Crédits : Editions La Fabrique
Paru aux éditions La Fabrique, Le roman de la politique est un ouvrage qui revisite le militantisme de Mai 68, ses idéologies et ses ambitions, au travers du mouvement des maos, groupuscule mal connu. Son autrice, Natacha Michel, revient sur ses années militantes aux côtés d’Alain Badiou et Sylvain Lazarus.
Analogie avec la situation économique française durant le confinement, comparaison avec la révolte libanaise ou celle des Gilets Jaunes… Plus de cinquante ans après sa fin, le mouvement de Mai 68 continue de faire parler de lui et de faire office de mètre-étalon de nos révoltes sociales. L’autrice du Roman de la politique esquisse avec ce récit autobiographique le portrait d’une époque marquée au fer rouge par la politique, ou comment partir du « je » pour montrer le « nous ».
Ce livre est signé par Natacha Michel, militante et agrégée de philosophie, cofondatrice dans les années 70 de l’union des communistes de France marxistes-léninistes (UCFml) aux côtés du philosophe Alain Badiou et de l’anthropologue Sylvain Lazarus.
Le roman de la politique revient sur les idées et actions du mouvement des Maos (UCFml) aux abords et après Mai 68. Ce mouvement, volontairement séparatiste de la très célèbre Gauche Prolétarienne menée notamment par Robert Linhart, est et restera largement méconnu du grand public. Natacha Michel revient sur son goût de la politique, de la résistance, sur ses liens avec Badiou et Lazarus et sur la diversité des mouvements militants, dont l’UCFml qu’ils cofonderont ensemble. Elle fait état de pas moins de quarante années de militantisme, de débats et de valeurs qui tantôt soudent tantôt divisent ces trois penseurs qui se sont unis pour la vie. Divisé en chapitres thématiques, le livre revient sur divers moments de la vie de l’autrice, sur certains de ses engagements, pour nous faire découvrir qu’en réalité la politique, c’est la vie.
« Mais soudain et en même temps que je trace ces lettres, et comme mille ans après les faits, surgit un souvenir. Un jour quelqu’un me posa la question : « Comment en es-tu venue à la politique ? » Il évoquait ainsi non pas la politique parlementaire, mais celle de la rébellion. »
Le Roman de la politique, Natacha Michel
Les différents chapitres sont denses et variés : Natacha Michel commence par faire un état des lieux des différents mouvements de gauches, nombreux, qui bouillonnent à cette époque. Et le lecteur d’être pris de vertige devant la diversité des mouvances et des actions menées sur tous les fronts : barricades, créations de divers mouvements et collectifs en constante évolution, jusqu’à la défense des ouvriers et du glissement sémantique, fondamentalement raciste, qui fera qu’on appelle désormais les ouvrier.e.s étranger.e.s des « immigré.e.s » dans l’espace médiatique.
Paru en 2020, ce livre nous invite à faire l’état des lieux de la diversité des mouvements qui ont fait Mai 68 mais surtout à voir à travers le regard passionné de l’auteur cette passion fiévreuse pour la justice. Le roman de la politique dresse le portrait subtil d’une jeunesse en ébullition qui a soif de transformation du monde. Ici, la politique est partout – à l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm comme dans les foyers pour ouvriers immigrés – et surtout, il appartient à chacun de s’en emparer pour revendiquer un monde meilleur, moins oppressif.
Le livre présente quelques temps forts dans lesquels le lecteur se trouve plongé comme dans un polar. Le récit de Natacha Michel alterne entre l’explication de l’idéologie qui motive leurs actions et le récit de ces mêmes actions – et de leurs conséquences – à l’instar du moment où la police vient l’arrêter en pleine nuit pour sanctionner ses opinions politiques.
« Ce qui se passe alors, c’est la politique, mais du point de vue des gens. Ce n’est pas se gratter la tête pour savoir ce qu’on fait. Faire, ici, c’est dégager un possible. Et dégager un possible, c’est penser. Le possible, alors, c’est proposer ce qu’on fait à partir de ce qui peut être : une autre politique est envisageable qui tienne compte des gens et non des seuls intérêts de l’État. »
Le roman de la politique, Natacha Michel
La force de ce récit est le passage par l’intime qu’il emprunte pour nous replonger dans une époque que l’on pensait pourtant connaître. Natacha Michel, en contant l’histoire de son mouvement politique, raconte également une histoire d’amitié, celle qui la lie à Alain Badiou et Sylvain Lazarus. À travers ce portrait, se dessine la température de l’époque : les années 70 et ses gauches plurielles, les nombreuses revendications des milieux étudiants et ouvriers. Natacha Michel réintroduit Mai 68 en 2020 et nous montre, en filigrane, que la politique est une affaire de chaque instant, que le passé, n’est pas « la fausse commune d’une vie » mais « un jardin où continuent à pousser les fleurs du souvenir ».