© Théâtre Funambule Montmartre
Jusqu’au 3 janvier 2021*, le Théâtre Funambule de Montmartre présente du mercredi au dimanche un one woman show révolutionnaire signé Laura Léoni, destiné aux héroïnes oubliées de l’Histoire. Son nom ? La Folle et inconvenante Histoire des femmes.
Sur la scène du petit théâtre du 18ème, il n’y a qu’une chaise, un écran de projecteur, et un cercueil. Alors que les lumières s’éteignent, une femme seule entre. Diane Prost, que l’on a notamment pu voir dans la série Dix pour Cent ou encore dans Une nouvelle amie de François Ozon, mène la danse pendant une heure. Elle incarne une jeune femme qui, en parcourant un vieux livre d’Histoire légué par sa grand-mère, va se ré-approprier les événements du point de vue de celles qui étaient là, mais dont personne ne fait mention.
La mise en scène minimaliste est appuyée de quelques éléments passe-partout, permettant de survoler les époques avec agilité. Le vidéoprojecteur, en premier lieu, qui propose des vidéos et autres animations créées avec ingéniosité. Nous y voyons des décors, des scènes historiques, et également des héroïnes qui nous parlent d’une autre époque. Afin de ne pas changer de déguisement à chaque sketch, Diane Prost est vêtue d’un ensemble lui permettant de se mettre facilement dans la peau de chaque personnage qu’elle incarne. Pantalon, robe, toge, parfois même seins nus, elle se transforme sous nos yeux au fur et à mesure que les siècles avancent.
Explorant chronologiquement le fil de notre Histoire, la comédienne se met successivement dans la peau d’héroïnes réelles ou fictives, toutes néanmoins victimes de la place des femmes dans leur société. Qu’elles soient nobles ou pauvres, artistes ou travailleuses du sexe, on nous offre sur un plateau d’argent un panorama complet de toutes les situations possibles. Menés avec un humour teinté d’amertume, chaque mini-sketch est savamment étudié, interprété, et mis en contexte grâce au vidéo-projecteur. Entre chaque histoire Diane parle à sa grand-mère, lui raconte sa vie à elle, son homosexualité, qu’elle ne s’est jamais résolue à lui confier. Elle s’indigne, aussi, de cette histoire grandiose qui pourtant oublie la moitié de l’Humanité. Elle se rebelle, en rit, en pleure, perd espoir un moment. En même temps, comment ne pas perdre espoir après avoir parcouru l’Histoire et constaté tant d’injustices, tant d’omission, tant de frustration ? Tout ça, comme le dit si bien Diane, « parce qu’on a un trou à la place du pénis. »
La folle et inconvenante Histoire des femmes est un titre « feel good », qui fait sourire, mais qui finalement montre les changements qui sont nécessaires dans la société. Pourquoi folle, pourquoi inconvenante ? Ce n’est que l’Histoire des femmes, qui ne devrait par ailleurs pas être considérée différemment que l’Histoire de l’humanité.
Dans ce qui est finalement un immense coup de gueule pédagogique, on peut retrouver des figures telles que Jeanne d’Arc, la Marianne, ou encore Georges Sand. Elles sont accompagnées de femmes inventées, mais qui pourraient tout aussi bien être de vraies personnes, anonymes, qui ont cependant contribué à bâtir les fondements de la révolte qui a lieu aujourd’hui dans toutes les strates de la société. Car c’est finalement ça que Diane Prost et Laura Léoni essayent de nous inculquer à travers ce spectacle. L’idée que tous ces siècles, millénaires de répression féminine, d’inégalité genrée, de persécution non-justifiée et d’asservissement n’auront pas été vains. Ils ont contribué à former la génération d’aujourd’hui et aussi celle de demain, celle qui a décidé de faire bouger les choses. Lorsqu’elles n’étaient qu’une poignée au XVIIème siècle, que quelques centaines au XVIIIème, aujourd’hui nous sommes des milliers, des millions.
Diane Prost achève son pamphlet à grands coups d’émotion, musique, danse et message d’espoir. Au son d’une mixtape brillante, mélange de Run the World de Beyoncé et de l’hymne du MLF, on se sent happés par une conscience solidaire qui échappe aux catégories du monde : il n’est plus question de genre, il n’est plus question d’époque, de politique, d’économique. Il n’y a plus qu’une question d’égalité, de mémoire, et puis de révolte.
Une heure de spectacle pour rire, s’indigner, apprendre, et pleurer toutes les larmes de son corps. On en ressort retourné, affolé peut-être, réveillé, mais avec la ferme certitude que, dans cette folle et inconvenante Histoire, nous ne sommes pas seul.e.s.
La folle et inconvenante Histoire des femmes, du mercredi au dimanche au théâtre Funambule Montmartre 53 rue des Saules 75018 Paris. Information et billetterie sur le site du théâtre * Cet article était initialement publié le 27 octobre, avant qu’un confinement général ne soit décrété jusqu’au 1er décembre. En conséquence, les représentations sont annulées pour le moment.