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Dans Blackbird, Roger Michell s’intéresse à nouveau à la thématique de la vieillesse. Après le récit de la sexualité ou celui de la séparation, voici venu celui de l’euthanasie, incarné avec brio par Susan Sarandon qui prend le sujet à bras le corps.
Elle est rayonnante. Lily (Susan Sarandon) est en proie à une maladie dégénérative, et elle a choisi de mourir quand elle pouvait encore se le permettre. Sa décision est prise, elle peut maintenant vivre pleinement ses dernières heures.
Elle oui, mais pas sa famille. En bord de mer et au milieu des dunes, dans cette maison de campagne aux murs blancs et aux grands espaces, elle les a réunis pour passer avec eux un dernier week-end avant de se donner la mort.
Roger Michell a réuni tous les archétypes familiaux et les choix de vie, au risque de s’attirer les foudres des critiques pour son manque de nuance : le mari doux et attentif, la grande sœur rigide, la petite sœur lesbienne et dépressive, le petit-fils provocateur, le beau-fils qui ne sait pas où se mettre, la bonne amie.
Au croisement de ces personnalités qui s’entrechoquent dans de multiples scènes de crises, Lily est solaire, lumineuse. A l’aube de sa vie qu’elle a choisie, alors qu’elle semble avoir trouvé le repos, sa famille implose.
« Philosopher, c’est apprendre à mourir » : c’est à cette leçon magistrale que Susan Sarandon donne tout son corps et sa présence. Ce parti pris politique, cet optimisme de la vie comme de la mort, elle en fait son combat.
Les non-dits, les secrets, la rancœur, l’envie, l’incompréhension, les souvenirs refoulés : tout refait surface. Tout le monde disait être prêt mais personne ne l’est vraiment. Tout le monde sauf Lily, qui, maîtresse de sa décision, y va de ses petites phrases cyniques, se joue avec humour de la mort, quitte à choquer son entourage. La caméra est à l’affût de la moindre réaction de ces personnages à fleur de peau. Elle les bouscule, et alors que les tempéraments s’entrechoquent, l’amour jaillit en même temps que les reproches.
Il pourrait être reproché au réalisateur des sentiments qui explosent trop fort ou des traits de personnalité trop archétypaux : mais c’est justement la future mort de Lily qui décuple l’énergie de ses proches. Cette asymétrie, cette maladresse et ces exagérations donnent corps à la douleur et à l’amour, car ils sont empreints d’une sincérité qui sonne juste. Roger Michell parvient ainsi à nous faire rire et pleurer sans manipulation, avec franchise.
Un huis clos peut rarement être qualifié de lumineux. Blackbird en fait partie. Au contraire de films comme Juste la Fin du Monde (réalisé par Xavier Dolan) par exemple, où les retrouvailles familiales n’étaient que tourments et peines, l’enfermement ouvre ici des espaces intérieurs inconnus et pleins d’espoir. Avant même d’être partie, Lily laisse la place à la parole, au début d’une nouvelle histoire qui commence déjà.
Et c’est comme un parcours initiatique vers la mort qui se dessine, tel une longue étreinte : en apprenant à mourir une première fois avec un être qui leur est cher, ils apprennent à mieux vivre avec eux-mêmes.