wow) composé de quatre titres des années 2000 où l’on retrouve notamment le tube Porque Te Vas de Jeannette, un morceau méconnu du groupe Kyo (Ce Soir) ou encore la balade Lonely Day de System Of The Down. Des titres que le jeune producteur teinte d’une nostalgie autotunée aux influences gabber qui nous plongent dans les méandres d’une adolescence tourmentée et romantique. Un EP à la mélancolie noire gothique qui nous prouve qu’on peut faire des merveilles avec le kitsch et que le malheur a finalement de bons côtés.
Sortie le 25 septembre
Coups de cœur : Lonely Day, Ce soir
Pauline Pitrou
Holden Day – Just Words / Ten Years (double single)
Le musicien californien Timothy Andrew alias Holden Days sort un nouveau single à l’écriture subtile et élégante en association avec les labels Blurescent et Fantail Records. S’il y a un fil conducteur entre les deux titres « Just Words » et « Ten Year » c’est bien un sens aiguisé de l’amitié et la reconnaissance des blessures d’un passé sentimental tumultueux. La composition de « Just Words » repose sur la guitare acoustique aux cordes de nylon et confère au titre une atmosphère intimiste et rêveuse. Le second titre « Ten Years » nous emmène un peu plus loin encore dans la nostalgie, les erreurs commises, les questionnements et les regrets. L’écriture de cette chanson résonne telle une renaissance salvatrice d’une identité perdue, d’un visage oublié dans le reflet dissimulé par la brume d’un temps révolu. Holden Days nous raconte avec une grande clarté les sentiments profonds et intimes que revêtent sa souffrance et sa sensibilité exacerbées.
Sortie le 2 octobre
Marin Esteban