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Édité par Playlist Society – à qui l’on doit de nombreux essais passionnants sur le cinéma et plus précisément certains cinéastes – ce nouvel ouvrage est consacré à Christophe Honoré. Pour son premier livre, le journaliste Mathieu Champalaune explore l’univers d’un réalisateur plutôt singulier dans le paysage artistique français naviguant entre cinéma, littérature et théâtre.
« Pour moi, tous mes projets sont liés les uns aux autres. » confiait Christophe Honoré en 2017 – pour la sortie de son livre Ton père – à Mathieu Champalaune pour Maze. Trois ans plus tard – notre ex-collègue ; journaliste cinéma, théâtre et littérature ; membre de la direction éditoriale de la revue Répliques – rend hommage au même Christophe Honoré dans un premier livre et très bel essai : Christophe Honoré, les corps libérés, édité par Playlist Society.
Ses années étudiantes à Rennes, ses premiers romans jeunesse, ses influences musicales et littéraires, ses idoles, sa filmographie particulière, ses engagements, ses incursions par le théâtre et l’opéra ; l’auteur dresse le portrait et le parcours d’un artiste plutôt particulier. « Christophe Honoré est l’un des artistes les plus passionnants de notre époque : il a un parcours qui illustre la nécessité contemporaine de mêler ensemble les différentes pratiques artistiques, comme il le fait entre le cinéma, la littérature et la scène, auxquels on peut ajouter l’importance de la musique. » nous précise l’auteur.
Christophe Honoré a su au fil du temps créer autour de lui une communauté d’amateurs de son cinéma tout en flirtant avec les institutions culturelles françaises. Encensé par une certaine presse spécialisée, il est aussi méprisé et incompris par une autre et par certains spectateurs. Pourtant, de son premier long métrage 17 fois Cécile Cassard (2002) à Chambre 212 (2019), le réalisateur flirte avec ses références et son intimité, tout en revendiquant des propos et des émotions universels ; s’inspirant de La Princesse de Clèves dans La Belle Personne (2008), de George Bataille dans Ma Mère (2004), se confrontant au Métamorphoses (2014) d’Ovide ou aux Malheurs de Sophie (2016) dans les oeuvres éponymes. Il se confronte aussi à des thématiques plus intimes autour de l’homosexualité, du deuil, de l’enfance, des sentiments amoureux jouant avec le temps, l’espace et les genres cinématographiques : Les Biens-aimés (2011), Dans Paris (2006), Les Chansons d’amour (2007) ou Plaire, aimer et courir vite (2008).
Mathieu Champalaune met en avant de manière presque christique ces corps déambulant dans le cinéma de Christophe Honoré, ces corps qui dansent, chantent, aiment et souffrent et ces acteurs qui les incarnent dont certains se promènent dans la filmographie et dont les personnages pourraient être plusieurs versions d’une même personne à des âges différents, Louis Garrel évidemment, Chiara Mastroianni indéniablement, Vincent Lacoste maintenant. L’auteur s’explique ainsi, « Au coeur de cette expression, s’illustre un désir d’émancipation des corps pour sortir des cadres fixés. Autant dire que cette idée vaut, autant, pour manifeste artistique : à travers la représentation même des corps – ceux des personnages comme ceux des acteurs – mais aussi dans cette manière de sortir des cadres artistiques et ne pas se cantonner qu’à une seule pratique et/ou forme. »
Divisé en quatre parties, cet essai retrace l’oeuvre d’un auteur attaché aux dialogues et aux corps, un cinéaste à la fois mélancolique et ancré dans son époque. L’artiste mêle savamment la fiction et l’autobiographie jusqu’à ce triptyque parfait représenté par le livre Ton père, la pièce Les Idoles et le film Plaire, aimer et courir vite… Mathieu Champalaune explore toutes les facettes de l’artiste. La documentation est minutieuse – appuyée sur de nombreux entretiens -, et l’analyse semble passionnée voire amoureuse de l’auteur envers Christophe Honoré. Il en saisit toute la complexité et la diversité. S’il pourrait être reproché parfois à cette étude de ne pas pousser plus loin certaines observations pertinentes, cela en fait aussi un livre accessible à tous encourageant les néophytes à approfondir, les détracteurs à revoir leur opinions et les aficionados comme nous à se refaire toute la filmographie du cinéaste – voire l’ensemble de son œuvre artistique. C’est ce qui s’appelle réussir un essai et c’est aussi pour cela que nous défendons les ouvrages cinématographiques de Playlist Society. À lire d’urgence !
« Christophe Honoré, les corps libérés » par Mathieu Champalaune, édité par Playlist Society / En librairie : 136 pages / 14 euros