CINÉMA

« Borat 2 » – Du comique subversif au conformisme politique

Près de quinze ans après les déambulations de Borat sur le sol américain, nous le retrouvons pour un deuxième numéro moins subversif mais qui conserve un goût prononcé pour le burlesque.

Retrouver Sacha Baron Cohen dans le costume de Borat en 2020 a quelque chose d’inquiétant. D’abord, l’acteur s’est confirmé dans des films inégaux (Brüno, The Dictator) qui, une fois la barrière du reportage effondrée, n’arrivaient pas à tenir leurs lignes fictionnelles. Pire, on sentait venir le vernis transgressif. Celui qui pointe le bout de son nez à de nombreuses reprises dans ce nouveau film intitulé Borat Subsequent Moviefilm : Delivery of Prodigious Bribe To American Regime For Make Benefit Once Glorious Nation of Kazakhstan. Le contexte politique a tellement évolué avec un univers médiatique qui évoque South Park et son appétence pour la vulgarité. Il y avait de quoi craindre ce retour et le film confirme en partie nos doutes tout en maintenant une belle énergie comique qui empêche le film d’être politiquement correct, ce dont il ne semble pas s’apercevoir.

Un beau départ

Borat est enfermé en prison suite à l’échec de son premier reportage aux États-Unis. Son ministre de tutelle lui propose d’y retourner pour offrir un singe au vice-président Mike Pence. Le voyage ne se passe pas comme prévu, l’animal a été dévoré par la fille de Borat qui devient à son tour le cadeau à offrir. Il y a dans la stupidité de l’intrigue une volonté de mener un récit à deux lignes où la jeune fille de quinze ans va confronter son monde à celui des Américains. De l’autre côté, Borat va tout faire pour la conformer à ce qu’il pense être les désirs des puissants.

Le schéma est classique, n’hésitant d’ailleurs pas à reprendre des séquences qui évoquent le premier film. Mais Sacha Baron Cohen est fatigué, son visage a vieilli et le décalage n’est plus là. Plus personne ne s’offusque des gestes ou des mots de Borat. Une tenue du Klu Klux Klan, un salut nazi ou un message antisémite sur un gâteau ne provoque plus l’énervement ou la gêne des intervenants. Même en ayant recours aux déguisements, la surprise ne prend plus. Si la première aventure sortie en 2006 pouvait troubler sur la fausse frontière établie entre la documentaire et la fiction, la mise en scène n’arrive jamais à nous faire croire à du réel. Tout semble écrit (plutôt bien) mais le rire semble glisser, évitant généralement le malaise qui faisait la qualité du premier film. Ce n’est pourtant pas ce qu’annoncent les premières minutes du film, très drôles, sur les désillusions de l’ère Obama. Le film assure sa part fictionnelle et prend du temps pour tisser la relation d’un père absent qui retrouve sa fille (la formidable Maria Bakalova).

Borat 2 : politiquement incorrect et tristement drôle | Radio-Canada.ca

Subversivité à tout prix ?

Il faut reconnaître à Sacha Baron Cohen un génie burlesque qui lui permet de rendre son rire subversif à l’heure de la saisie morale de l’art. Il ne perd pas de vue son objectif mais joue la carte de la provocation à fond, allant jusqu’à arborer tous les clichés antisémites face à des pratiquantes juives. La résolution de la scène, dans l’humour et l’amour, n’a pourtant pas plu à une survivante de la Shoah qui a décidé de porter plainte contre l’auteur après avoir accepté une interview dans le film. Elle y voyait une apologie du négationnisme. C’est peut-être là la subversion de Sacha Baron Cohen, ne rien concéder si la scène fonctionne sur un pur registre comique. Au bout du compte, Borat 2 reste un film de conciliation, autant du côté fictionnel que politique.

Une scène culottée vient rappeler l’intelligence de Sacha Baron Cohen et son talent pour instiller du malaise. Vers la fin du film, un ex-maire de New-York et proche de Donald Trump, est piégé par les acteurs du film. On l’entend parler d’une fabrication de la Covid-19 par la Chine. Un plan du film le montre mettre sa main dans sa pantalon au moment de retirer le micro provoquant la gêne de Borat qui se propose comme esclave sexuel à la place de sa fille. La séquence est terriblement gênante et constitue l’une des brèches de réel qui manquent au film, même si sa fabrication reste problématique.

La fin du long-métrage, pas vraiment drôle, laisse un arrière-goût amer. Le générique affiche : « Votez ou vous serez exécutés ». On retrouve ce qui caractérisait Les 7 de Chicago, où Sacha Baron Cohen tenait l’un des rôles principaux, avec ce penchant pour le conformisme idéologique. Le film sort quelques jours avant les élections américaines sur Prime vidéo, la plateforme d’Amazon. Être subversif ou voter Joe Biden ? Sacha Baron Cohen n’arrive pas à choisir, il embarque les deux.

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